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La Libye, plaque tournante de l’émigration dans le nord de l’Afrique

Depuis la chute du régime de Kadhafi, en 2011, le nombre de migrants fuyant vers l’Europe à travers un pays en plein chaos a explosé.

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Publié le 15 avril 2015 à 19h19, modifié le 21 avril 2015 à 11h19

Temps de Lecture 4 min.

Les catastrophes se suivent en Méditerranée : plus de de 700 migrants seraient morts dans la nuit de samedi 18 à dimanche 19 avril, au large de l’Italie. Un naufrage survenu une semaine jour pour jour après celui de 400 personnes, sur les quelque 550 que transportait une embarcation de fortune partie des côtes libyennes. Cette nouvelle hécatombe, sur l’une des routes les plus meurtrières du monde, illustre la situation alarmante des migrants installés en Libye, et, plus encore, de ceux qui ne font que transiter par ce pays en plein chaos.

Lire : Le naufrage d'un bateau de migrants fait craindre 700 morts en Méditerranée

Des immigrés clandestins dans le centre d'accueil de Garabulli (Libye), le 10 mars 2015.
  • Un nombre compliqué à estimer

Le nombre de migrants en Libye est très difficile à estimer, les ONG et les ambassades ayant quasiment toutes déserté le pays en raison des affrontements entre les différentes factions qui luttent pour le pouvoir depuis la chute Mouammar Kadhafi, en 2011. En août 2014, l’UNHCR (Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés) dénombrait 37 000 personnes enregistrées à Tripoli et Benghazi, se disant « gravement préoccupé » pour leur sécurité. « Ce ne sont pas des données structurelles, les chiffres varient beaucoup avec les mouvements migratoires », explique Delphine Perrin, juriste et chercheuse à l’université d’Aix-Marseille, qui rappelle qu’« avant d’être un pays de transit, la Libye est d’abord un pays d’arrivée. Il y a toujours eu des étrangers qui se rendent sur place pour travailler ».

  • Des déplacements inscrits dans l’histoire

S’ils ont été accentués par le conflit libyen et les révolutions arabes, les mouvements migratoires sont profondément ancrés dans l’histoire du pays. En raison de son positionnement géographique, la Libye a vu les populations nomades sahariennes transiter sur son territoire depuis des siècles. A la fin des années 1990, Mouammar Kadhafi avait de surcroît encouragé les migrations de travailleurs vers la Libye, attirés par ses ressources, notamment pétrolières. Le guide de la révolution libyenne avait alors « mis en place une stratégie d’ouverture des portes qui s’inscrivait dans un projet panafricain, afin de gagner du crédit auprès des leaders de la région », explique Ferruccio Pastore, directeur du FIERI (Forum for International and European Research on Immigration). Cette orientation politique a provoqué un afflux massif de migrants, en provenance de l’ensemble de l’Afrique subsaharienne, du Nigeria, du Mali, du Sénégal, dont la situation s’est détériorée, surtout à partir des années 2000.

Des migrants originaires d'Afrique subsaharienne dans le port de Misrata (Libye), le 15 avril 2015.
  • L’impact de la guerre

La guerre civile qui a suivi la chute du régime de Kadhafi en octobre 2011 a encore aggravé la situation des migrants, désormais confrontés aux affrontements entre deux gouvernements rivaux et à la relative fermeture des pays européens. A ce chaos s’ajoute la menace de l’organisation Etat islamique, désireuse de consolider sa présence dans la région. Dans ce contexte, marqué par l’absence de tout cadre juridique ou humanitaire, les migrants sont devenus la proie des milices locales. « Tout le monde est autorisé à faire ce qu’il veut des immigrés. Cela donne lieu à une exploitation brutale, marquée par une multiplication des kidnappings », résume Ferruccio Pastore.

Venus essentiellement de la corne de l’Afrique (Somalie, Ethiopie, Erythrée), les migrants sont le plus souvent exploités dans des conditions de vie dégradantes, dénoncées par la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) : arrestations arbitraires, violences physiques et psychologiques, travail forcé… Les Africains subsahariens doivent faire face au racisme d’une partie de la population, d’autant plus fort qu’ils sont associés au souvenir de la politique migratoire de Kadhafi. Et les passeurs se montrent de plus en plus violents pour optimiser leurs bénéfices.

Des migrants arrivent au port d'Empedocle, en Sicile, le 13 avril 2015.
  • Vers l’Europe…

Pour échapper aux affrontements entre milices armées, les migrants de passage en Libye sont de plus en plus tentés de traverser la Méditerranée. Une très large partie d’entre eux quitte les côtes libyennes pour rejoindre l’Italie : selon le HCR, plus de 110 000 personnes seraient arrivées de cette manière sur les côtes italiennes en 2014, dont la moitié originaire de Syrie et d’Erythrée. « Depuis le 1er janvier, 29 000 personnes ont déjà emprunté cette route », indique Ewa Moncure, une des portes-parole de Frontex, l’agence européenne chargée de la surveillance des frontières, qui craint de voir augmenter encore ces fluxs cet été, à la faveur d’une météo plus clémente.

Cet afflux massif a pris de cours les Européens, notamment les dirigeants italiens, qui ont demandé à leurs partenaires du continent de prendre en charge une partie des réfugiés, ou de cofinancer leur accueil. Faute de moyens, le gouvernement de Matteo Renzi a décidé à l’automne 2014 de renoncer à l’opération « Mare Nostrum », menée par la marine italienne afin d’éviter le naufrage des convois de migrants. Lancées après le drame de Lampedusa en octobre 2013 qui avait fait 366 morts, ces interventions auraient permis de sauver quelque 100 000 personnes, selon l’ONG Human Rights Watch. Elles ont été remplacées par « Triton », une opération de surveillance des frontières maritimes et non plus de sauvetage, placée sous l’égide de Frontex.

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  • … et l’Afrique du Nord

Outre l’Europe, de plus en plus de migrants en provenance de Libye se rendent en Tunisie pays avec lequel la Libye partage une frontière de 460 km. Depuis 2011, près de 2 millions d’entre eux y ont trouvé refuge. Un afflux qui risque de fragiliser un Etat lui-même engagé dans une délicate transition démocratique, et qui n’arrive plus à faire face à cette arrivée massive, en particulier au niveau sanitaire. D’autres choisissent de transiter par la Tunisie pour rejoindre ensuite l’Europe.

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