Condamnation en appel d’un diplomate tortionnaire tunisien

25/09/2010
Communiqué
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Dans une décision historique rendue hier, la Cour d’assises de Meurthe et Moselle a condamné en appel Khaled Ben Saïd à 12 années de réclusion criminelle pour avoir ordonné des actes de torture à l’encontre de Mme Gharbi, les 11 et 12 octobre 1996, dans le commissariat de Jendouba, en Tunisie. Elle a aggravé ainsi la peine prononcée en première instance par la Cour d’assises du Bas-Rhin, le 15 décembre 2008.

« Cette condamnation emblématique vient rompre le cercle de l’impunité pour les crimes de torture commis en Tunisie. Les tortionnaires tunisiens ne sont désormais plus à l’abri de poursuites judiciaires. Cette décision des juges français établissant la culpabilité de Ben Saïd démontre que la raison d’Etat ne peut l’emporter sur le droit des victimes à obtenir justice », a déclaré Souhayr Belhassen, Présidente de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) [1].

Zoulaikha Gharbi, qui vit aujourd’hui en France aux côtés de son époux, réfugié politique, avait porté plainte en mai 2001 contre le diplomate, qu’elle avait reconnu comme le chef du commissariat de Jendouba où elle avait été torturée sous ses ordres, en octobre 1996. Informé de la procédure ouverte à son encontre, Khaled Ben Saïd s’était aussitôt enfui en Tunisie, où il continuerait aujourd’hui encore de travailler pour le Ministère de l’intérieur.

Madame et Monsieur Gharbi, parties civiles dans l’affaire Ben Saïd à la sortie du tribunal de Nancy après le verdict

« Le procès a mis en exergue l’institutionnalisation de la torture comme moyen de répression à l’encontre de toute voix dissidente et comme instrument de terreur » a déclaré Omar Mestiri, du Comité national des libertés en Tunisie (CNLT).

Manifestation devant la Cour d’assises de Nancy à l’ouverture du procès contre Ben Saïd

« Dans la période de restriction des libertés que traverse la France, ce verdict vient démontrer qu’il existe aussi une justice indépendante », a déclaré Me Eric Plouvier, avocat de Mme Gharbi

« Après avoir accusé les parties civiles de manipuler le dossier à des fins politiques, cet argument s’est retourné comme un boomerang contre la défense dont la stratégie a été mise en échec par une peine aggravée » a déclaré Me Patrick Baudouin, avocat de la FIDH et de la Ligue des droits de l’homme et du citoyen (LDH), qui s’étaient constituées parties civiles aux côtés de la partie civiles, et président d’honneur de la FIDH.

Cette décision vient rendre hommage au courage de Mme Gharbi qui pendant neuf années de procédure s’est battue pour enfin faire entendre la vérité.

«  Alors que la France a adopté récemment une loi controversée restreignant les possibilités de poursuites pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide, les juges ont ainsi réaffirmé l’importance de la compétence universelle comme instrument indispensable de la lutte contre l’impunité » a déclaré Jean-Pierre Dubois, président de la LDH [2].

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