UN TOURNANT DÉCISIF POUR LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME

11/01/2010
Communiqué
en fr

Le système de protection des droits humains en Europe fait l’objet d’un réexamen. Les États étudient actuellement la situation de la Cour européenne des droits de l’homme. Lors d’une conférence en février 2010, ils vont prendre des décisions qui pourraient aboutir à des réformes attendues afin de réduire le nombre d’affaires en attente auprès de la Cour. À l’inverse, ces décisions pourraient affaiblir un organe qui permet depuis 50 ans aux victimes de violations des droits humains en Europe d’obtenir réparation.

Les populations vivant en Europe (en tant que requérants potentiels auprès de la Cour) ont intérêt au moins autant que les États à ce que l’efficacité de la Cour soit garantie sur le long terme. Les États devraient donc informer le public sur les débats qui se tiennent à ce sujet et consulter la société civile à la veille de cette Conférence et tout au long du processus de réforme qui va en découler.

En Europe, 47 États ont accepté d’être liés par la Convention européenne des droits de l’homme. La surveillance du respect par les États des droits de quelques 800 millions de personnes, qui sont consacrés par cette Convention, incombe principalement à la Cour européenne des droits de l’homme, basée à Strasbourg.

La Cour prend des décisions contraignantes sur les cas où des individus estiment que leurs droits, consacrés par la Convention, ont été violés et que l’État ne leur a pas assuré de réparation. L’exécution des arrêts de la Cour est surveillée par le Comité des ministres qui représente les 47 États membres du Conseil de l’Europe.

Ce que nous voulons
L’amélioration du respect des droits humains par les 47 États membres du Conseil de l’Europe doit rester la priorité – dans plus de 80 p. cent de ses arrêts, la Cour a conclu que la Convention européenne des droits de l’homme avait été violée. Si les États respectaient les obligations clairement établies leur incombant en vertu de cette Convention, le nombre de requêtes adressées à la Cour diminuerait sensiblement.
La Cour est confrontée à des difficultés du fait de ses ressources limitées face au nombre très important de requêtes individuelles qui lui sont adressées (près de 50 000 requêtes en 2008) auquel s’ajoutent les affaires déjà en attente (plus de 110 000).
La Cour européenne des droits de l’homme doit être une juridiction solide, accessible pour les individus estimant que leurs droits consacrés par la Convention ont été violés et qui n’ont pas eu accès à une voie de recours, effective au niveau national. Cette Cour doit avoir la capacité de prendre dans un délai raisonnable une décision motivée quant à la recevabilité d’une requête ou rendre un arrêt étayé sur le fond de l’affaire. Les États doivent assurer à la Cour les ressources nécessaires pour un fonctionnement adéquat qui ne se fassent pas au détriment d’autres mécanismes de protection des droits humains du Conseil de l’Europe.

Ce qui doit changer

Protection nationale des droits humains
Les États doivent prendre des mesures concertées afin de garantir un meilleur respect des droits humains et doivent assurer des voies de recours effectives au niveau national lorsque des droits ont été violés.
Une meilleure application de la Convention au niveau national entraînerait un plus grand respect des droits humains dans l’ensemble de l’Europe et réduirait la nécessité pour des individus de s’adresser à la Cour afin d’obtenir réparation. Il y aurait moins de requêtes si les États appliquaient les arrêts de la Cour en fournissant des voies de recours effectives et des réparations et s’ils prenaient des mesures pour que ces violations ne se reproduisent plus. Par ailleurs, s’ils exécutaient non seulement les arrêts rendus à leur encontre mais également les normes élaborées dans toutes les décisions pertinentes prises à l’encontre d’autres États, cela permettrait de réduire le nombre de requêtes adressées à la Cour relatives à des questions à propos desquelles la Cour a déjà précisé la façon dont la Convention devait être appliquée (la moitié des arrêts rendus par la Cour depuis 50 ans concernent des cas « répétitifs »).

Réforme de la Cour
Toute réforme de la Cour européenne des droits de l’homme devrait garantir que :
• Le droit fondamental de pouvoir déposer une requête individuelle est préservé et qu’il n’est pas soumis à des
limites supplémentaires ;
• Un mécanisme efficace, équitable, uniforme, transparent et effectif de filtrage des requêtes est mis en place, de façon à écarter la très grande proportion (environ 90 p. cent) des requêtes qui ne sont pas recevables au regard des critères actuels ;
• Les arrêts sont rendus dans un délai raisonnable, en particulier dans les affaires où il y a urgence, ou qui soulèvent des questions répétitives, et pour lesquelles la jurisprudence de la Cour est claire, ainsi que celles qui sont générées par des problèmes systémiques ;
• La Cour bénéficie de ressources financières et humaines adéquates, sans que cela se fasse au détriment des budgets des autres mécanismes et organes des droits humains du Conseil de l’Europe ;
• Des solutions aux problèmes auxquels la Cour est confrontée, en particulier les diverses causes justifiant la non recevabilité des requêtes, sont élaborées sur la base d’une analyse approfondie et d’une évaluation transparente aussi bien des racines des problèmes que des réformes récentes et futures.

Le Comité des ministres
Le rôle incombant au Comité des ministres de surveiller l’exécution par les États des arrêts de la Cour doit être renforcé, et non pas affaibli. Ses méthodes devraient être davantage perfectionnées et, le cas échéant, le Comité devrait faire usage de pression politique. Le Service de l’exécution des arrêts qui soutient le Comité dans ce rôle doit être renforcé de manière urgente.

Ce qu’il faut, c’est de la volonté politique. Il faut que les 47 États membres du Conseil de l’Europe aient la volonté politique de respecter la Convention européenne des droits de l’homme, de garantir des recours effectifs au niveau national pour les violations des droits garantis par la Convention, de mettre en œuvre et de garantir l’exécution des arrêts de la Cour et de fournir des ressources adéquates à la Cour européenne des droits de l’homme et au Service de l’exécution des arrêts. Nous prenons note de l’Opinion récente du Comité directeur pour les droits de l’homme du Comité des ministres, des analyses du Président de la Cour et des propositions récentes du Groupe des Sages et de Lord Woolf.
Nous soutenons des propositions visant à :
• Aider les éventuels requérants devant la Cour à être mieux informés sur les critères de recevabilité ;
• Garantir une meilleure mise en œuvre de la Convention européenne des droits de l’homme par les États, notamment en améliorant les recours au niveau national, ou en instaurant des recours effectifs quand il n’en existe pas ; en assurant la traduction et la diffusion de la jurisprudence de la Cour et en procédant à l’examen de la législation nationale pour en évaluer la conformité avec la Convention ; et en engageant aussi bien les Parlements nationaux que les institutions des droits humains à participer à cet effort ;
• Garantir un haut niveau d’expertise et d’indépendance des juges de la Cour, par le biais de procédures de sélection ouvertes, minutieuses et transparentes ;
• Prendre des mesures à court terme efficaces pour traiter les dossiers en attente auprès de la Cour ;
• Augmenter les ressources et améliorer les méthodes relatives à la surveillance par le Comité des ministres de l’exécution des arrêts.

Nous nous opposons aux propositions qui :
• Limiteraient l’accessibilité à la Cour, telles que le fait d’imposer des frais aux requérants, ou d’ajouter de nouveaux critères de recevabilité plus restrictifs. Le manque de ressources ne devrait jamais être un obstacle pour pouvoir adresser une requête à la Cour ;
• Laisseraient à la Cour toute discrétion pour sélectionner les requêtes recevables sur lesquelles elle rendra un arrêt ;
• Affaibliraient les pouvoirs du Comité des ministres et du Service de l’exécution des arrêts en matière de surveillance de la mise en œuvre des arrêts de la Cour.

Il est nécessaire de réfléchir davantage aux préoccupations que soulèvent les propositions visant à :
• Permettre aux tribunaux nationaux de demander des avis consultatifs à la Cour européenne des droits de l’homme ;
• Simplifier les procédures d’amendement des clauses de la Convention relatives aux règles de fonctionnement et de procédure de la Cour.

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