Burkina Faso : la société civile condamne le coup d’État militaire et réclame la restauration des autorités de transition

17/09/2015
Communiqué
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La FIDH, le MBDHP et les organisations membres de la coalition #MonVoteDoitCompter condamnent le coup d’État opéré par des éléments du Régiment de sécurité présidentielle (RSP), l’arrestation du président Michel Kafando, du Premier ministre Isaac Zida et de deux autres membres du gouvernement, ainsi que la répression des manifestations populaires et les attaques contre les médias indépendants. Nos organisations appellent le général Gilbert Diendéré, le chef de la junte militaire putschiste du Conseil national pour la démocratie (CND) et membre du RSP, qui s’est proclamé chef d’une nouvelle transition, à la plus grande retenue envers les manifestants pacifiques, à procéder à la libération immédiate de toutes les personnes arrêtées, et à remettre le pouvoir dans les plus brefs délais aux autorités de la transition afin de permettre la reprise du processus électoral et l’élection démocratique d’un président.

«  C’est un coup d’État militaire de plus au Burkina Faso : le CND a pris le pouvoir par la force, a décrété la mise en place d’un couvre-feu, occupe les artères et places stratégiques de la capitale tout en dispersant à balles réelles le peuple sorti spontanément manifester pour le respect de la démocratie. Les putschistes doivent immédiatement remettre le pouvoir aux autorités légitimes de la transition afin que les élections, tant attendues, puissent se tenir comme prévu et que le processus démocratique suive son cours », ont déclaré nos organisations.

Mercredi 16 septembre 2015, autour de 14h30, des membres du RSP se sont introduits dans le palais présidentiel de Kosyam, ont interrompu le conseil des ministres en cours et pris en otage Michel Kafando, président de la transition, Isaac Zida, Premier ministre, René Bagoro, ministre de l’Urbanisme et Augustin Loada, ministre de la Fonction publique. D’après plusieurs sources, les éléments du RSP ont alors entamé des « négociations tendues » avec ces derniers, tandis que la haute hiérarchie militaire a immédiatement tenu une réunion de médiation afin de trouver une issue à la crise. Parallèlement, des éléments du RSP se sont déployés sur les principaux axes stratégiques de Ouagadougou, ont renforcé leurs positions devant le siège de la radio-télévision nationale et des tirs nourris commençaient à retentir dans la capitale burkinabè. Toute la nuit, des tirs de dissuasion à l’encontre des manifestants ont été entendus dans plusieurs quartiers de Ouagadougou.

D’après les informations recueillies par nos organisations, des membres du RSP auraient violemment réprimé les manifestations populaires organisées dès mercredi soir, notamment en faisant un usage excessif de la force pour disperser les centaines de manifestants pacifiques réunis à la place de la Nation et en bastonnant plusieurs dizaines de personnes. Les émetteurs de Radio France internationale (RFI) ont été coupés et les équipes de Radio Omega ont été intimidées par des éléments du RSP leur intimant l’ordre de suspendre leurs programmes. Jeudi 17 septembre, un jeune aurait été abattu au centre-ville de Ouagadougou et le corps transporté vers une destination pour le moment inconnu. Des dizaines de blessés continuent d’être transportés vers les principaux hôpitaux de la ville. Alors que les tirs retentissaient encore, des éléments du RSP ont annoncé à la télévision nationale ce matin la « démission » du président de la transition, la dissolution du gouvernement et du Conseil national de transition, et la mise en place d’une concertation en vue de la formation d’un nouveau gouvernement de cohésion nationale par notamment la création d’un Conseil national pour la démocratie (CND). Quelques heures plus tard, la télévision nationale a annoncé que le général Gilbert Diendéré, un proche de l’ancien président Blaise Compaoré, était le président du CND, la junte militaire putschiste maintenant au pouvoir, ainsi que la mise en place d’un couvre-feu de 19h à 6h et la fermeture des frontières.

Les tensions entre les autorités de transition et les membres du RSP n’ont cessé de s’aggraver ces derniers mois. Elles ont été exacerbées ces derniers jours avec la publication, lundi 14 septembre, du rapport final de la Commission de réconciliation nationale et des réformes qui préconise « la dissolution de ce régiment et le redéploiement de ses éléments à des missions autres que celles d’assurer la sécurité du président du Faso, dans le cadre de la refondation de l’Armée nationale et de son commandement ». Dans la déclaration lue ce matin par Mamadou Bamba, porte-parole du CND, et annonçant la dissolution des autorités de transition, le CND dénonçait la « déviance » du régime de transition, notamment la loi électorale excluant toute personne qui aurait soutenu, en octobre 2014, le projet de loi portant révision de l’article 37 de la Constitution burkinabè visant à supprimer la limitation des mandats présidentiels et qui devait ainsi permettre à Blaise Compaoré, au pouvoir depuis 1987, de briguer un cinquième mandat en 2015. Dans les faits, plusieurs proches de Blaise Compaoré étaient donc écartés de la présidentielle prévue le 11 octobre prochain.

L’annonce du coup d’État en cours au Burkina Faso a très rapidement suscité de vives protestations de la part de la société civile, de certains partis politiques et des membres des autorités de transition. Les appels à manifester pour la sauvegarde de la démocratie et contre le coup d’État, dont celui de la Coalition Contre la Vie Chère (CCVC), se poursuivent et la population est fortement mobilisée malgré la répression exercée par l’armée.

« La situation est extrêmement volatile et nous craignons qu’elle ne dégénère, causant de graves violations des droits humains. Le peuple burkinabè semble déterminé à défendre sa démocratie, la société civile et les partis politiques sont mobilisés. En face, l’armée s’organise et continue de réprimer les manifestants. Nous appelons toutes les parties au calme pour éviter tout bain de sang. Les putschistes du CND doivent regarder comment ont fini les juntes militaires dernièrement au Mali et en Guinée et ils doivent en tirer toutes les conséquences : rendre le pouvoir ou, à terme, finir en prison  », ont déclaré nos organisations.

Enfin, nos organisations exhortent la communauté internationale, qui a exprimé son indignation et condamné la prise du pouvoir en cours, à prendre toutes les mesures nécessaires afin de permettre une solution rapide et apaisée de la crise politique et sécuritaire en cours, en vue de la reprise du processus électoral. Plus particulièrement, la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao), l’Union africaine (UA), les Nations unies (ONU), l’Union européenne (UE) et l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) doivent tout mettre en œuvre pour garantir la libération immédiate du président et des ministres de la transition encore détenus ainsi que la sécurité des populations civiles. Le cas échéant, ils devront mettre en branle les mécanismes de suspension et de sanction prévus par leurs textes respectifs.

« Mon vote doit compter »
Entre 2014 et 2016, 52 élections dont 25 élections présidentielles doivent se tenir dans 27 pays africains. Pour éviter les manipulations, fraudes et violences dues aux élections tronquées, la société civile africaine et internationale a décidé de se mobiliser au sein de la coalition « Mon vote doit compter ». Les sociétés civiles exigent des gouvernants qu’ils respectent leur droit légitime à choisir librement leurs représentants à l’occasion d’élections régulières, libres, et transparentes, par une mobilisation publique, des actions de terrains et un plaidoyer politique en amont de chaque scrutin jusqu’en 2016.

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