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Bakou, parvis du Centre culturel Gueïdar-Aliev.
Guillaume Herbaut pour M Le magazine du Monde

Les doubles Jeux de l’Azerbaïdjan

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Publié le 27 avril 2015 à 16h39, modifié le 12 juin 2015 à 10h43

Temps de Lecture 16 min.

A la seconde où Ilham Aliev tourne les talons pour rembarquer dans l’une des vingt berlines noires de son cortège présidentiel, tout est remballé : les fleurs dans des sacs poubelle, les instruments de musique dans leurs étuis, les chaises dans des camions, les poupées géantes de papier mâché dans leur plastique. Quand les policiers laissent enfin passer la foule, jusque-là tenue à l’écart derrière des barrières de sécurité, les vélos, le tapis de lutte, le filet de badminton et les tables de ping-pong ont disparu, comme les sportifs venus en démonstration.

Personne, hormis les officiels, n’a rien vu du spectacle. Conçu en marge de la fête nationale célébrant l’arrivée du printemps, c’était pourtant un avant-goût du grand soir du 12 juin, date de l’ouverture des premiers Jeux européens de l’Histoire. Mais ici, on ne badine pas avec la sécurité du président. Et tant pis si cela vire à l’absurde : une opération promotionnelle sans public, qui se tient à huis clos.

Billets d’avion, chambres d’hôtel 5-étoiles, dîners dans de grands restaurants, escortes... Mi-mars, une vingtaine de médias européens étaient conviés, tous frais payés, à venir découvrir Bakou, la « Cité des vents », capitale de l’Azerbaïdjan en plein lifting. La vitrine de la nation veut montrer au monde son meilleur profil. Et le temps presse : planté au cœur du centre-ville, un compte à rebours digital affiche les heures, les minutes et les secondes qui séparent le pays de l’événement.

« Une aberration géographique »

Sur le modèle des Jeux panaméricains et des Jeux asiatiques, la première édition de cette nouvelle compétition sportive accueillera pendant quinze jours plus de 6 000 athlètes (dont 250 Français) issus de 49 pays qui s’affronteront dans une vingtaine de disciplines réparties sur 18 sites, dont cinq ont été construits pour la grande occasion. « Le fait que cela se déroule à Bakou, en Asie, est une aberration géographique, estime Pim Verschuuren, chercheur à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), spécialiste de la géopolitique du sport. Mais cela fait partie des bizarreries du monde du sport... » Un monde où la politique n’est jamais loin.

« C’est la grande Europe de De Gaulle, s’enthousiasme la sénatrice de l’Orne, Nathalie Goulet, vice-présidente du groupe d’amitié France-Azerbaïdjan au Sénat. Celle du Conseil de l’Europe qui s’étend jusqu’au Caucase. » Ces Jeux sont surtout pour ce pays riche en hydrocarbures (pétrole et gaz naturel) en quête de reconnaissance internationale, l’occasion de travailler son image. L’espoir de retrouver son lustre d’antan, à l’époque où, au XIXe siècle, les frères Nobel, gagnés par la fièvre de l’or noir, avaient acheté une raffinerie et fait construire une somptueuse villa à Bakou, suivis par les Rothschild et les Rockefeller.

A l’instar du Qatar, l’Azerbaïdjan l’a compris : le sport est un formidable accélérateur de notoriété. « Azerbaijan, Land of Fire » (terre de feu) figure sur les maillots de l’Atletico Madrid depuis des années, récemment remplacé par « Baku 2015 European Games ». En 2013, l’oligarque azéri Hafiz Mammadov fait l’acquisition du RC Lens, club de foot de la Ligue 1 française, dont il n’a pas renfloué les caisses en dépit de ses promesses. Bakou a récemment organisé la Coupe du monde de foot féminin des moins de 17 ans (Jennifer Lopez a chanté pour l’inauguration, Shakira avant la finale), et la capitale recevra en 2016 un grand prix de Formule 1 et quatre matches de football de l’Euro 2020. Elle pourrait également retenter sa chance avec une nouvelle candidature aux Jeux olympiques d’été de 2024 (elle a déjà été recalée deux fois, pour 2016 et 2020).

Pour briller aux yeux du monde, la ville fait peau neuve. Quitte à brouiller son identité. Ici, les taxis sont londoniens ; les kiosques à journaux, parisiens ; les grands hôtels, américains ; la promenade le long de la mer Caspienne s’inspire de celle des Anglais, à Nice ; sur la route menant de l’aéroport au centre-ville, on se croirait à Disneyland tant les illuminations – des bâtiments, des panneaux publicitaires, des stations-service – scintillent ; les trois plus hautes tours de la cité, en forme de flammes, ne dépareilleraient pas à Dubaï ; certaines stations de métro évoquent la pyramide du Louvre, tandis que d’autres semblent être importées de Moscou, tout comme quelques immeubles, avec tuyaux de gaz apparents et façades en béton.

Quant au nouveau stade national de 68 000 places, c’est une réplique de l’Allianz Arena à Munich, où évolue le prestigieux Bayern. Il a fallu plus de 6 000 ouvriers, travaillant jour et nuit par groupes de 2 000, pour achever sa construction en moins de deux ans et demi ! Dans le triangle d’or du centre-ville, l’avenue Neftchilar (qui signifie « travailleurs du pétrole » en azéri) est désormais bordée de palmiers, d’un hôtel Four Seasons, d’immeubles avec balcons en fer forgé, rotondes et coupoles, de fines adresses (Ladurée, Dalloyau...) et de boutiques de grand luxe (Dior, Dolce & Gabbana, Gucci, Burberry, Valentino, Prada...). Les devantures sont chiquissimes, mais les rayons sont déserts. Qu’importe. Il s’agit avant tout d’une question de standing.

Cette modernisation à marche forcée ne connaît pas d’obstacles. Un peu à l’écart du centre, une dizaine d’hommes, jeunes et anciens, discutent de tout et de rien devant une petite épicerie vieillotte, mains dans les poches pour les uns, cigarette au bec pour les autres. Murs éventrés, vitres brisées, nids de poule... Ici, tout est délabré. Même les derricks qui piquent du nez un peu partout au coeur des ruelles semblent fatigués de forer.

Perché sur une colline au sud de Bakou, le quartier surplombe le gigantesque Aquatic Center en fin de construction, qui abrite la première piscine olympique d’Azerbaïdjan. Un des symboles de ce nouveau Bakou, dans lequel ces hommes et leurs familles n’auront bientôt plus leur place. D’ici quelques semaines, ils déménageront. Ordre du gouvernement, qui veut convertir ce lopin de terre défraîchi en espace vert. « Nous attendons la visite des autorités pour nous donner un prix, ils vont nous payer, assure Rafael Shukurof, 47 ans, opérateur d’un puits de pétrole. Nous aurions aimé rester, ici nous sommes proches du centre-ville et de la mer, mais bon... » Il n’en dira pas plus. Et surtout rien de désobligeant à propos de la présidence et de ses méthodes, déjà pointées du doigt en 2012, lors de l’organisation de la finale du concours de l’Eurovision. A l’époque, les expulsions des habitants pour construire un « Palais des Glaces » à 200 millions de dollars avaient fait couler beaucoup d’encre. Mais rien n’arrête les ambitions du couple présidentiel.

Ilham Aliev, 53 ans, longtemps président du comité olympique national, dirige depuis 2003 le pays d’une main de fer. Il a succédé à son père, Gueïdar Aliev, ancien patron du KGB local, élu président peu après l’indépendance de cette ancienne république soviétique, en 1991. Aujourd’hui, son portrait trône à tous les carrefours de la ville. En 2009, son « héritier », chef du Parti du nouvel Azerbaïdjan (YAP), a obtenu par référendum la levée de la limitation à deux mandats présidentiels consécutifs. Ce qui lui a permis d’être réélu en 2013 pour un troisième quinquennat, avec 85 % des voix !

A ses côtés, Mehriban Alieva, héritière du clan Pachayev, autre illustre dynastie azérie, est la touche glamour du pouvoir. Cette femme de 50 ans, ophtalmologue diplômée d’une académie de Moscou, a imposé son style que la haute société se plaît à singer. Ici, l’on appelle ironiquement ce phénomène la « First Lady culture ». Mehriban Alieva aime le blanc, les talons aiguilles, le cuir, le maquillage prononcé et Chanel. Mais en ville, point de créations signées Karl Lagefeld : la dame affirme son rang en préservant ses exclusivités. Les fashionistas n’ont d’autre choix que de se rabattre sur les copies qui ont envahi les magasins de « Bakou la blanche ». C’est l’objectif de la First Lady : transformer « Black City » (la ville noire, en référence au pétrole et aux bâtiments gris de l’ère soviétique) en « White City », un nom dont a déjà été affublé un nouveau quartier qu’elle fait bâtir au nord de la ville. Les bâtiments en béton vont être détruits ou remodelés, à l’image des immeubles qui bordent la route de l’aéroport. Entièrement enrobés d’un coffrage de calcaire, ils ont des airs de décor de carton-pâte, version Truman Show.

La transformation de Bakou en ville capable, à terme, d’accueillir d’hypothétiques Jeux olympiques a nécessité la construction et la rénovation de nombreuses infrastructures, dont un nouvel aéroport. Coût total de l’opération : 995 millions d’euros, et 150 de plus pour les « frais opérationnels ». C’est le montant officiel. Officieusement, on parle de plusieurs milliards d’euros. « Il s’agit d’investissements dont la ville avait besoin et qu’elle avait prévu de faire de toutes les façons », précise Simon Clegg, directeur exécutif des Jeux européens de Bakou. Mais la facture fait grincer des dents. D’autant que Bakou s’est engagé à payer tous les frais des délégations des Jeux européens, y compris les billets d’avion. Un cadeau exceptionnel.

Avec la chute récente des cours du baril et la dévaluation de la monnaie, le manat, au mois de février, les finances du pays sont en berne et la politique de soft power engagée par le président est loin de faire l’unanimité. « Le pays ne dispose pas de réserves pétrolières infinies, la production va diminuer », explique l’économiste Gubad Ibadoglu, analyste au think tank azéri Economic Research Center. L’or noir représente 40 % du PIB du pays, 92 % des exportations et les trois quarts de ses recettes budgétaires. « Mais nous ne sommes ni l’Arabie saoudite ni le Koweït ! souligne l’économiste. Qu’est-ce qu’on va faire de toutes ces installations après ? Combien cela va coûter de les entretenir ? Cet argent serait plus utile à l’éducation, aux emplois, aux infrastructures... »

Des projets pharaoniques

Les rêves de grandeur du clan Aliev ne s’arrêtent pas là. Une station de ski, une île sur la mer Caspienne, une tour plus haute que Burj Khalifa à Dubaï... Les projets pharaoniques destinés à diversifier l’économie du pays se multiplient. Et profitent principalement à une poignée de nantis. L’Azerbaïdjan figure parmi les pays les plus corrompus du globe : il occupe la 126e place, sur 175, du classement de l’indice de corruption publié en décembre 2014 par l’organisation Transparency International. Un câble officiel américain révélé par WikiLeaks en 2010 comparait la famille Aliev au clan des Corleone, de la trilogie du Parrain.

Sur place, mieux vaut se tenir à carreaux, suivre docilement le programme officiel des visites – du moins les deux premiers jours, histoire d’endormir toute méfiance éventuelle à notre égard – et prendre sa douche en maillot de bain ! Motif ? Votre chambre d’hôtel risque d’être truffée de caméras. La liste de recommandations émane de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) qui connaît bien le pays et le goût immodéré de son président pour la surveillance. Et la manière forte.

Un jeune homme de 27 ans, yeux noirs et timbre sourd, nous a donné rendez-vous dans un café du centre-ville, en requérant l’anonymat. Jusqu’à l’année dernière, J. travaillait pour une association militant pour les droits de l’homme. Aujourd’hui, il a trouvé un emploi dans un supermarché. Entre-temps, les autorités ont incarcéré le leader de l’organisation qui l’employait, l’accusant d’évasion fiscale et de détournements de fonds. « Des accusations absurdes qui risquent de l’envoyer en prison pour douze ans », souffle-t-il. Craignant que les « printemps arabes » ne « contaminent » le Caucase et que la révolution ukrainienne de Maïdan ne gagne son peuple, le pouvoir ne cesse de se durcir. « Maïdan a inspiré une nouvelle vague de jeunes activistes en Azerbaïdjan qui sont devenus de plus en plus actifs sur les réseaux sociaux », raconte Turgut Gambar, 25 ans, membre du mouvement de jeunes opposants NIDA, qui a déjà fait deux séjours en prison et écopé de 3 000 euros d’amende pour avoir participé à une « manifestation non autorisée ».

Depuis 2013, une kyrielle de lois anti-ONG a été adoptée. Les organisations doivent désormais s’enregistrer auprès du gouvernement et soumettre les fonds en provenance de l’étranger à son approbation – qu’elles obtiennent rarement, ce qui les oblige à mettre la clé sous la porte. Aujourd’hui, une centaine de militants sont derrière les barreaux. L’organisation Human Rights Watch a demandé aux Occidentaux de boycotter les Jeux. Mais l’appel est resté lettre morte. Les organisations sportives se retranchent derrière le sacro-saint principe de neutralité du sport. « Ce qui est totalement hypocrite », estime Pim Verschuuren, de l’IRIS.

« C’est un pays jeune qui a besoin de s’affirmer et je ne me permets pas de juger la question politique », commente ainsi Denis Masseglia, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF). Lors de sa conférence de presse de présentation de l’Euro 2020, Michel Platini, président de l’UEFA, avait lui aussi botté en touche : « Le foot, c’est le foot ; la politique, c’est la politique, je pense que si on commence à mélanger, on n’aura pas beaucoup de foot dans le monde. »

Les journalistes locaux ne sont pas mieux traités que les militants des droits de l’homme. A moins de prêter allégeance au pouvoir. Plus de 2 000 d’entre eux, favorables – de gré ou de force – au clan Aliev, se sont vu offrir un logement dans de gigantesques immeubles sur le point d’être achevés en face de l’Aquatic Center. Les autres en revanche, lorsqu’ils n’ont pas été envoyés derrière les barreaux, survivent péniblement. C’est le cas de Turan, créé il y a vingt-cinq ans, l’un des derniers journaux indépendants.

Logé dans un vieil immeuble de la capitale, au fond d’une petite cour rouillée, cette publication en ligne subit sans cesse la pression des autorités : coupures d’électricité, connections Internet interrompues, refus d’accréditations, interdiction de recevoir des fonds étrangers, amendes diverses et variées, menaces sur la famille... « Tout ça pour assurer la stabilité du pays ?, s’interroge l’un des journalistes. C’est l’excuse typique des régimes autoritaires et des dictatures. Le pays le plus stable, c’est la Corée du Nord ! »

« L’Azerbaïdjan représente un intérêt économique majeur pour l’Europe, il règne en émirat de la région »

L’Azerbaïdjan occupe le 162e rang, sur 180, du classement mondial de la liberté de la presse dressé en 2015 par Reporters sans frontières. Alors, dans les locaux de Turan, on reste prudent. On communique avec « l’extérieur » uniquement par Skype et par Gmail, les deux moyens les moins susceptibles d’être interceptés par les autorités, et on prend soin de garder l’anonymat. Tout comme J., dans le café, qui, avant de nous quitter, s’inquiète : « Vous travaillez pour un journal français ? La France est un pays ami des Aliev... »

Les réserves de gaz et de pétrole ont fait de l’Azerbaïdjan un partenaire, politique et économique, sur lequel l’Ouest s’appuie. « Parmi les alliés de l’Occident, c’est le meilleur de la région », s’enthousiasme la sénatrice de l’Orne, Nathalie Goulet. « C’est un pays jeune avec une population jeune qui n’a pas eu de bonnes habitudes démocratiques, mais ils progresseront ! », poursuit-elle. Cela fait plusieurs décennies que les investisseurs étrangers sont les bienvenus, comme BP, Exxon, Total ou encore Bouygues, qui a récemment raflé un contrat de 147 millions d’euros pour le métro de Bakou, et Coca-Cola, qui sponsorise les Jeux. Car l’Azerbaïdjan a choisi son camp. En 2005, l’oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan a ouvert une nouvelle route stratégique vers l’Ouest. Et le futur gazoduc transanatolien « Corridor Sud » devrait permettre à l’Europe de diminuer sa dépendance gazière vis-à-vis de la Russie.

« L’Azerbaïdjan représente un intérêt économique majeur pour l’Europe, juge Pierre Lellouche, député UMP de Paris et ancien secrétaire d’Etat chargé du commerce extérieur du gouvernement Fillon III. Il règne en émirat de la région. » Membre du Conseil de l’Europe, le pays, qui compte à peine plus de 9 millions d’habitants (dont 2 à Bakou), est pris en sandwich entre deux grandes puissances pas franchement commodes, la Russie au nord et l’Iran au sud. « Plus les relations se tendent avec son voisin russe, plus le pays se met les Occidentaux dans la poche », commente Hugo Gabbero, de la FIDH. Au cœur d’une région stratégique et instable, le régime autoritaire d’Ilham Aliev se pose en rempart contre l’intégrisme religieux et le terrorisme.

Le centre culturel Gueïdar-Aliev, la fierté du président et de la First Lady, abrite actuellement l’exposition « Trésors de l’Azerbaïdjan », creuset multi-confessionnel. D’un blanc presque aveuglant, ce bâtiment de 52 000 m2 a été inauguré en 2012. Œuvre de l’architecte irako-britannique Zaha Hadid, il est inspiré, dans sa forme tout en courbes de... la signature de l’ancien président, et rompt par la même occasion avec l’architecture de l’ex-URSS. Une petite salle expose un Coran, une Bible et une Torah. Au mur, cette explication : « La tolérance religieuse domine notre société. Le respect et la confiance mutuels entre les différentes minorités ethniques ont fait de l’Azerbaïdjan un exemple de tolérance dans le monde. »

Dans la pièce d’à côté, parmi les maquettes des monuments du pays, une église catholique, deux mosquées, une synagogue et un lieu de culte orthodoxe. Si l’Azerbaïdjan compte 94 % de musulmans (chiites pour la plupart), c’est un pays laïc et pionnier : les femmes ont obtenu le droit de vote vingt-cinq ans avant la France, en 1918. Ici, les mosquées sont muettes, les femmes, têtes nues, et Israël y a une ambassade. Un esprit d’ouverture essentiel dans la consolidation de ses liens avec l’Occident. Un sacré levier, aussi, pour tenter d’infléchir la politique européenne en sa faveur sur l’épineux dossier du Nagorny-Karabakh, l’une de ces guerres que l’on a tendance à oublier. Cela fait plus de vingt ans que cette région, à l’ouest du pays, est passée sous l’autorité des séparatistes arméniens. Un conflit qui ne fait plus la « une » des journaux occidentaux depuis longtemps, mais qui continue de faire des morts (30 000 jusqu’ici). Fin octobre 2014, François Hollande a reçu à l’Elysée les présidents arménien et azéri pour tenter de parvenir à un accord. Sans succès.

 Historiquement favorable à l’Arménie, l’Europe fait l’objet d’une offensive de charme de l’Azerbaïdjan. Au-delà des Jeux européens, la Fondation Gueïdar-Aliev, dont la première dame est présidente, multiplie les projets. Et les largesses. Elle a ainsi financé le département des arts islamiques du Musée du Louvre à hauteur de 1 million d’euros, le château de Versailles et la rénovation des vitraux de la cathédrale de Strasbourg. Elle a également investi plusieurs dizaines de milliers d’euros dans l’Orne. Près de 70 000 euros sont versés chaque année depuis trois ans à la Fondation du patrimoine de Basse-Normandie. « Cet argent nous permet notamment de restaurer des églises, comme celle de Saint-Hilaire la Gérard », précise Nathalie Goulet, proche de la première dame, qui se félicite aussi d’avoir « vendu des vaches » aux Azéris. « Moi, je fais de la realpolitik, ajoute-t-elle. Mais cela ne nous empêche pas de discuter des droits de l’Homme. Ce n’est pas un sujet tabou. »

La Fondation Gueïdar-Aliev n’est pas la seule à œuvrer dans la promotion de l’Azerbaïdjan. Le Cercle européen d’Azerbaïdjan (TEAS), installé depuis 2012 dans le très chic quartier du 7e arrondissement de Paris, essaime un peu partout en Europe. Créé en 2008 à Londres par un homme d’affaires azéri, il dispose également de bureaux à Bruxelles, Berlin et Istanbul. Son objectif ? « Rapprocher l’Azerbaïdjan de l’Europe », explique son directeur, le lobbyiste britannique Lionel Zetter. Expositions et concours de photographie, concerts, forum économique, voyages découvertes organisés pour les députés, organisations de réunions-débats avec les politiques... « La partie la plus difficile de notre travail est de faire savoir que le conflit qui oppose le pays à l’Arménie a généré plus d’un million de réfugiés et que nous sommes favorables à une solution pacifique, dit-il. Nous voulons établir notre réputation de gens raisonnables et justes. » Mais la souveraineté de l’Azerbaïdjan sur le Nagorny-Karabakh n’est pas négociable, précise-t-il. L’Arménie, qui avait boycotté le concours de l’Eurovision en 2012, a annoncé début mars sa présence aux Jeux européens. « C’est la preuve du pouvoir du sport ! », se réjouit Simon Clegg.

Photos Guillaume Herbaut

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