Une plainte aux Nations unies accuse le Procureur allemand d’avoir cédé à la pression américaine en classant une affaire de torture et de crimes de guerre impliquant Rumsfeld et d’autres hauts fonctionnaires

Les quatre groupes qui ont saisi le Rapporteur spécial sur l’indépendance des juges et des avocats déclarent que leur plainte au pénal aurait été rejetée par le Procureur allemand pour permettre à Rumsfeld d’assister à la Conférence sur la Sécurité à Munich en février 2005.

Une plainte a été soumise aujourd’hui au Rapporteur spécial des Nations unies sur l’indépendance des juges et des avocats, qui avance qu’une affaire de torture introduite par des citoyens irakiens contre le Secrétaire de la défense américain Donald Rumsfeld et d’autres individus aurait été classée par le Procureur fédéral allemand pour des raisons politiques. La plainte a été présentée à M. Leandro Despouy, au nom de citoyens irakiens victimes de torture et de traitement cruel, inhumain et dégradant lors de leur détention par l’armée américains à la prison militaire d’Abu Ghraib et dans d’autres centres de détention en Irak et en Afghanistan. Il s’agit d’une plainte conjointe de Wolfgang Kaleck de la Republican Attorneys’ Association (RAV), du Center for Constitutional Rights (CCR) basé à New York, de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH) et de Lawyers Against the War (LAW), du Canada.

La plainte a été introduite afin d’attirer l’attention du Rapporteur spécial Leandro Despouy sur le manque d’indépendance du Procureur fédéral allemand lorsque, en février 2005, il a classé une plainte au pénal contre de hauts fonctionnaires américains, dont le ministre de la Défense Donald Rumsfeld, à la suite de pressions qu’auraient illégalement exercés les Etats-Unis à son encontre. Selon les groupes, les Etats-Unis ont violé le principe universellement reconnu de l’indépendance des juges, et le Procureur fédéral allemand n’a pas exercé son mandat d’une manière indépendante, impartiale et objective.

La plainte pénale initiale avait été introduite par la RAV, le CCR, la FIDH et LAW en novembre 2004 en application du Code allemand des crimes de droit international, selon lequel les crimes de guerre, les crimes génocide et les crimes contre l’humanité sont des crimes de compétence universelle. Dans cette affaire, les défendeurs, dix hauts fonctionnaires civils et militaires, étaient accusés d’avoir ordonné la commission de crimes de guerre ou de ne pas avoir empêché leur commission par leurs subordonnés en Iraq, ce dont le Code allemand criminalise explicitement. Le recours au système allemand de justice universelle paraissait nécessaire, les Etats-Unis ayant démontré clairement, et ce à plusieurs reprises, qu’ils ne disposaient pas de la volonté d’enquêter sur l’engagement de la responsabilité pénale des fonctionnaires identifiés dans la plainte.

Néanmoins, dès l’introduction de la plainte au pénal au Allemagne, les Etats-Unis ont immédiatement exercé de fortes pressions afin d’obtenir du Procureur qu’il la rejette. Le Pentagone a averti les autorités allemandes que de tels « procès futiles », s’ils étaient pris au sérieux, affecteraient les relations entre les Etats-Unis et l’Allemagne. Le Pentagone a en outre annulé la participation de Rumsfeld à la Conférence de Munich sur la Sécurité de février 2005. Deux jours avant la conférence, le Procureur a rejeté la plainte et le Pentagone a annoncé que Rumsfeld assisterait à l’évènement.

« Les plaignants dans cette affaire, victimes des plus flagrantes violations des droits de l’homme, se sont jusqu’à présent trouvé dans l’impossibilité de voir justice rendue : aucun tribunal indépendant, que ce soit en Irak ou aux Etats-Unis, n’a enquêté sur les responsabilité des supérieurs impliqués dans les crimes », déclare Wolfgang Kaleck. « En Allemagne, leur première tentative a échoué à cause des pressions politiques qui ont affecté le travail du Procureur. »

De plus, comme l’explique le président du CCR, Michael Ratner, « cette inacceptable et épouvantable absence de justice se produit dans des pays qui déclarent être des modèles de démocratie et d’Etat de droit. » « Quelqu’un doit faire cesser l’administration Bush de passer à tabac les systèmes de justice du monde comme elle passe à tabac ses prisonniers », ajoute Michael Mandel de LAW.

Sidiki Kaba, président de la FIDH, a déclaré espéré, avec la RAV, le CCR et LAW, que « le Rapporteur spécial, à présent conscient de la gravité de la situation, exprimerait sa préoccupation et adresserait ses recommandations à toutes les parties impliquées, et ferait publiquement la lumière sur les violations commises respectivement par le gouvernement américain et le système de justice allemand. »

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