Élections législatives en Iran : entretien avec Karim Lahidji, président de la FIDH

22/02/2016
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Le 26 février 2016, des élections législatives se tiendront en Iran. Comment sont-elles organisées ? Quel impact en Iran ? Quelle place pour les femmes ? Karim Lahidji, président de la FIDH et de la Ligue de la Défense des Droits de l’Homme en Iran, répond à nos questions.

Les élections législatives prévues le 26 février ont-elles été organisées de manière libre et démocratique ?

Non. Depuis l’arrivée au pouvoir du régime islamique, toutes les élections en Iran sont des élections sous la forme de bulletin restreint. Cela signifie que les candidats sont contrôlés en amont par le Conseil des gardiens. Ce conseil est composé de 12 membres dont 6 religieux, qui ont le droit de veto sur les candidats. Ces six religieux sont nommés par le guide suprême. Ce sont eux qui gouvernent au sein du conseil.

Pour les élections législatives du 26 février 2016, il y a eu initialement plus de 12 000 candidats, et il en reste environ 6000. Une grande partie des candidatures a été rejetée par le Conseil des gardiens, sans une vraie voix de recours possible.

Par conséquent, ce ne sont pas des élections libres, ni directes. Cela est valable pour les élections législatives mais également pour les présidentielles.

Toutes les tendances politiques sont-elles représentées dans ces élections ?

En parlant de ces élections législatives, le guide suprême, qui est au-dessus des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, a déclaré « ceux qui ne sont pas pour la république islamique peuvent voter, mais ils ne peuvent pas être candidat ». Tous les candidats qui se présentent aux élections législatives sont donc tous favorables au régime islamique. Il n’y a pas d’opposition.

Lors de chaque élection législative, il y a d’ailleurs un certain nombre de députés sortants dont la nouvelle candidature n’est pas validée par le Conseil des gardiens car leur bilan n’a, selon ce même conseil, pas été « bon ». Concrètement, si le Conseil estime que leur position n’a pas été totalement en faveur du régime durant leur mandat, leur candidature suivante n’est pas approuvée.

Donc les Iraniennes et Iraniens qui voteront lors de ces élections en février auront un choix de candidats assez restreint, car la plupart des candidats appartiennent à la tendance fondamentaliste. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle plus de 400 universitaires iraniens, vivant en Iran, ont publié une lettre ouverte il y a deux semaines, en s’interrogeant sur l’utilité de ces élections.

Les femmes peuvent-elles se présenter aux élections et voter ?

Oui, il y a des candidates dans les deux listes majoritaires, les fondamentalistes et les réformistes. Le pourcentage reste par contre très faible par rapport aux hommes, bien en dessous de 10 %.

Pour voter, aucune discrimination n’est faite. L’âge du vote est de 18 ans, et tout le monde peut voter.

Quel rôle le parlement joue-t-il dans la politique iranienne ?

Chaque loi votée par le Parlement doit être contrôlée par le Conseil des gardiens. Si quatre des six religieux nommés par Khamenei s’y opposent, la loi est nulle. Le Parlement n’a donc aucun vrai pouvoir. Ce n’est qu’une assemblée de débats et de discussions.

Les vrais législateurs sont les six mollahs au sein du Conseil des gardiens, adeptes du Guide Suprême. Au fond, c’est une oligarchie avec un emballage de République. La différence entre l’Iran et l’Arabie Saoudite n’est que le nom qu’il se donne. L’Arabie est un état religieux, l’Iran est une République islamique. Mais c’est un état clérical, une oligarchie cléricale, même si contrairement à l’Arabie Saoudite, il y a un président et un parlement.

Le pouvoir du président iranien est aussi limité. Rohani dit vouloir essayer de mettre en place des réformes pour le respect des libertés fondamentales, la libération des prisonniers politiques, l’arrêt de l’assignation à résidence de Moussavi, de sa femme Zahra Rahnavrd et de Mehdi Karoubi, mais depuis l’élection de Rohani aucun changement positif concernant ces enjeux n’a été observé. Sa capacité de mettre en œuvre des réformes, admettant qu’il en ait la volonté, se trouve fortement limitée par le pouvoir judiciaire, les forces de l’ordre, la police, et les services secrets, tous sous le contrôle de Khamenei.

Le résultat de ces élections aura-t-il un impact sur la vie des Iraniennes et Iraniens ?

Si les réformistes arrivent à obtenir un quart ou un tiers des sièges, ils pourront continuer à soutenir la politique d’ouverture qui a mené aux négociations nucléaires et au commencement de la levée des sanctions. Cette dernière permettra avec notamment l’arrivée des médicaments d’améliorer la vie quotidienne des habitants et il y aura quelques facilités nouvelles.

Mais ces élections législatives et leur résultat, ne pourront à eux-seuls, conduire à des réformes améliorant les libertés fondamentales et politiques.

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