Nous nous interrogeons sur le fait que, malgré l’interdiction absolue d’utiliser des armes à feu lors des protestations sociales, qu’avait ordonnée la Mairie de Bogota, en tant qu’autorité civile des forces de police dans ville [2], ces dernières n’ont pas respecté l’interdiction. Ces faits se sont soldés par plus de 10 morts et plus de 300 blessés [3]. L’interdiction de port et usage d’armes à feu par les autorités de police lors des protestations sociales – que le gouvernement national n’a pas respectée - est expressément mentionnée sur des instruments, tels que la Résolution 1190 de 2017 (Protocole de protestation sociale), établie à la suite d’une concertation entre le ministère de l’Intérieur, des organisations sociales et de défense des droits humains.
Lors d’une série de manifestations publiques devant les postes de police qui se sont déroulées entre le 9 et le 10 septembre, à Bogota, Medellin, Cali et Baranquilla, des membres de la police nationale auraient commis des exécutions extrajudiciaires, allant même jusqu’à fournir des armes à des civils pour tirer sur les manifestant·es. Dans le cadre de ces protestations, il a aussi été constaté des actes de violence sexuelle et autres abus de la force publique, ainsi que des restrictions arbitraires de liberté. On a aussi enregistré des faits qui sortent du cadre du droit à manifester pacifiquement, comme brûler des biens publics ou attaquer des services publics.
Nous exigeons que le Protocole social soit appliqué ; que soit menée une enquête afin d’établir les responsabilités pénales et disciplinaires de la police nationale et des agents de l’État pour ces actes, n’ayant pas respecté leur obligation d’obéir aux ordres de la première femme maire de Bogota ; et que soient adoptées les mesures nécessaires pour réformer l’institution de la police, afin que leur attitude et leurs actes soient conformes aux normes internationales en matière de droits humains.
La FIDH demande aux organismes internationaux de vérifier cette situation et d’assurer un suivi, afin que l’État colombien respecte la vie, l’intégrité et la liberté d’expression des manifestant·es, ainsi que leurs droits à un procès équitable, à la vérité, à la justice, à réparation et à la non-répétition des faits.
Contexte
Ces manifestations ont été marquées par des brutalités policières, des actes de torture, des traitements cruels et inhumains qui auraient conduit à l’assassinat de Javier Ordoñez, étudiant en droit, âgé de 44 ans, dans le cadre d’agissements de la police colombienne le 8 septembre dernier, selon ce que l’on a pu voir sur des vidéos prises par des citoyens. Il a été roué de coups et a reçu des décharges électriques alors qu’il se trouvait à terre et qu’il demandait l’arrêt de tous ces agissements avec d’autres personnes qui exigeaient la même chose.
Par la suite, monsieur Ordoñez a été conduit de façon arbitraire à un centre de détention où la police lui a infligé d’autres mauvais traitements, auxquels il a succombé.
Dans le but de vérifier que l’État colombien, conformément aux obligations internationales auxquelles il est tenu, a bien poursuivi les plus hauts responsables de ces faits, la FIDH a fait les recommandations suivantes.
I) Que soit mise en place une enquête judiciaire effective et authentique qui garantisse les droits des victimes à la vérité, à la justice, à réparation et à la non-répétition des faits.
II) En particulier, que les crimes les plus graves ne soient pas jugés par la Cour de justice pénale militaire, mais par les autorités de la Justice ordinaire et disciplinaire en bonne et due forme.
III) Que les réformes structurelles de la police nationale s’accélèrent, pour que ladite institution ait un statut civil, sujet aux protocoles de formation et de pratique entièrement tournés vers les droits humains.
IV) Que soit mis en application le « Protocole de la coordination des actions de respect et la garantie de considérer les manifestations pacifiques comme un exercice légitime des droits de réunion, manifestation publique et pacifique, liberté d’association, liberté de circuler, liberté d’expression, liberté de conscience, d’opposition et de participation , y compris à ceux qui ne participent pas à la manifestation pacifique » (Résolution 1190 de 2017).