La CPI acquitte Mathieu Ngudjolo Chui et ordonne sa libération : La nécessité d’une protection des témoins, victimes et intermédiaires et d’un renforcement des enquêtes et poursuites sur les crimes commis en RDC

La Chambre de première instance II de la Cour pénale internationale (CPI) a acquitté, ce 18 décembre 2012, Mathieu Ngudjolo Chui, ancien dirigeant du Front des nationalistes et intégrationnistes (FNI), des charges de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité qui pesaient contre lui dans le cadre du conflit armé qui a eu lieu en Ituri d’août 2002 à mai 2003. Elle a, en outre, décidé de rejeter la demande de maintien en détention formulée par le Bureau du Procureur. La FIDH, l’Association africaine des droits de l’Homme (ASADHO), la Ligue des électeurs (LE) et le Groupe Lotus (GL) demandent à la CPI de clairement communiquer cette décision aux victimes et communautés affectées, de prendre les mesures nécessaires pour la protection des témoins, victimes et intermédiaires et appellent à l’amélioration des enquêtes et à la continuation des poursuites des auteurs des crimes internationaux commis en RDC.

La Chambre de première instance II a estimé que l’accusation ne lui avait pas fourni d’éléments de preuve suffisants lui permettant de conclure, au-delà de tout doute raisonnable, que l’accusé était le chef des combattants lendu ayant participé à l’attaque de Bogoro le 24 février 2003, et qu’il existait un lien entre les enfants soldats présents lors de l’attaque et Mathieu Ngudjolo Chui. "Les juges de la CPI ont rappelé par cette décision l’exigence de démonstration par l’accusation de l’imputabilité des crimes aux suspects, d’autant plus importante qu’il s’agit des crimes les plus graves" , a déclaré Patrick Baudouin, Président d’honneur de la FIDH. "Ce verdict doit inciter le Bureau du Procureur à davantage de rigueur dans ses enquêtes."

"Cette décision ne peut qu’engendrer une déception pour les victimes congolaises de ces crimes, qui attendent depuis des années que justice leur soit enfin rendue. Il est ainsi essentiel que la CPI explique aux victimes et aux communautés affectées les raisons et la signification de cette décision" , a déclaré Dismas Kitenge, Vice-Président de la FIDH et Président du GL. "Il faut également que toutes les mesures nécessaires pour la protection des témoins, victimes et intermédiaires soient prises par la Cour" a-t-il ajouté.

Ce procès a néanmoins permis de mettre en lumière les crimes commis dans la région Est de la RDC, notamment en Ituri. A cet égard, "nous accueillons favorablement le fait que la Chambre ait souligné que cette décision ne signifiait pas qu’elle remettait en question la véracité des crimes et la souffrance des victimes" , a déclaré Jean-Claude Katende, Président de l’ASADHO.

"La CPI ainsi que les juridictions nationales doivent continuer leur travail pour enquêter et juger les auteurs des crimes les plus graves commis en RDC, où des crimes sexuels et des enlèvements d’enfants continuent à être perpétrés en toute impunité" , a déclaré Paul Nsapu, Président de la LE.

Nos organisations rappellent l’importance d’arrêter et de juger Bosco Ntaganda et Sylvestre Mudacumura, tous deux poursuivis par la CPI dans le cadre de l’enquête en cours sur le Nord-Kivu et d’intégrer dans le droit interne congolais la définition des crimes du Statut de Rome.

Rappel :

Mathieu Ngudjolo Chui était accusé d’avoir commis, par l’intermédiaire d’autres personnes et conjointement avec Germain Katanga, commandant présumé de la Force de résistance patriotique en Ituri (FRPI), des crimes contre l’humanité, à savoir des meutres, esclavages sexuels et viols, ainsi que les crimes de guerre suivants : le fait de faire participer des enfants de moins de 15 ans à des hostilités, le fait de diriger intentionellement une attaque contre la population civile en tant que telle ou contre des civils qui ne participent pas directement aux hostilités, homicides intentionnels, esclavage sexuel, viols, destructions de biens et pillage. Il était accusé d’avoir mené, conjointement avec Germain Katanga, l’attaque contre le village de Bogoro le 24 février 2003, pendant laquelle environ 200 personnes ont été tuées.

Mathieu Ngudjolo Chui a été transféré à la CPI le 7 février 2008, quelques mois après Germain Katanga. Les deux affaires les concernant ont été jointes le 10 mars 2008 et leur procès a débuté le 24 novembre 2009. La Chambre a décidé de disjoindre les charges portées contre Mathieu Ngudjolo Chui de celles portées contre Germain Katanga. Le verdict concernant Germain Katanga sera ainsi prononcé ultérieurement.

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