Le développement au détriment des résidents

Expulsions forcées à Chongqing

Publication d’un rapport de mission d’enquête
(Disponible en anglais seulement)

Embargo : 04 juin 2007, 0h01 GMT - A l’occasion du 18ème anniversaire de la répression du mouvement estudiantin de la place Tian an men du 4 juin 1989, la FIDH publie un rapport de mission sur les expulsions forcées en Chine.

Expulsions forcées à Chongqing

Grâce à une enquête de plusieurs mois menée dans la ville de Chongqing, la FIDH a mis en évidence les violations des droits de l’Homme qu’engendrent les démolitions de logements et expulsions. Alors que la ville s’apprête à célébrer, le 18 juin, le dixième anniversaire de son accession au statut de municipalité autonome, la FIDH détaille dans son rapport le prix à payer pour ses habitants, notamment les plus modestes, exclus du développement à marche forcée qui métamorphose la ville.

En effet, depuis le début des années 1990, la Chine a fait de la modernisation de ses villes un de ses principaux défis. La modernisation urbaine est une conséquence inévitable du développement économique de la Chine. Elle répond aussi à l’ambition de faire des grandes villes une vitrine du pays, confortée par la perspective de la tenue des Jeux olympiques à Pékin en 2008, et de l’exposition universelle à Shanghai en 2010. Parfois nécessaire en raison de l’insalubrité des habitations et de l’insuffisance des infrastructures publiques, ces restructurations urbaines se traduisent par la démolition de quartiers entiers et l’expulsion forcée de leurs habitants. Bien qu’il s’agisse d’un bouleversement majeur aux conséquences sociales importantes pour la population, il n’existe pas de statistiques sur cette question sensible.

La FIDH a pu constater que les populations concernées sont rarement informées de leur expulsion dans des délais raisonnables, ne sont généralement pas relogées et ne reçoivent pas de compensation adéquate, voire pas de compensation du tout. Pressions, harcèlement voire violence sont utilisés pour contraindre les gens à quitter leur logement. Les recours en justice sont rendus inopérants par les relations étroites qu’entretiennent les autorités judiciaires et les gouvernements locaux. Les gens n’ont dès lors plus qu’une possibilité : résister. "Cette résistance va des manifestations aux sit-in, en passant par les pétitions et le déploiement de banderoles sur les immeubles à détruire. Ces mouvements de protestation sont souvent violemment réprimés", a déclaré Ruben Dao, chargé de mission de la FIDH.

En fermant les yeux sur les agissements des autorités locales, le gouvernement central ne respecte pas les engagements qu’il a pris en ratifiant le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. L’inaction du gouvernement central contribue à marginaliser et appauvrir une partie de la population déjà défavorisée. Les expulsions forcées, en plus de constituer une atteinte au droit au logement, entraînent la violation d’autres droits fondamentaux, tels que les droits à la nourriture, à l’eau, à la santé ou à l’éducation.

"En théorie, le cadre juridique mis en place par le gouvernement chinois s’agissant des démolitions et des expulsions confère certaines garanties aux populations expulsées. Mais les réformes administratives des années 1980 et les profits engendrés par un marché immobilier en pleine expansion ont poussé les gouvernements locaux à ignorer l’intérêt public et à faire prévaloir des projets lucratifs, souvent en collusion avec les entreprises immobilières, quitte à violer les garanties octroyées aux populations par les réglementations nationales", a ajouté Ruben Dao.

La loi sur la propriété adoptée en mars dernier par le Congrès national du peuple, qui entrera en vigueur en octobre prochain, renforce la sécurité juridique et précise le régime juridique du droit de propriété. Malheureusement, cette loi n’apportera vraisemblablement pas d’avancées significatives s’agissant des expulsions forcées, puisqu’elle n’en prohibe pas le principe, ne prévoit pas de nouvelles garanties pour les résidents qui en sont victimes, et ne définit pas la notion d’intérêt public, souvent utilisée comme prétexte pour motiver les innombrables expulsions.

La FIDH formule, dans ce rapport, une série de recommandations à l’intention des autorités chinoises, des Nations unies, de l’Union européenne, des institutions financières internationales et des entreprises investissant en Chine, afin que cessent les expulsions forcées arbitraires ainsi que les atteintes aux droits fondamentaux des populations concernées.

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