RÉSOLUTION SUR L’INDÉPENDANCE DE LA JUSTICE ET L’ACCÈS À LA JUSTICE DES VICTIMES EN COLOMBIE, ADOPTÉE PAR LE CONGRÈS DE LA FIDH RÉUNI À EREVAN

11/04/2010
Communiqué
en es fr

RÉSOLUTION SUR L’INDÉPENDANCE DE LA JUSTICE ET L’ACCÈS À LA JUSTICE DES VICTIMES EN COLOMBIE

La Fédération internationale des ligues des droits de I’Homme (FIDH) réunie en son XXXVIIe congrès mondial à Erevan (Arménie) du 6 au 10 avril 2010, face aux situations qui affectent l’indépendance de la justice et l’accès des victimes à la justice en Colombie et

ATTENDU

Que sous la présidence d’Álvaro Uribe Vélez, des pressions et ingérences répétées et systématiques dans le travail du pouvoir judicaire ont eu lieu, qui se sont traduites par l’absence de garanties pour l’exercice de la justice, qui ont été un facteur significatif du renforcement de l’impunité en matière d’enquête, de jugement et de sanction dont jouissent les responsables de violations des droits de l’Homme, et ont été des obstacles au travail des défenseurs des droits de l’Homme et à l’accès des victimes à la justice.

Que dans le cadre de ces actions on note, parmi de nombreuses autres, la surveillance par des agents du DAS (Departamento Administrativo de Seguridad, le service de renseignement colombien) de la vie privée, familiale et professionnelle, d’un large groupe formé de procureurs, juges, magistrats des juridictions supérieures, défenseurs des droits de l’Homme, victimes et témoins, dans le cadre de procès pour violations des droits de l’Homme devant les instances nationales et internationales.

Qu’à ces violations des droits de l’Homme il convient d’ajouter les menaces de type sexuel et différents types de violence contre les femmes, adolescentes et petites filles, les attentats d’indivus armés contre la vie et l’intégrité de la personne des défenseurs des droits de l’Homme, en raison de leur activité en faveur de la défense des droits civils, politiques, économiques, sociaux, culturels et environnementaux. Les actions de ce type ont été largement recouvertes d’un manteau d’impunité, faisant complètement fi des effets du conflit sur la vie des femmes, laissant de côté les questions centrales comme la violence sexuelle, pratique répandue dans le contexte de conflit armé qui transforme le corps des femmes en champ de bataille, et, en somme, violant de manière systématique et réitérée les droits des victimes à la vérité, à la justice, à la réparation et aux garanties de non-répétition.

Qu’en plus de l’effet sur le pouvoir judiciaire et sur l’accès des victimes à la justice, le pouvoir exécutif a publiquement manifesté son opinion et remis en cause la pertinence morale, professionnelle et éthique de plusieurs magistrats et de certaines décisions de justice contraires aux intérêts et aux politiques du gouvernement, ou révélatrices des violations des droits de l’Homme de la part d’agents de l’État.

Qu’au niveau institutionnel, le gouvernement a cherché à consolider cette politique en proposant une série de réformes et en prenant position en leur faveur, réformes qui visent à porter atteinte à l’indépendance du pouvoir judiciaire et comprennent la suppression de certaines juridictions supérieures, la fusion de certaines des fonctions que la Constitution leur affecte en un seul organisme, et la consolidation du pouvoir de nomination du gouvernement de personnes proches de ses intérêts et orientations politiques et idéologiques dans certaines instances judiciaires, y compris les organismes de contrôle, en contravention avec les recommandations des organismes internationaux qui ont, de manière répétée, attiré l’attention de l’État colombien sur la nécessité d’adopter sans délai des mesures appropriées pour la prévention, la prise en compte et la réparation des faits de violence sexuelle et d’autres violations des droits de l’Homme perpétrées au cours ou à l’occasion du conflit armé.

DÉCIDE DE

Condamner l’ignorance par le gouvernement colombien de l’indépendance de la justice et du droit d’accès à la justice des victimes de violations des droits de l’Homme.

Exiger de l’État colombien qu’il remplisse ses obligations internationales et nationales en matière d’indépendance de la justice, d’accès à la justice des victimes de violations des droits de l’Homme.

Exiger de l’État colombien, conformément aux recommandations réitérées des organismes internationaux en matière de droits de l’Homme, qu’il garantisse les droits des victimes à la vérité, à la justice, à la réparation et aux garanties de non-répétition.

Soutenir les plaintes et l’appel des juges, procureurs, défenseurs des droits de l’Homme, victimes et témoins en faveur du rétablissement de l’indépendance de la justice et des garanties en matière d’accès à la justice.

Appuyer le travail opiniâtre, quotidien et constant des femmes, des jeunes, des enfants, et des défenseurs des droits de l’Homme pour préserver la mémoire et lutter contre l’impunité et l’oubli, et réitérer l’appui pour le respect entier de leur droit à la vérité, à la justice et à la réparation.

Erevan, avril 2010

Lire la suite