Le Conseil européen de Nice et La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne

Le processus :

La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne va être proclamée à Nice le 7 décembre conjointement par le Parlement européen, les quinze Etats membres et la Commission européenne. Elle a été élaborée par une Convention relativement représentative, qui a travaillé dans une transparence à laquelle les institutions européennes ne nous avaient pas habitués.

Si l’on peut s’en réjouir, on peut néanmoins regretter que la prise en compte des contributions de la société civile ait été trop limitée.

Avant toute inscription de la Charte dans les Traités, il importe que les citoyens européens et les Parlements nationaux puissent débattre de ce texte et ainsi s’approprier, et renforcer, les droits qu’il consacre.

La démocratisation de la politique européenne est à ce prix. Nice n’est qu’une étape dans le renforcement de la protection des droits fondamentaux en Europe. Si certains progrès ont pu être enregistrés, le texte actuel ne nous satisfait pas. Il n’y a pas d’urgence : prenons le temps d’en débattre.

Le contenu :

Indivisibilité : la FIDH-AE se réjouit de l’affirmation de l’indivisibilité des droits fondamentaux, tant civils et politique qu’économiques, sociaux et culturels. Cependant, ces derniers ne sont ni énoncés ni garantis avec la même force que les droits civils et politiques. Nous constatons même une régression par rapport au Pacte international sur les droits
économiques, sociaux et culturels des Nations Unies et à la Charte sociale européenne révisée. Les droits sociaux sont traités selon une conception caritative : ils sont classés sous le titre " solidarité " et non " égalité " ; les citoyens sont envisagés comme des assistés, et non comme les titulaires de droits. Affirmons-le avec force : les droits fondamentaux ne s’octroient pas, ils s’exercent.

De plus, les références multiples aux législations nationales risquent de vider de leur substance certains droits énoncés dans la Charte. Ils risquent également d’avoir une portée différente selon les Etats membres.

Universalité : l’universalité des droits fondamentaux, proclamée à maintes reprises par les Nations Unies, implique que tout être humain soit traité de manière égale. Dans cette perspective, la FIDH-AE réaffirme que les résidents, quelle que soit leur nationalité, doivent jouir de droits égaux - et non simplement équivalents - à ceux des ressortissants des Etats
membres. La Charte ne consacre pas la liberté de circulation, les droits économiques et sociaux et le droit de participer aux élections locales de la même manière pour tous. C’est inacceptable.

Hiérarchie : les droits de l’Homme universellement reconnus devraient clairement bénéficier d’un statut supérieur aux libertés économiques. Ainsi, par exemple, le droit de grève ne devrait pas être entravé par la liberté d’entreprise ; la protection de l’environnement ou des consommateurs devrait primer sur la libre prestation des services. Cette hiérarchie doit être intégrée dans la Charte, et ne peut être laissée à la libre appréciation des seuls juges.

L’effectivité :

Dès aujourd’hui, la Charte inspirera le législateur et le juge communautaires. Elle influencera des domaines qui ont un impact direct sur la vie quotidienne des citoyens, qu’il s’agisse des droits économiques et sociaux, de la lutte contre les discriminations, de la coopération policière, du droit d’asile, etc.

Ce n’est cependant pas suffisant ni satisfaisant.

La FIDH-AE appelle solennellement le Conseil européen de Nice à prolonger le débat sur la Charte pour aboutir à une véritable Déclaration des droits fondamentaux dans l’Union européenne. Ce n’est qu’après une consultation la plus large possible, qui permettra d’améliorer la protection des droits fondamentaux au sein de l’Union, que l’on pourra songer à
inscrire la Charte dans les Traités. Ces droits auront alors seulement une force contraignante et le citoyen pourra dès lors les invoquer en justice.

Nous ne voulons pas d’une Charte qui ne serait qu’un vain exercice médiatique.

La FIDH-AE rappelle en outre qu’en ratifiant la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales du Conseil de l’Europe, voire la Charte sociale européenne révisée, l’Union européenne démontrerait réellement sa volonté de garantir et de respecter les droits énoncés dans ces textes.

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