Le Mali saisit le Procureur de la Cour pénale internationale sur les crimes commis au Nord

La FIDH et son organisation membre au Mali, l’AMDH se félicitent de la saisine ce jour par le gouvernement malien du Procureur de la Cour pénale internationale pour enquêter sur les crimes internationaux commis au Mali depuis 6 mois et poursuivre les plus hauts responsables. Nos organisations appellent le Bureau du Procureur à ouvrir, dans les meilleurs délais, une enquête sur les crimes internationaux restés impunis. Nous appelons les autorités maliennes de transition et la communauté internationale à pleinement collaborer avec la CPI.

En tant qu’État partie à la CPI depuis le 16 août 2000, le Mali est fondé à requérir l’intervention de la CPI, notamment en raison du manque de capacité de sa justice nationale à poursuivre les principaux responsables de ces crimes.

«  La saisine de la CPI par le Mali est un acte important adressé tant aux auteurs des crimes les plus graves qu’aux victimes de ces crimes pour leur signifier que les exactions doivent cesser immédiatement et que ces crimes ne resteront pas impunis », a déclaré Souhayr Belhassen présidente de la FIDH.

Le 30 mai 2012, à l’issu du Conseil des ministres, le gouvernement malien avait annoncé son intention de saisir la CPI, ce qui devait être confirmé par une saisine officielle de l’État qui intervient aujourd’hui.

«  Nous avons la conviction que le gouvernement malien a pris la bonne décision en ayant recours à la CPI », a déclaré Me Moctar Mariko, président de l’AMDH. « Les crimes sur lesquels nous avons enquêté sont d’une telle gravité que la justice malienne, en l’état actuel de la situation, n’a pas la capacité de s’en saisir. La CPI a été prévue pour ce type de situation et les populations du Nord savent désormais que les auteurs de crimes seront comptables de leurs actes », a-t-il ajouté.

Le 12 juillet 2012, la FIDH et l’AMDH avaient publié un rapport intitulé Crimes de guerre au Nord Mali, détaillant les crimes commis par les groupes armés dans le Nord depuis six mois et dans lequel elles appelaient à la saisine de la CPI, compte-tenu de la nature des crimes perpétrés et de l’impossibilité actuelle pour la justice malienne d’enquêter et de poursuivre leurs auteurs.

« Les informations que nous possédons, transmises à la CPI, attestent clairement que des crimes de guerre ont été perpétrés au nord du Mali et possiblement des crimes contre l’humanité », a déclaré Me Patrick Baudouin, coordinateur du Groupe d’action judiciaire de la FIDH. « Dans ces conditions, la saisine de la CPI est logique et était même souhaitable au regard de la complexité des crimes visés : exécutions sommaires, viols et autres crimes sexuels, recrutement d’enfants soldats, attaques de lieux de culte et de biens culturels protégés, pour ne citer que ceux-là », a-t-il ajouté.

Contexte

Mi-janvier 2012, le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), un groupe rebelle touareg, lance une offensive d’envergure contre l’armée malienne dans le nord du pays avec l’aide de groupe armés islamistes djihadistes dont notamment d’Al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi), Ansar Dine (Défenseur de l’Islam) et du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao). Au cours de leur avancée et de la prise des grandes villes du Nord, les rebelles ont perpétrés des crimes de guerre et possiblement des crimes contre l’humanité.

L’AMDH et la FIDH ont publié un rapport d’enquête sur ces crimes internationaux perpétrés dans le nord du Mali par les groupes armés islamistes et du MNLA depuis le début de leur offensive mi-janvier 2012. La FIDH et l’AMDH se sont vivement inquiétées de la poursuite des exactions et ont appelé la communauté internationale à intensifier ses actions pour rétablir des institutions légitimes à Bamako et accélérer la transition politique, seule façon d’être en mesure de faire cesser les crimes internationaux perpétrés en tout impunité sur les populations civiles du Nord-Mali.

Le rapport présente des témoignages et des informations vérifiées sur la campagne de viols perpétrée à Gao et à Tomboctou dès la prise de ces villes par les membres du MNLA. Ainsi, l’enquête a permis d’identifier environ 50 cas de viols et autres crimes sexuels contre des femmes, dont de nombreux cas de filles mineures. Les groupes islamistes eux aussi ciblent les enfants pour les recruter en tant qu’enfants-soldats. Des dizaines de cas ont été documentés par nos organisations qui s’inquiètent de la vague de recrutement menée en ce moment par Ançar Dine alors que des enfants de 12 à 15 ans seraient actuellement dans leurs camps d’entraînement à quelques kilomètres de Gao. L’enquête revient aussi sur l’exécution sommaire de 153 militaires Maliens faits prisonniers et exécutés, y compris à l’arme blanche, par les rebelles touaregs et islamistes à Aguelock le 24 janvier 2012.

L’AMDH et la FIDH ont recensé des dizaines d’exécutions de prisonniers de guerre, exécutions sommaires et extra-judiciaires, de viols et autres crimes sexuels, des recrutements d’enfants-soldats, des prises d’otages, des détentions arbitraires, des pillages et des destruction de biens, en particulier des biens culturels et des lieux de cultes de valeur inestimable. Toutes ces exactions ont été perpétrées au cours des six mois de conquête du Nord-Mali par les forces conjuguées touaregs du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), et islamistes d’Al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi), Ansar Dine (Défenseur de l’islam) et du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao), et dans une moindre mesure par les groupes d’auto-défense et les militaires de l’armée malienne.

A la veille du sommet des chefs d’État de l’Union africaine (UA) à Addis Abeba, la FIDH et l’AMDH ont proposé une série de recommandations, au gouvernement malien de transition et à la communauté internationale pour qu’ils soutiennent activement la feuille de route de la CEDEAO visant à mettre en place au Mali, un gouvernement d’union nationale et au plan international, une force africaine de sécurisation.

« Pour stopper les crimes de guerre au Nord-Mali, il faut non seulement un gouvernement plus légitime à Bamako mais aussi un soutien du reste de la communauté internationale aux États africains de la région qui tentent de trouver la solution au problème malien », a déclaré Me Sidiki Kaba, président d’honneur de la FIDH. «  Sans une normalisation du régime au sud, pas de solution rapide pour le Nord. Dans cette perspective, les décisions prises par l’UA et le Conseil de sécurité des Nations unies seront décisives. Pendant ce temps les populations civiles du Nord sont sous l’emprise des groupes islamistes armés radicaux et rétrogrades » a-t-il ajouté.

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