Affaire du Probo Koala : Les victimes privées de recours pour obtenir justice

Après la Côte d’ivoire, le Royaume-Uni et la France, la justice néerlandaise ferme la porte aux poursuites des plus hauts responsables du déversement des déchets toxiques en Côte d’Ivoire

La FIDH et ses ligues membres en Côte d’Ivoire, la Ligue ivoirienne des droits de l’Homme (LIDHO) et le Mouvement ivoirien des droits humains (MIDH), regrettent la récente décision de la Cour d’appel de La Haye de ne pas étendre la procédure initiée aux Pays Bas aux faits qui se sont produits en Côte d’Ivoire. Aucune des juridictions saisies, en Côte d’Ivoire, en France, en Angleterre, aux Pays-Bas, n’a pris de décision satisfaisante sanctionnant les plus hauts responsables et répondant au besoin de justice des victimes de ce drame. La FIDH, la LIDHO et le MIDH publient un rapport faisant le point sur les tentatives d’obtenir justice pour les victimes.

Le 13 avril 2011, la Cour d’appel de La Haye, saisie par l’association Greenpeace, a écarté de la procédure néerlandaise les faits qui se sont produits en Côte d’Ivoire, prenant une décision d’opportunité, motivée, selon elle, par le manque de coopération des autorités ivoiriennes faisant obstacle à la faisabilité d’une poursuite pénale effective aux Pays-Bas. Parmi ces obstacles, la Cour a mentionné le fait qu’aucun des suspects n’avait la nationalité néerlandaise ni ne vivait aux Pays-Bas et que les activités des sociétés mises en cause étaient pour l’essentiel localisées en dehors du pays.

« Cette décision intervenue aux Pays-Bas vient conforter le constat d’échec des justices nationales à enquêter et poursuivre effectivement les entreprises transnationales impliquées dans ce genre de drames environnementaux et humains, qui se déroulent souvent dans des pays en voie de développement à des milliers de kilomètres du siège de ces multinationales », a déclaré Me Patrick Baudouin, Président d’honneur de la FIDH et coordinateur du Groupe d’action judiciaire (GAJ) de la FIDH.

La FIDH, la LIDHO et le MIDH appellent les juges nationaux à contribuer plus efficacement à la lutte contre l’impunité des plus hauts responsables (personnes physiques et morales) d’infractions des réglementations internationales et régionales en vigueur sur les mouvements transfrontaliers de déchets dangereux, et plus généralement sur les violations des droits de l’Homme, participant ainsi à un effet dissuasif et préventif sur de potentielles infractions futures. La FIDH, membre de la Coalition européenne pour la responsabilité sociale et environnementale des entreprises (ECCJ), appelle également l’Union européenne à mettre en place un cadre juridique harmonisé permettant d’assurer l’accès à la justice et au droit à la réparation pour les victimes d’abus commis par des entreprises multinationales européennes en dehors des frontières de l’UE.

Le rapport de la FIDH-LIDHO-MIDH dresse un bilan du traitement du dossier par la justice ivoirienne, incluant un aperçu des autres procédures engagées à l’étranger en France, au Royaume-Uni et aux Pays-Bas, illustrant les nombreux et complexes obstacles à la justice rencontrés par les victimes de cette tragédie.

Rappel

Le 19 août 2006, le PROBO KOALA, un navire grec d’équipage russe battant pavillon panaméen, affrété par la société TRAFIGURA, dont l’adresse fiscale est à Amsterdam, le siège social à Lucerne (Suisse) et le centre opérationnel à Londres, a reçu l’autorisation d’appareiller dans le Port Autonome d’Abidjan.

La compagnie locale TOMMY, qui venait tout juste d’être créée le 12 juillet 2006, a été mandatée par la société PUMA Energy, une filiale de TRAFIGURA en Côte d’Ivoire, spécialisée dans le stockage pétrolier qui avait été conseillée par la société WAIBS de rentrer dans ce partenariat afin de décharger et traiter les 528 m3 de déchets, hautement toxiques, des cuves du navire.

La société TOMMY a immédiatement sous-traité la besogne à des camionneurs qui ont déversé les 528 m3 de déchets hautement toxiques, à ciel ouvert, dans la décharge publique d’Akouédo (seule décharge de la ville d’Abidjan) et dans près d’une dizaine d’autres sites à forte densité de population.

Ces déchets ont dégagé des gaz mortels faisant, selon la justice ivoirienne ainsi que les rapports effectués par le Rapporteur Spécial de l’ONU sur les déchets toxiques, Okechukwu Ibeanu, au moins 17 morts et plus de 100.000 personnes intoxiquées.

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