Sri Lanka : la police recourt à la force létale lors de manifestations

Tharaka Basnayaka / NurPhoto via AFP

Colombo, Paris, 20 avril 2022. L’utilisation de balles réelles par la police pour disperser une manifestation au Sri Lanka le 19 avril 2022 a entraîné la mort d’un manifestant et blessé au moins 14 autres personnes. Elle doit faire l’objet d’une enquête approfondie et les responsables doivent être tenu·es pour responsables, déclarent la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et le Center for Human Rights and Development (CHRD).

La police a ouvert le feu sur une foule de manifestant·es à Rambukkana, une ville située à environ 100 km au nord-est de la capitale Colombo, dans la province de Sabaragamuwa, après que certain·es d’entre eux eurent tenté de mettre le feu à un véhicule et lancé des pierres à la police. Les manifestant·es s’étaient rassemblé·es pour protester contre les pénuries de carburant et la hausse de son prix.

« Au milieu d’un mécontentement public croissant à l’égard du gouvernement, l’utilisation de balles réelles contre les manifestant·es signale une dangereuse escalade de la violence et de la répression contre la liberté de réunion. Les autorités sri-lankaises doivent immédiatement lancer une enquête complète, impartiale et indépendante sur l’utilisation de la force létale contre les manifestants, demander des comptes aux responsables et veiller à ce que le maintien de l’ordre dans les rassemblements respecte strictement les normes internationales pertinentes ».

Secrétaire général de la FIDH, Adilur Rahman Khan

Les manifestant·es protestaient contre les graves pénuries de carburant et de pétrole dans le pays et contre l’augmentation des prix du carburant entrée en vigueur le 18 avril 2022. Selon la police, les manifestant·es ont bloqué une ligne ferroviaire pendant plus de 15 heures. Un couvre-feu policier d’une durée indéterminée a été imposé à Rambukkana à la suite des manifestations.

Cet incident est la première fusillade mortelle dans le cadre d’une série de manifestations essentiellement pacifiques qui ont débuté à mi-mars 2022 dans tout le pays, contre la mauvaise gestion économique et financière du gouvernement, qui a entraîné des pénuries de nourriture, de carburant, de gaz et de médicaments essentiels, et a provoqué des coupures de courant quotidiennes de plus de cinq heures.

À partir du 9 avril 2022, des manifestations pacifiques ont eu lieu pendant 11 jours consécutifs devant le bureau du président à Colombo, où des groupes ont occupé l’espace vert de Galle Face pour demander la démission du président Gotabaya Rajapaksa. Lors d’une manifestation le 31 mars devant la résidence privée de M. Rajapaksa à Colombo, la police a utilisé des gaz lacrymogènes, des canons à eau et a arrêté une cinquantaine de manifestant·es.

« Il est impératif que les autorités sri-lankaises respectent et protègent les droits humains fondamentaux, notamment le droit à la vie, pendant les manifestations en cours. Les forces de l’ordre doivent s’abstenir de recourir à la force et adopter plutôt des techniques de désescalade appropriées afin de se conformer aux normes internationales et de minimiser le risque de violence. La situation d’un recours nécessaire et inévitable de la force ne s’est pas encore présentée, car les manifestations dans tout le pays ont été majoritairement pacifiques »

Me K.S. Ratnavale, directeur du CHRD

La FIDH et le CHRD demandent instamment aux autorités sri-lankaises de respecter et de protéger le droit à la liberté de réunion pacifique, conformément aux lois et normes nationales et internationales.

Le droit de réunion pacifique est protégé par l’article 14(1)(b) de la Constitution du Sri Lanka de 1978. En outre, le Sri Lanka est un État partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), qui consacre le droit à la liberté de réunion pacifique dans son article 21.

Selon l’observation générale n° 37 du Comité des droits de l’homme des Nations unies, lorsque le recours à la force est inévitable, il doit répondre aux critères stricts de nécessité et de proportionnalité. La « nécessité » exige que les forces de l’ordre puissent recourir à l’usage de la force pour atteindre un objectif légitime de maintien de l’ordre lorsqu’aucune autre solution raisonnable ne semble disponible. La "proportionnalité" exige que les responsables de l’application des lois évaluent le type et le niveau de la force pour qu’ils soient proportionnels à la menace posée par un individu ou un groupe d’individus.

En outre, selon les Principes de base des Nations unies sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois, les armes à feu ne doivent pas être utilisées contre des personnes « sauf en cas de légitime défense ou de défense d’autrui contre une menace imminente de mort ou de blessure grave, pour empêcher la perpétration d’un crime particulièrement grave impliquant une menace sérieuse pour la vie [...] et seulement lorsque des moyens moins extrêmes sont insuffisants pour atteindre ces objectifs ». Les principes stipulent que « l’usage létal intentionnel des armes à feu ne peut être fait que lorsqu’il est strictement inévitable afin de protéger la vie ».

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