Quatrème session : Intervention orale d’ouverture

Groupe de travail à composition non-limitée sur un Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels

Madame la Présidente,
Mesdames et Messieurs les Délégués,

La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) qui représente 155 organisations nationales de défense des droits humains sur tous les continents, souhaite féliciter la Présidente pour l’avant-projet de Protocole facultatif présenté lors de la 4ème session du groupe de travail à composition non-limitée sur un Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

La FIDH considère qu’il s’agit d’un document équilibré, reflétant les différentes positions exprimées lors des précédentes sessions du groupe de travail et s’inspirant des procédures de communication existantes au sein des Nations Unies. Le document constitue une excellente base pour les discussions à venir, et la FIDH espère que le consensus en faveur du protocole va encore se renforcer au cours de la présente session.

Le moment est venu d’adopter enfin un instrument qui offre un recours effectif aux victimes de violations des droits économiques, sociaux et culturels. L’adoption d’un protocole facultatif contribuera à la clarification des obligations qui découlent, pour les Etats parties, du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. En retour, ce développement d’une jurisprudence internationale aidera les Etats à mettre en oeuvre ces droits au niveau national, soit par référence au Pacte, soit en prenant appui sur des dispositions constitutionnelles internes qui prévoient des garanties équivalentes. Enfin, l’adoption d’un Protocole rétablirait l’égalité entre les droits civils et politiques et les droits économiques, sociaux et culturels, mettant fin à une inégalité de traitement inacceptable alors même que les Etats en 1993, lors de la Conférence mondiale des droits de l’Homme à Vienne ont unanimement reconnu l’universalité, l’interdépendance et l’indivisibilité de tous les droits de l’Homme.

La FIDH soutient la position de la Coalition internationale des ONG en faveur d’un Protocole facultatif incluant l’ensemble des obligations à la charge des Etats en vertu du PIDESC, au même titre que les procédures de communication existantes au niveau universel.

- Contre une approche « à la carte » ou limitée

La possibilité d’une procédure de communication limitée à certains des droits énoncés dans le PIDESC a été discutée au sein des précédents groupes de travail. L’article 2.2 et 2.1 de l’actuel avant-projet reflète cette option.

La FIDH soutient fermement une approche globale. Par approche globale, nous entendons l’adoption d’un protocole incluant tous les droits énumérés par le PIDESC ; couvrant tous les niveaux d’obligations des Etats à savoir l’obligation de respecter, de protéger et de mettre en oeuvre les droits économiques, sociaux et culturels ; et incluant l’ensemble des conséquences résultant du respect dû à ces droits.

La FIDH rappelle qu’un protocole facultatif n’est qu’un instrument de procédure qui n’introduit aucune nouvelle obligation pour les Etats parties. Le Protocole est uniquement un instrument visant à une meilleure mise en oeuvre de leurs obligations par les Etats parties, obligations qu’ils ont déjà acceptées par la ratification du Pacte lui-même.

La FIDH souhaite attirer votre attention sur les risques liés à l’adoption d’une approche limitée ou à la carte.

 Introduire un système « à la carte » aura pour effet de rompre la symétrie entre le Protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et le Premier Protocole facultatif au Pacte relatif aux droits civils et politiques. Une approche limitée ou « à la carte » accréditerait l’idée d’une hiérarchie entre les droits de l’Homme, entre les droits civils et politiques d’une part et les droits économiques, sociaux et culturels d’autre part, mais également entre les droits garantis par le Protocole international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Une telle approche irait à l’encontre de l’universalité, l’indivisibilité et l’interdépendance de tous les droits, alors même que ce principe a été réaffirmé par les conférences mondiales sur les droits de l’homme de Téhéran (1968) et de Vienne (1993), et qu’il est indissociable d’une conception du droit au développement conçu comme l’expansion des libertés humaines.

 Une approche limitée ou à la carte permettant aux Etats de choisir les dispositions qu’ils estiment justiciables auraient des impacts négatifs très concrets au niveau national. En effet, l’adoption d’un protocole vise précisément à encourager les juridictions internes des Etats parties à reconnaître l’invocabilité des droits économiques et sociaux pour qu’il soit mis fin à leur violations et que des plaintes ne débouchent pas sur le niveau international. Dans l’hypothèse d’une approche à la carte, les Etats ne seraient pas encouragés à prendre des mesures au plan national pour se mettre en conformité avec leurs obligations au titre du Pacte. Nous pouvons imaginer que chaque Etat exclurait les droits qui sont le plus violés et pour lesquelles les victimes ne peuvent obtenir réparation au niveau national, et de fait l’adoption d’un protocole n’aurait aucun effet pour les victimes de violations de droits économiques, sociaux et culturels.

 Enfin la FIDH souhaiterait souligner le caractère impraticable d’une approche à la carte. En effet, les droits économiques, sociaux et culturels sont souvent inextricablement liés les uns aux autres, et les communications selon toute probabilité concerneront plusieurs droits et plusieurs niveaux d’obligations. De fait, les victimes souffrent souvent de violations de plusieurs de leurs droits économiques et sociaux, ainsi par exemple, le droit au meilleur état de santé susceptible d’être atteint est souvent inextricablement lié au droit à un niveau de vie suffisant ; le droit au travail ne saurait être dissocié, de même, du droit à des conditions de travail justes et favorables, à peine de voir se développer une forme d’emploi « non décent », telle que la qualifie l’Organisation internationale du travail. Une procédure de communication excluant certains droits ne refléterait pas la réalité et empêcherait les victimes d’obtenir justice pour l’ensemble de leurs droits. Adopter un système qui n’autoriserait que les communications portant sur les violations graves ou systématiques ou sur les violations des obligations minimales de l’Etat rendrait le travail du comité impossible dans sa phase d’examen de la réclamation.

Nous appelons les Etats à rejeter toute approche qui limiterait la portée du Protocole, que cela soit à travers une approche à la carte ou en autorisant la possibilité de réserves. Le souhait d’obtenir un soutien important au protocole et une ratification la plus rapide et la plus large possible ne doivent pas amener à mettre en péril la protection des droits économiques, sociaux et culturels. Aussi la FIDH espère-t-elle que les Etats excluront les parenthèses de l’article 2.1 et l’article 2.2 dans le Protocole facultatif. L’article 21 n’autorisant pas les réserves doit être conservé dans la version finale du Protocole.

Nous vous remercions, Madame la Présidente, de nous avoir donné la possibilité de nous exprimer.

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