Nations Unies : La lutte globale contre le terrorisme entravée par sa bureaucratisation et son instrumentalisation par des États autoritaires

© UN Photo / Rick Bajornas

(New-York) Dans un nouveau rapport publié aujourd’hui, la FIDH décrit comment l’efficacité des Nations Unies et de leur États membres dans la lutte contre le terrorisme est entravée par deux phénomènes majeurs. D’une part, l’inflation d’entités onusiennes, dont les mandats se chevauchent plus qu’ils ne se complètent. Elles finissent par former une structure bureaucratique tentaculaire et contre productive, qui paralyse une coopération entre États pourtant cruciale. D’autre part, ces entités sont aujourd’hui dirigées par des États peu respectueux des Droits humains. Ils utilisent leur position dans l’architecture onusienne pour faire avancer leurs propres agendas politiques, souvent dévastateurs pour les droits humains dans leur pays et à l’étranger. Les conséquences peuvent être néfastes, risquant d’alimenter in fine la rhétorique des terroristes. Mercredi 27 septembre, ce rapport sera présenté et discuté avec le Secrétaire Général des Nations Unies : Antonio GUTERRES.

Alors que le 72ème sommet des Nations Unies s’est ouvert à New York et qu’un nouveau Sous - secrétaire Général en charge de la lutte contre le terrorisme est désormais en fonction, la FIDH sort un nouveau rapport qui analyse comment les Nations Unies se sont organisées pour lutter contre le terrorisme de ces quinze dernières années .

Depuis les attentats du 11 septembre 2001, la menace terroriste a évolué avec l’extension sur la planète de groupes affiliés à Al Qaeda et l’apparition d’ISIS / État Islamique. Leurs modes opératoires ont eux-mêmes sans cesse changé, poussant la communauté internationale à adapter continuellement ses stratégies de prévention et de résolution de conflits.

La capacité des Nations Unies à lutter contre le terrorisme est un test pour sa pertinence future. En effet, les groupes terroristes non étatiques mettent aujourd’hui au défi leur raison d’exister : maintenir la paix et la sécurité internationale. Toutefois, la lutte contre le terrorisme est devenue la priorité majeure de la communauté internationale, permettant une coopération d’ampleur inédite entre les États membres. Cette mobilisation a entraîné une inflation institutionnelle et bureaucratique, le Conseil de Sécurité adoptant ou mettant en œuvre des dizaines de résolutions, stratégies et structures onusiennes chargées de lutter contre le terrorisme. Il en résulte une structure à mille têtes, qui n’est plus en mesure de remplir sa mission.

Par ailleurs, il est frappant de s’apercevoir comment un petit nombre de pays (dont la Russie ; l’Arabie Saoudite ; l’Égypte) et leurs alliés ont pris le contrôle des entités onusiennes chargées de la lutte contre le terrorisme en les finançant et/ou en y assumant des postes clefs. Dans le même temps, ces États mettent en place des législations nationales draconiennes. Elles ont pour conséquence la répression des sociétés civiles, la persécution des opposants politiques et des militants des droits humains, et la perpétration de crimes graves contre les populations civiles. Ces dérives risquant d’alimenter à leur tour « l’extrémisme violent » et générer davantage d’actes terroristes.

L’actuel leadership de l’Égypte au sein de l’appareil Onusien de lutte contre le terrorisme ne peut pas être dissocié de sa propre politique nationale de lutte contre le terrorisme. Cette politique a conduit à l’emprisonnement de milliers de défenseurs des droits humains, journalistes et voix dissidentes, dans des conditions de détention horribles et mondialement connues. Malgré un État d’urgence devenu permanent, l’action du gouvernement égyptien pour vaincre la menace terroriste est restée vaine. Elle a en revanche produit une législation anti-terroriste utilisée comme couverture légale pour réduire au silence les dissidents et étouffer toute velléité de société civile indépendante.

De même, l’Arabie Saoudite continue d’exercer une influence majeure sur l’architecture de la lutte contre le terrorisme des Nations Unies, et d’être saluée comme un partenaire de choix dans ce combat. Et ce, en dépit des graves violations des droits humains commises sur son sol et de sa politique internationale : bombardements indiscriminés au Yémen ; sanctions contre le Qatar ; rôle régulièrement allégué dans la propagation idéologique et matérielle de l’idéologie jihadiste...

En conclusion, le rapport propose une série de recommandations pour rationaliser le dispositif onusien de lutte contre le terrorisme et qu’il prenne enfin en compte la question des droits humains. Les efforts déployés pour combattre le terrorisme et l’extrémisme ne sauraient en effet être dévoyés pour permettre la persécution des défenseurs des droits humains, la répression de la société civile ou justifier la perpétration de graves crimes contre l’humanité.

Contact presse : Audrey Couprie / acouprie@fidh.org / +33 6 48 05 91 57 / +1 917 238 5192 (à New York)

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