RDC : Cinq priorités pour les droits humains adressées au président Félix Tshisekedi

21/03/2019
Rapport
RDC
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(Kinshasa - Paris) Quelques semaines après l’alternance politique à la tête de l’État en République démocratique du Congo (RDC), quatre ONG présentent dans un nouveau rapport les cinq chantiers leur semblant prioritaires pour améliorer la situation des droits humains dans le pays. En ce domaine, le bilan des 20 dernières années est désastreux. Miné par de multiples conflits qui ont fait des centaines de milliers de morts, la corruption et l’impunité, la RDC a de plus connu depuis 2015 de graves tensions internes liées aux reports puis à la tenue des élections. Le rapport et ses conclusions ont été présentés et discutés le 12 mars à Kinshasa avec le nouveau Président de la République, M. Félix Tshisekedi.

Pour nos organisations, les nouvelles autorités doivent adopter une politique résolument volontariste pour promouvoir les droits humains et l’État de droit, et tourner la page de décennies de pouvoirs autoritaires et corrompus.

« Nous appelons les autorités congolaises à considérer nos 48 recommandations pour l’amélioration de la situation des droits fondamentaux, et pour rétablir une unité nationale et une paix durable dans le pays »

Paul Nsapu Mukulu, secrétaire général adjoint de la FIDH et président de la ligue des Électeurs de retour en RDC après plus de 15 ans d’exil forcé

C’est dans cette optique qu’une mission de plaidoyer a été menée du 11 au 15 mars 2019 à Kinshasa. Un ensemble de 48 recommandations regroupées en 5 grandes priorités [1] pour un État plus respectueux des droits humains a été proposé au nouveau Président de la République.

Dès la formation du nouveau gouvernement, il est crucial que les autorités adoptent une feuille de route ou un plan d’action national en faveur des droits humains afin d’engager les réformes nécessaires à la mise en place d’un véritable État de droit et d’institutions garantes des libertés publiques et individuelles – dans un État rongé par la corruption généralisée, des pratiques autoritaires et violentes et l’impunité.

« La lutte contre l’impunité, la promotion de la vérité et le renforcement de la justice sont indispensables pour obtenir des avancées concrètes en matière de gouvernance, de démocratie et de droits humains en RDC »,

Dismas Kitenge Senga, président du Groupe Lotus

De nombreux crimes à caractère politique, ciblant des défenseur.es des droits humains (affaire Chebeya – Banzana), des individus, voire des groupes entiers (Kasaï ; Kivu ; rapport mapping des Nations unies), sont demeurés sans procès ni coupables, sapant toute réconciliation nationale et laissant les victimes dans l’attente de justice et de soutien. Devant l’ampleur des crimes commis depuis plus de 20 ans, il est temps que les principaux responsables (sécuritaires et politiques) soient inculpés et jugés. Pour ce faire, il est essentiel de conduire des réformes institutionnelles, à commencer par la refonte du système judiciaire, caractérisé en RDC par son manque de moyens et d’indépendance.

Au delà des processus judiciaires – qui ne pourront qu’être limités par le manque de moyens et l’ampleur des violences commises – un processus de justice transitionnelle impliquant la population dans son ensemble devrait être conduit, permettant d’identifier les origines de la violence et de recréer le lien entre les citoyen.nes et l’État. La création d’un mécanisme de vérité, d’apaisement et de réconciliation, dans une perspective d’unité nationale, prendrait en l’espèce tout son sens. Dans ce cadre, l’utilisation persistante et systématique des violences sexuelles et basées sur le genre doit être examinée spécifiquement.

Nous exhortons le Président Félix Tshisekedi et ses équipes à s’inspirer des recommandations formulées par nos organisations, afin de poursuivre et renforcer les premiers actes positifs posés depuis le début du quinquennat. [2]

« Nous saluons les avancées et les engagements pris par le Président Félix Tshisekedi en matière de protection des droits humains, en ce qu’ils marquent une volonté de rompre avec les violations d’État perpétrées dans le passé. Nous demeureront cependant vigilants sur la réalisation des engagements pris par le nouveau pouvoir et sur la réalité quotidienne du respect des droits humains »

Jean-Claude Katende, président de l’ASADHO

Le programme d’urgence des 100 premiers jours présenté par le Président, et axé sur la sécurité, la politique ou encore les questions sociales est un signal positif, qui devra se décliner en mesures concrètes. La composition (toujours en négociation) du futur gouvernement sera un premier indicateur des priorités du nouveau Président pour mettre en œuvre ces réformes, l’ancienne majorité présidentielle de Joseph Kabila ayant conservé la majorité à l’Assemblée nationale.

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