Intervention orale à la 56ème session de la Commission africaine des DHP

INTERVENTION ORALE - L’OBSERVATOIRE

COMMISSION AFRICAINE DES DROITS DE L’HOMME ET DES PEUPLES

56ème session ordinaire

Banjul, Gambie

21 avril - 7 mai 2015

Contribution de la Fédération internationale des ligues des droits humains (FIDH)
et de
l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT)

Dans le cadre de leur programme conjoint,
L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme

Madame la Présidente,
Madame la Rapporteure spéciale sur les défenseurs des droits de l’Homme,
Mesdames et Messieurs les commissaires,
Mesdames et Messieurs les délégués,

La FIDH et l’OMCT, dans le cadre de l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, expriment une nouvelle fois leurs graves préoccupations concernant la situation des défenseurs en Afrique.

A travers le continent africain, les arrestations et détentions arbitraires ainsi que le harcèlement judiciaire restent utilisés pour persécuter et réduire au silence les défenseurs des droits humains.
En Algérie , alors que dix de leurs collègues sont déjà détenus, les militants du droit du travail Abdelhamid Brahimi, Ferhat Missa et Youssef Sultani sont à leur tour harcelés judiciairement pour avoir critiqué la police sur Facebook ainsi que pour avoir participé à des manifestations pacifiques à El Oued. Leur procès est en cours.

Au Burundi , Pierre Claver Mbonimpa a de nouveau été arrêté le 27 avril 2015, pour s’être publiquement opposé à un troisième mandat du Président Pierre Nkurunziza.

Au Cameroun , Franklin Mohwa, president de Frontline Fighters for Citizens Interests (FFCI) et Célestin Yandal, president du Collectif des jeunes de Touboro, sont tous deux arbitrairement détenus et poursuivis.

En RDC , le procès du défenseur Christopher Ngoyi Mutamba, président national de l’ONG Synergie Congo culture et développement et coordinateur de laPlateforme de la société civile du Congo, actuellement détenu, s’est ouvert le 4 mars, sans notification préalable de l’accusé qui encourt une lourde peine de prison.

En Égypte , de nombreux défenseurs, parmi lesquels Yara Sallam, Sanaa Seif et Alaa Abdel Fattah sont toujours détenus pour avoir exercé leur droit légitime au rassemblement pacifique. Bien qu’ils ne soient pas actuellement détenus, les avocats des droits de l’Homme Mahienour El-Massry, Amr Abu-Elkhair et Azza Soliman font toujours face à un harcèlement judiciaire constant.

Au Soudan , Adil Bakheit, membre du conseil d’administration du Sudan Human Rights Monitor (SHRM), a été arrêté le 16 avril 2015.

De plus, au cours de ces dernières années, les défenseurs du droit à la terre, sont devenus la cible d’un harcèlement toujours plus important visant à réduire au silence les voix dissidentes susceptibles de ralentir les projets d’investissement.

Au Cameroun , Nasako Besingi, directeur de l’ONG Struggle to Economize Future Environment (SEFE), a été attaqué le 29 août 2012.

En Ouganda, Gerald Kankya, directeur exécutif du Twerwaneho Listeners Club (TLC), est la cible d’un harcèlement judiciaire et physique particulièrement violent depuis le début de l’année 2015.

En Sierra Leone, le harcèlement judiciaire continu auquel font face plusieurs membres de l’Association Malen Land Owners and Users (MALOA), illustre le harcèlement dont sont victimes les défenseurs du droit à la terre dans le pays.

De plus, dans plusieurs pays, les défenseurs ont également fait l’objet de menaces et de campagnes de diffamation.

En Angola , l’environnement de plus en plus précaire dans lequel évoluent les défenseurs fait peser une menace directe sur leur travail.

Au Cameroun , les menaces à l’encontre de Maximilienne Ngo Mbe, directrice exécutive du REDHAC et secrétaire exécutive du PRODHOP, et des membres de sa famille, doivent être prises au sérieux et les autorités doivent assurer leur sécurité.

Toujours au Cameroun , des actes d’intimidation ont particulièrement visé les défenseurs des droits des personnes LGBTI, alors que l’enquête dans l’assassinat du défenseur Eric Ohena, est toujours au point mort.

En Libye , l’assassinat de Salwa Bouguiguis, avocate des droits de l’Homme et activiste pour les droits des femmes, le 25 juin 2014, ne doit pas rester impuni.

En Mauritanie , la vie d’Aminetou Mint El Moctar, présidente de l’Association des femmes chefs de familles (AFCF) est menacée depuis que le 6 juin 2014, le chef du groupe islamiste mauritanien “Ahbab Errassoul” a lancé un fatwa contre elle.

Enfin, des obstacles majeurs à la liberté d’association ont également été rapporté à travers le continent, comme par exemple en Angola , au Kenya , Rwanda et Ouganda .

En Angola , en février 2015, un projet de loi sur les activités des ONG, qui doit être adopté, contient de nombreuses dispositions, qui si elles venaient à être adoptées, remettraient considérablement en cause le travail des ONG indépendantes.

Au Kenya , la décision, le 7 avril 2015, de geler les comptes bancaires de deux organisations des droits de l’Homme, Haki Africa et Muslims for Human Rights (MUHURI), à la suite des attaques terroristes de Garissa, représente une mesure de représailles injuste à l’encontre d’organisations pacifiques et légitimes.

Au Rwanda , il n’y a plus d’organisation indépendante de défense des droits de l’Homme depuis juillet 2013 et la prise de contrôle illégitime du conseil d’administration de la Ligue rwandaise pour la promotion et la défense des droits de l’Homme (LIPRODHOR).

En Ouganda , une nouvelle loi sur les ONG serait sur le point de donner au ministère de l’intérieur et au bureau national pour les organisations non-gouvernementales des pouvoirs élargis leur permettant de superviser et dissoudre toutes les ONG, et imposerait de lourdes peines pénales en cas de violation.

Recommandations :

1) Compte tenu de ces éléments, l’Observatoire considère que les États devraient de manière immédiate et inconditionnelle :

 Mettre en œuvre toutes les dispositions de la Déclaration des Nations unies sur les défenseurs des droits de l’Homme de 1998 ;

 Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et psychologique des défenseurs ;

 Libérer tous les défenseurs qui sont arbitrairement détenus ;

 Mettre un terme à tous les actes de harcèlement, y compris judiciaire, à l’encontre des défenseurs ;

 Mener sans délais des enquêtes exhaustives et transparentes quant aux allégations de violations des droits des défenseurs pour en sanctionner les responsables ;

 Ne pas adopter, abroger et réviser toute disposition non conforme aux normes internationales et africaines relatives aux libertés d’expression, de réunion pacifique et d’association ;

 Adresser une invitation permanente aux Rapporteures spéciales de la CADHP et des Nations unies sur les défenseurs et faciliter leurs visites.

2) L’Observatoire appelle également la CADHP à :

 Dénoncer et condamner de manière systématique les violations des droits de l’Homme subies par les défenseurs lors de l’examen des rapports périodique des États parties à la CADHP et à l’occasion des visites dans les États parties ;

 Renforcer sa capacité à répondre aux situations urgentes auxquelles font face les défenseurs ;

 Garantir la mise en œuvre effective de ses observations conclusives ;

 Poursuivre et renforcer la collaboration avec le/la Rapporteur(e) spécial(e) des Nations unies sur la situation des défenseurs, ainsi qu’avec les autres mécanismes régionaux.

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Luanda, avril - mai 2014

L’intervention écrite est disponible ici.

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