Transition au Mali : le mandat de la MINUSMA doit être renforcé

18/06/2021
Communiqué
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(Bamako, Paris) – Alors que le mandat de la Mission intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) doit être renouvelé d’ici au 30 juin prochain, l’Association malienne des droits de l’Homme (AMDH) et la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) exhortent le Conseil de sécurité des Nations unies à renouveler et renforcer son mandat, y compris pour faire face aux enjeux sécuritaires et socio-politiques liés à la crise multi-forme et à la transition politique qui prévalent dans le pays. L’AMDH et la FIDH recommandent au Conseil de Sécurité de conserver un mandat fort en matière de protection des civils et d’accompagnement du processus de transition politique, y compris en donnant à la MINUSMA des moyens adaptés pour la réalisation de son mandat.

Sur le plan sécuritaire, depuis le début de la crise, les populations civiles maliennes sont les premières victimes et subissent toujours l’enracinement et la violence des groupes armés terroristes, l’intensification des conflits inter-communautaires et les exactions commises dans le cadre d’opérations anti-terroristes.

« Pour garantir une protection des civils effective et durable, il est essentiel que la MINUSMA poursuive son accompagnement de la justice et des autorités maliennes dans la garantie de l’accès des victimes des crimes les plus graves à la justice et aux réparations, et coopère avec la Cour pénale internationale qui mène une enquête sur les crimes internationaux commis au Mali depuis 2012 »

Drissa Traoré, secrétaire général de la FIDH

Le travail de la MINUSMA constitue une composante essentielle dans les efforts visant à promouvoir les droits humains et une paix durable dans le pays, notamment pour la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali. Le renouvellement du mandat de la MINUSMA et le renforcement de ses effectifs doivent s’inscrire dans les efforts continus pour mieux protéger les populations civiles, permettre le retour de l’État dans certaines zones des régions du Nord et du centre, et rétablir l’État de droit. Une attention particulière doit également être apportée à la capacité de la MINUSMA à documenter et à condamner les violations des droits humains commises par toutes les parties présentes sur le territoire malien afin de rappeler que si la lutte contre le terrorisme est légitime et nécessaire, elle doit se faire dans le respect des droits humains, des règles et des principes universels protégeant les personnes et les libertés individuelles et collectives.

Nos organisations saluent les efforts de la division des droits de l’Homme et de la Protection de la MINUSMA en faveur de la documentation des abus et violations des droits humains, qui joue un rôle crucial dans la vérification des informations et l’alerte.

« En mars, suite aux frappes aériennes à Bounty, la MINUSMA a réagi rapidement en assurant une mission indépendante pour vérifier les faits, et en publiant un rapport qui a démontré la nécessité de mener une enquête judiciaire indépendante sur ces faits. Il est maintenant de la responsabilité des autorités d’y donner suite »

Me Mariko Moctar, président de l’AMDH

En outre, l’appui technique de la MINUSMA peut contribuer à renforcer davantage le travail du gouvernement malien, notamment dans les domaines judiciaire et du rétablissement des services de base dans des localités du centre et du nord où l’État n’est plus présent. En effet, afin que la lutte contre l’impunité devienne un pilier principal, l’accompagnement continu de la Section des Affaires Judiciaires et Pénitentiaires de la MINUSMA à travers le renforcement des capacités de la chaîne pénale, l’évaluation des réponses judiciaires et l’appui à la mise en place d’une politique et stratégie criminelle, est nécessaire au bon traitement des dossiers des violations graves des droits humains y compris les violences sexuelles liées aux conflits. Afin de renforcer cet accompagnement judiciaire, il est essentiel que la MINUSMA continue d’appliquer des sanctions individuelles et collectives contre les auteurs des violations des droits humains, des violations du cessez-le-feu et pour les parties qui refusent d’appliquer l’Accord de paix de 2015.

Enfin, à la suite de l’annonce de la fin de la mission des forces « Barkhane » par la France, le renouvellement du mandat de la MINUSMA est crucial. L’accompagnement sécuritaire et politique mené par la MINUSMA auprès des autorités maliennes pourrait contribuer à réussir la transition politique. Toutefois, le conseil doit tirer toutes les leçons liées aux limites de l’approche actuelle basée en grande partie sur le volet sécuritaire. Pour ce faire, nos organisations demandent enfin au Conseil de Sécurité d’inclure dans le mandat de la MINUSMA l’accompagnement des autorités maliennes dans la préparation et l’organisation des élections présidentielles et législatives prévues en février prochain, étape indispensable pour le redéploiement de l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire dans les meilleurs délais.

Sur le plan politique, l’AMDH et la FIDH demeurent préoccupées par les derniers bouleversements de la transition politique que connaît le pays depuis août 2020. Nos organisations réitèrent leur condamnation du putsch du 25 mai et prennent acte de la prestation de serment du Colonel Assimi Goïta, le 7 juin dernier, en tant que nouveau Président de la transition, ainsi que de la nomination, le même jour, de Choguel Maïga en tant que Premier Ministre. Nos organisations sont interpellées par la composition du gouvernement, nommé le 11 juin, et qui ne comprend que 6 femmes sur les 28 ministres nommés soit environ 21%, cela en violation de la loi 052 portant promotion des femmes à des fonctions nominations et électives prévoit un quota minimum de 30%. Enfin, nos organisations notent également certains engagements pris par le Premier Ministre en matière de respect des droits humains, lors de son discours inaugural du premier conseil de cabinet le 13 juin dernier, notamment concernant la lutte contre l’impunité des exactions commises à Bamako en juillet 2020.

Au vue de la précarité de la situation sécuritaire, politique et humanitaire au Mali, et les multiples urgences auxquelles le pays fait face, l’AMDH et la FIDH appellent le Conseil de Sécurité des Nations unies à adopter une résolution prévoyant le renouvellement et le renforcement du mandat de la MINUSMA, et à :

  • Doter effectivement la mission de moyens et équipements appropriés pour une meilleure sécurisation de son personnel et les populations civiles qui sont les principales victimes de l’insécurité ;
  • Coordonner les efforts avec les États sahéliens en vue d’inscrire la protection des civils y compris les enfants, les femmes, les personnes en situation de handicap, les minorités, les personnes déplacées ou réfugiées, les suspects ou détenus, au cœur du mandat de toutes les opérations militaires ;
  • Veiller au respect strict des droits humains dans les opérations anti-terroristes menées par les différentes forces armées engagées sur le terrain et à la promotion de la redevabilité ;
  • Poursuivre et renforcer l’accompagnement de la justice et des autorités maliennes dans la garantie de l’accès des victimes des crimes les plus graves commis depuis 2012, notamment les violences sexuelles liées aux conflits, à la justice et aux réparations ;
  • Coopérer avec la Cour pénale internationale (CPI) dans ses efforts d’enquêtes et de poursuites sur les crimes internationaux commis au Mali depuis 2012 ;
  • Continuer à appliquer des sanctions à l’encontre des individus ou groupes d’individus y compris des éléments des forces armées en cas de violations des droits humains, des cessez-le-feu et de refus de mettre en œuvre l’Accord.
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