RWANDA : Il n’ y a plus d’ONG de défense des droits humains indépendante au Rwanda

02/04/2015
Appel urgent

Paris-Genève, le 2ème avril 2015 – Le 23 mars 2015, le juge de la Haute Cour/Kigali a rejeté l’appel interjeté par les membres du Conseil d’administration « légitime » de la LIPRODHOR. Cette décision de justice est contestable sur le fond comme sur la forme, en ce que le juge d’appel siégeait déjà lors du procès en première instance, et que l’un des deux motifs d’appel a été rejeté en ignorant les preuves soumises par les plaignants.

L’Observatoire, programme conjoint de la FIDH et de l’OMCT, rappelle que les membres « légitimes » de la Ligue rwandaise pour la promotion et la défense des droits de l’Homme (LIPRODHOR)ont initié une action en justice en 2013 afin de faire reconnaître la nullité des décisions prises lors d’une Assemblée générale extraordinaire, convoquée illégalement le 21 juillet 2013, qui ont conduit à leur destitution et à l’élection d’un nouveau conseil d’administration « illégitime », reconnu trois jours plus tard par le Rwanda Governance Board (RGB), l’institution publique supervisant les organisations non gouvernementales nationales.

Pour plus d’informations sur l’affaire « LIPRODHOR » et sur la situation des défenseurs des droits de l’Homme au Rwanda, consultez la note de situation de l’Observatoire aux liens suivants :

FIDH : https://www.fidh.org/La-Federation-internationale-des-ligues-des-droits-de-l-homme/afrique/rwanda/il-n-y-a-plus-d-ong-de-defense-des-droits-humains-independante-au
OMCT : http://www.omct.org/fr/human-rights-defenders/reports-and-publications/rwanda/2015/04/d23073/

Dans son verdict du 23 mars 2015, le juge d’appel devait se prononcer sur les deux points précédemment avancés au premier degré par le tribunal de grande instance (TGI) de Nygarugenge pour rejeter l’affaire le 8 août 2014 sans en examiner le fond [1].

Le premier point consistait à déterminer si l’action en justice était correctement orientée, en ce qu’elle était intentée contre les membres individuels du conseil d’administration « illégitime » de la LIPRODHOR et non contre la LIPRODHOR elle-même. Lors de la dernière audience en appel, le 24 février 2015, les représentants « légitimes » de la LIPRODHOR avaient fait valoir qu’étant donné que la procédure prévue par les statuts de la ligue pour convoquer une assemblée générale extraordinaire n’avait pas été respectée, leur action visait un groupe de personnes ayant cherché à prendre le contrôle de la ligue, et non la LIPRODHOR elle-même en tant qu’entité distincte.

Le second point consistait à déterminer si la procédure interne devant le comité de discipline et de résolution des conflits de la LIPRODHOR avait ou non été respectée. Lors de la dernière audience en appel, le 24 février 2015, les représentants de la LIPRODHOR avaient de nouveau fait savoir qu’une telle procédure avait bien été ouverte dès le 21 juillet 2013 pour exiger d’une part que le conseil d’administration « légitime » continue à travailler normalement, et pour convoquer, d’autre part, trois membres du conseil « illégitime » devant le comité de discipline au sujet de la prise de contrôle. Or, ce sont ces trois derniers qui ont refusé de comparaître devant cet organe le 2 août 2013. Ce refus a par ailleurs été constaté par écrit, et joint aux conclusions de la partie plaignante.

Dans son verdict du 23 mars 2015, le juge d’appel a déclaré partiellement fondé l’appel des membres « légitimes » de la LIPRODHOR en ce qui concerne le motif d’appel relatif à l’action mal dirigée, mais non fondé en ce qui concerne le motif relatif à la saisine préalable de l’organe de résolution des conflits.

«  Face à ce jugement inique, un dernier recours semble possible via l’Office de l’Ombudsman, suite à quoi nous saisirons si nécessaire la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples », a prévenu Karim Lahidji, président de la FIDH. « Pour l’heure, il n’y a plus d’ONG indépendante de défense des droits de l’Homme au Rwanda  » a-t-il ajouté.

L’article 15 de la loi N° 76/2013 du 11 septembre 2013 déterminant les missions, compétences, l’organisation et le fonctionnement de l’Office de l’Ombudsman, prévoit que « dans l’intérêt de la justice, l’Office a la compétence de demander à la Cour suprême d’examiner et de réviser une décision judiciaire rendue en dernier ressort par les juridictions ordinaires, commerciales ou militaires en cas de persistance d’une injustice. L’examen et la révision se font conformément à la loi organique portant organisation, fonctionnement et compétence de la Cour suprême ».

«  Nous espérons que le recours en révision aboutira à un réexamen devant la Cour suprême, et nous attendons de celle-ci qu’elle rende une décision conforme au droit à un procès équitable et au droit à la liberté d’association au Rwanda  », a déclaré Gerald Staberock, secrétaire général de l’OMCT.

L’Observatoire appelle au réexamen immédiat de l’affaire « LIPRODHOR » par les juridictions rwandaises, et exige le plein respect du droit à un procès équitable et du droit à la liberté d’association, conformément aux obligations du Rwanda en matière de droits de l’Homme et à la Déclaration des Nations unies sur les défenseurs des droits de l’Homme.

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