Discours d’ouverture de la FIDH à la 12e Assemblée des États parties au Statut de la Cour pénale internationale

Prononcé le 21 novembre 2013

Madame la Présidente,

C’est un honneur pour moi de m’adresser à cette Assemblé des États parties de la Cour pénale internationale au nom de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et de ses 178 organisations membres. Dans le contexte actuel qui est celui de la CPI, il est nécessaire que les États parties au Statut de Rome envoient un message clair et sans équivoque, rappelant leur attachement à la lutte contre l’impunité dees crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide. Ce message doit être fort pour pouvoir atteindre les communautés affectées et les victimes de ces crimes- victimes qui voient dans la CPI le dernier espoir d’obtenir justice.

Dans le cadre du Débat Général, nous avons acceuilli favorablement les déclarations de nombreux États défendant l’intégrité du Statut, l’indépendance des juges et les droits des victimes. La FIDH prie instamment les États de faire en sorte que ces élémentsguident l’adoption des décisions prises lors de cette Assemblée.

Les discussions sont empruntes de fortes implications politiques, auxquelles il est important de répondre. Nos organisations membres à travers le monde, qui accompagnent des victimes de crimes graves, nous ont demandé de profiter de cette opportunité pour faire passer un message : la Cour doit permettre l’accès à une justice impartiale et indépendante en ce qui concerne les crimes internationaux lorsque cet accès est refusé devant les juridictions nationales. Il s’agit souvent, pour ceux qui ont souffert de ces atrocités, de l’unique voie pour arriver à la poursuite pénale des plus haut responsables des crimes internationaux les plus graves. Nos organisations espèrent que les décisions prises par les États au sein de cetteAssemblée permettront de réaliser ces attentes.

Toutefois, la FIDH est préoccupée par les différentes propositions d’amendements des textes légaux de la CPI. Aux yeux de la FIDH et de ses ligues, beaucoup de ces propositions s’éloignent de l’objet et du but du Statut de Rome. Dans ce contexte, les États parties doivent affirmer de nouveau leur engagement en faveur de la justice et des victimes, et doit assurer qu’il n’y ait pas de double standard en matière de justice internationale.

Le principe, selon lequel personne, indépendamment de son rang ou de sa capacité officielle, n’est au-dessus de la loi, constitue un pilier fondamental du Statut. Les immunités des Chefs d’Etats ou haut fonctionnaires sont irrecevables devant la CPI. Les États doivent soutenir l’indépendance judiciaire, qui est lagarantie pour l’accusé d’accéder à un procès équitable. Ils doivent reconnaître qu’il revient aux juges de déterminer les cas et les modalités permettant une éventuelle absence de l’accusé durant son procès.

Toute modification de ces principes, qui gouvernent actuellement le Statut, constitue une menace directe contre les droits des victimes à la justice et à réparation. Les modifications apportées aux règles de procédures et de preuve de la CPI doivent avoir pour unique objectif de renforcer et améliorer ses procédures, mais jamais de s’éloigner de l’esprit du Statut, qui définit sa compétence.

La FIDH appelle les États à éviter d’élaborer des réponses sur une base ad hoc , sans un vrai processus de consultation en amont. Les États doivent en permanence s’attacher aux principes du Statut et ne pas se précipiter dans la prise de décisions, qui, à long terme, auront pour effet de discréditer a Cour et son indépendance et empêcher l’exercice effectif de son mandat.

Les États doivent garder à l’esprit qu’ils aborderont de nombreux thèmes durant cette Assemblée, nombre d’entre eux ayant une grande importance pour l’accomplissement du mandat de la Cour, parmi eux, entre autres, le rôle des victimes et des communautés affectées dans le système de la CPI, les considérations budgétaires de la CPI, le rôle des intermédiaires, les schémas des différents modes de représentation légale et la coopération étatique. Ayant pour objectif de contribuer aux discussions des États, la FIDH a préparé une note de position, qui comprend des recommandations pour votre Assemblée.

Madame la Présidente,

Un des thèmes, qui s’avère d’une grande importance pour la FIDH et ses organisations membres, est celui du rôle des victimes et des communautés affectées. La FIDH se réjouit que, durant cette session de l’Assemblée , les États dédient une session spéciale pour débattre de ce thème crucial et sensible intitulé : « Après Kampala, réaffirmer la valeur du mandat sur les victimes du Statut de Rome ». L’organisation d’un panel de haut niveau et les interventions des États constituent un moment propice pour que les États envoient des messages clairs de soutien et d’engagement concret pour placer les intérêts des personnes directement affectées par les crimes internationaux au centre des débats. Les États doivent se positionner aux côtés des victimes et soutenir leur demande de justice contribuant à garantir une paix durable et à empêcher la répétition de ces crimes qui affectent la conscience humaine.

Cette Assemblée constitue également un moment idéal pour que la Cour et les États reconnaissent les bénéfices de la participation des victimes dans les procédures de la Cour, pour renforcer la légitimité de l’action de la Cour, remplir l’objectif du Statut de Rome et reconnaître la place centrale que doivent avoir les victimes dans la justice internationale comme telle. En exprimant leurs vues au cours des procès, les victimes fournissent aux juges des informations inestimables sur les crimes commis, ainsi que sur les dommages qui en découlent. Il est impératif que les États garantissent que l’exercice des droits des victimes soit soit significatif et effectif.

La FIDH est consciente des défis, auxquels la CPI est confrontée dans son travail quotidien, ainsi que des effets négatifs de la crise financière internationale. Toutefois, il est important que les États fournissent un effort supplémentaire pour que la Cour et ses différents organes puissent compter sur les ressources nécessaires pour répondre aux attentes des victimes et de la société globale.

Madame la Président,

Permettez moi de conclure ce message avec une pensée pour toutes ces victimes qui sont décédées alors qu’elles attendaient encore d’obtenir justice , les personnes qui ne sont malheureusement plus avec nous, après avoir dédié leur vie à une lutte incessante pour que la Cour pénale internationale soit cette justice qui met fin à l’impunité des auteurs des crimes les plus graves, en particulier pour notre cher collègue d’Amnesty international, Christopher Keith Hall.

Je vous remercie.

Paulina Vega, Vice-Présidente de la FIDH.

FIDH - Discours d’ouverture lors de la 12ème Assemblée des Etats parties au Statut de la CPI - 21 novembre 2013 [FR]
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