L’urgence de stopper l’escalade vers la guerre civile

Personnes brulées à Yopougon

Une mission de la FIDH de retour d’Abidjan dresse un constat extrêmement inquiétant de la situation en Côte en d’Ivoire. Selon ses conclusions, de nombreux indices indiquent les prémices d’une guerre civile. La FIDH appelle la Communauté internationale à ne ménager aucun effort pour mettre fin à la crise sous peine d’être spectatrice d’un drame humain qui apporte quotidiennement sont lot de victimes. La répression et les affrontements auraient déjà causé plus de 350 morts et des dizaines de disparitions forcées.

Dans sa note de retour de mission, la FIDH rend compte des affrontements armés quotidiens dans plusieurs quartiers d’Abobo, de Koumasi et de Yopougon à Abidjan entre les éléments des Forces de défense et de sécurité (FDS), fidèles à Laurent Gbagbo, appuyés par des supplétifs de miliciens, et le « Commando invisible » pro-Ouattara. Les chargés de mission on recueilli des témoignages de nombreux civils fuyant les bombardements, les combats de rue, les exactions, les assassinats ou encore les arrestations arbitraires.

« La situation sur place est très grave. Les combats sont incessants. Depuis deux jours, je n’ai ni eau, ni électricité. Nous ne sortions presque plus. Tout est devenu compliqué : les écoles sont fermées, le marché est quasiment désert et les prix ont explosé. Même se nourrir devient impossible  » a déclaré à la mission une personne qui venait de quitter le quartier Colatier à Abobo.

Les discours incendiaires, principalement du camp Gbagbo et notamment du ministre de la jeunesse du gouvernement Gbagbo, M. Charles Blé Goudé, propagés par certains médias sont suivis d’actes et de violences contre les populations et contre les forces des Nations unies. Alors que les combats se poursuivent, une autre « guerre » fait rage, celle des médias et de la communication. Les articles insultants contre le président Ouattara, l’incitation à la haine contre l’ONU et les étrangers d’un côté, et la récente destruction de l’émetteur de la Radio télévision ivoirienne (RTI) de l’autre démontrent la détermination de chaque camp à adopter une stratégie de la tension. De plus le 25 février, le Conseil National de la Presse (CNP) – organe de régulation de la presse ivoirienne dont les anciens membres, jugés trop rétifs à la politique de Laurent Gbagbo ont été démis de leurs fonctions début février puis remplacés par des proches de ce dernier – a annoncé la suspension pour une semaine du quotidien Le Nouveau Réveil, et imposé une amende de 2 millions de Francs CFA aux journaux Le Patriote, Le Jour Plus et Nord-Sud Quotidien, tous proches de Ouattara.

Les libertés publiques et individuelles sont sous contrôle : la liberté de circulation est entravée notamment par les Jeunes patriotes et les miliciens en armes, la liberté de la presse est bafouée, et la liberté d’opinion est assujettie à l’expression d’appartenance à un camp ou à un autre. Dans ce contexte, les défenseurs des droits de l’Homme, qui tentent d’apporter des informations objectives sur la situation, sont régulièrement menacés.

La crise politique née du contentieux électoral, l’embargo et les manœuvres du clan Gbagbo pour garder la main sur l’économie plonge le pays dans une situation économique et sociale dramatique. Les Ivoiriens sont à cran. Dans ce contexte, les réactions populaires à venir risquent fort d’être totalement incontrôlées.

Face à cette situation, la médiation de l’Union africaine s’enlise et la Mission de l’Organisation des Nations unies en Côte d’Ivoire (ONUCI) est dans l’incapacité à répondre à son mandat de protection de la population civile.

« Le refus de Laurent Gbagbo de quitter le pouvoir mène le pays vers la guerre. La situation est en train de dégénérer et sa responsabilité ainsi que celle de ses partisans sont engagées y compris au regard de la justice pénale internationale » a déclaré Roger Bouka, Secrétaire général de la FIDH qui a participé à la mission en Côte d’Ivoire.

« L’Union africaine n’a pas le droit à l’échec en Côte d’Ivoire. La médiation doit aboutir de façon urgente à une solution garantissant le respect de la volonté populaire exprimée par les ivoiriens dans les urnes. Tout autre résultat constituerait un blanc seing aux aventures antidémocratiques aux portées conflictuelles sur l’ensemble du continent », a déclaré Sidiki Kaba, Président d’honneur de la FIDH.

D’ores et déjà les Nations unies sont entravées dans leur mandat de protection des populations civiles. Quelle sera leur capacité d’action en cas de généralisation du conflit ? Le risque existe qu’elle soit reléguée au rang de spectatrice du drame ivoirien. « L’ONUCI doit être immédiatement renforcée dans ses capacités d’action - notamment par les 2000 casques bleus supplémentaires prévus par la résolution 1967 du Conseil de sécurité et qui ne sont toujours pas déployés - et montrer une attitude pro-active plutôt que défensive ; une Commission d’enquête internationale doit pouvoir se rendre sur place au plus vite afin d’enquêter sur les graves violations constatées ; et le procureur de la Cour pénale internationale doit ouvrir une enquête sur les crimes qui sont commis en Côte d’Ivoire », a affirmé Souhayr Belhassen, présidente de la FIDH.

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