« Que vous le vouliez ou non, vous devez partir »

11/12/2014
Communiqué
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Du Tadjikistan à la Russie : les violations commises à l’encontre des travailleurs migrants et de leurs familles

Paris, le 8 Décembre – La situation des migrants du Tadjikistan en Russie se dégrade, déclarent la FIDH et ADC Memorial dans un rapport publié aujourd’hui. Les législations de plus en plus restrictives en matière d’immigration poussent les migrants vers la clandestinité et augmentent leur vulnérabilité, alors que l’exploitation dont ils sont victimes ne fait l’objet d’aucun contrôle.

La mauvaise situation économique du Tadjikistan, où environ 40 % de la population en âge de travailler est au chômage, contribue au départ de centaines de milliers d’hommes et de femmes pour la Russie tous les ans. D’après les statistiques officielles, en 2014, il y avait plus d’un million de citoyens Tadjiks en Russie. L’argent renvoyé au pays représente 47 % du PIB du Tadjikistan, le pourcentage le plus élevé au monde. Pour la plupart des familles, cet argent représente la principale source de revenus. Cette tendance semble vouée à se poursuivre.

Malgré les mesures récentes annoncées par les autorités du Tadjikistan, les migrants restent très vulnérables à toutes sortes d’abus. Compte tenu de l’augmentation des restrictions à l’entrée et au séjour en Russie, les expulsions se sont multipliées et des dizaines de milliers de migrants ont été soumis à des interdictions de ré-admission. Les travailleurs migrants avec lesquels la FIDH et ADC Memorial se sont entretenus ont fait état d’extorsions de fonds commises par la police Russe et les garde-frontières, d’arrestations arbitraires et de violence policière. Favorisées par un discours politique xénophobe relayé par les médias, les attaques contre les migrants sont en augmentation. Les responsables de ces attaques bénéficient d’une impunité presque totale. Le rapport documente aussi des violations telles que le non paiement des salaires, des conditions de vie médiocres et un manque d’accès aux soins médicaux. « La multiplication des restrictions légales, des attaques dirigées contre les migrants comme « Opération Migrants 2014 » menée au mois de novembre, et la montée de la xénophobie donnent lieu à de graves violations des droits humains des migrants. Nous sommes particulièrement inquiets de ces actes de violence commis récemment à l’encontre des migrants par la police et les civils, qui restent impunis », a déclaré Karim Lahidji, le Président de la FIDH. "En décembre, il nous est devenu clair que l’opération Migrants 2014 avait vocation à devenir permanente. Des arrestations massives et détentions de migrants continuent d’avoir lieu à Moscou et à Saint Petersbourg."

Lire l’interview de Stephania Koulaeva, responsable du Centre anti-discrimination ’Memorial’ (ADC ’Memorial’), sur la situation des migrants en Russie

Le rapport aborde la question de l’impact spécifique de la migration sur les droits des femmes. Des centaines de milliers de femmes restent au Tadjikistan pour élever les enfants, travailler dans les champs et sur les marchés et dépendent financièrement de leur belle-famille. Celles dont les maris cessent de leur envoyer de l’argent ou disparaissent totalement se retrouvent souvent démunies. Depuis plusieurs années, le nombre de femmes Tadjiks qui émigrent pour trouver du travail est en augmentation. Selon les estimations actuelles, environ 15 % des migrants sont des femmes. Les femmes migrantes, surtout celles qui quittent le pays seules, sont considérées comme remettant en cause les rôles traditionnels et sont souvent stigmatisées par leurs familles et communautés au Tadjikistan, alors qu’en Russie elles sont particulièrement vulnérables à l’exploitation et la violence.

En 2012, le Tadjikistan a été examiné par le Comité des Nations Unies sur les droits de tous les travailleurs migrants et les membres de leurs familles. Le Comité a soulevé certaines préoccupations (en anglais) en insistant particulièrement sur la corruption des garde-frontières et de certains membres du personnel de la représentation consulaire, ainsi que sur l’absence de mécanismes efficaces de plaintes pour les victimes d’abus. « La protection consulaire pour les migrants du Tadjikistan en difficulté en Russie est insuffisante et le Service des Migrations du Tadjikistan n’a pas encore mis en place une procédure de réception des plaintes efficace. Les autorités des deux pays n’ont pas enquêté de manière effective sur les cas d’exploitation par les employeurs et intermédiaires, et notamment ceux de travail forcé » a déclaré Stefania Koulaeva, Directrice d’ADC-Memorial à St Petersbourg.

Depuis 2011, la FIDH et ADC Memorial ont mené conjointement une série d’enquêtes pour documenter la situation des travailleurs migrants du Tadjikistan en Russie et notamment la violence, la xénophobie et les graves violations en matière de droits économiques et sociaux qu’ils subissent.

Lire le rapport (en anglais) : "From Tajikistan to Russia : Vulnerability and abuse of migrant workers and their families"

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