Guide de la FIDH pour comprendre et utiliser la Cour Africaine des droits de l’Homme et des peuples

L’importance de la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples n’est plus à démontrer au vu de l’actualité vécue sur le continent. La création de la Cour a été l’aboutissement d’un long processus ; un si long chemin, construit grâce à la vision, à la conviction, à la détermination et au combat inlassable de femmes et d’hommes pétris d’un idéal tout à fait simple, la liberté dans la dignité, mais ô combien ardu à réaliser, à vivre, à conquérir et à sauvegarder toute une vie.
Il serait présomptueux de présenter en deux ou trois lignes la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples. Le présent guide en fait une présentation magistrale et démontre l’acuité de l’organe judiciaire régional.
Celui-ci vient couronner les patients efforts de tous les militants anonymes et connus depuis Lagos en 1961 où s’est tenu le Congrès africain sur la primauté du droit au moment où la plus grande partie du continent accédait à l’indépendance, jusqu’à Arusha où la Cour a aujourd’hui son siège, en une période où le peuple africain aspire à plus de bonne gouvernance et de démocratie.
Le volume des travaux de la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples donne une idée de l’importance et de l’activité future de la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples ; celle-ci arrive à point nommé pour donner plus d‘efficience au système de protection existant par l’adoption de décisions judiciaires obligatoires à l’égard des parties qui peuvent aboutir à une véritable sanction des violations et à une indemnisation des victimes qui verront ainsi leurs actions aboutir contre les auteurs de violations des droits de l’Homme.
Un tel renforcement du système africain de protection des droits humains nécessite toutefois un véritable engagement des Etats parties au Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples portant création de la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples conformément aux dispositions de son article 34.6 pour permettre le libre accès des citoyens et des ONG à la Cour.

Il faut donner un sens au lourd sacrifice financier que tous les Etats ont consenti depuis la ratification par eux tous de la Charte africaine des droits de l’Homme et du peuple jusqu’au démarrage effectif de la Cour.
La première édition du présent guide a été d’un apport fort appréciable pour la mise en place effective de la Cour par l’éclairage qu’il offre sur l’historique, l’architecture de la Cour et la procédure à suivre devant elle.
Cette seconde édition rendue nécessaire par la future fusion de la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples avec la Cour de justice de l’Union africaine est un précieux guide de référence pour les juristes, les ONG, les chercheurs, les étudiants et les militants des droits humains car il donne des notions clés pour pratiquer la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples et la future Cour africaine de justice et des droits de l‘Homme.

Modibo Tounty Guindo

Pourquoi un guide sur la Cour africaine ?

Depuis le 25 janvier 2004, date d’entrée en vigueur du Protocole créant la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples (Cour africaine ou Cour), l’Afrique compte un nouvel organe de protection des droits de l’Homme qui complète le rôle de la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples (Commission africaine). Lente dans sa mise en place effective, perturbée par la décision de l’Union africaine de fusionner la Cour africaine avec la Cour de justice de l’Union africaine, la Cour a rendu son premier jugement le 15 décembre 2009. Elle est donc opérationnelle jusqu’à la mise en place de la future Cour africaine de justice et des droits de l’Homme.
Ce guide a pour objectifs d’être informatif, pédagogique et facilement utilisable par toutes les personnes souhaitant en savoir plus sur le développement de la protection des droits de l’Homme sur le continent africain. Il apporte un éclairage approfondi et critique sur l’organisation et le fonctionnement de la Cour africaine.
Ce guide offre les outils pratiques nécessaires aux victimes de violations des droits de l’Homme en Afrique et aux défenseurs des droits de l’Homme pour qu’ils s’approprient et utilisent ce mécanisme en dénonçant les Etats africains qui ne respectent pas leur obligation de protection des droits de l’Homme. De leur mobilisation dépend en grande partie la crédibilité de la Cour africaine et son efficacité dans la lutte contre l’impunité sur le continent.

Quelle démarche ?

L’actualisation du premier guide de la FIDH sur la Cour africaine édité en 2004 voit le jour alors que la Cour devient opérationnelle. Elle est composée de 11 juges et d’un greffe. Elle siège à Arusha en Tanzanie. Son Règlement intérieur intérimaire a été adopté (à la date de publication de ce Guide, des ajustements devaient encore être effectués par la Cour pour harmoniser son Règlement intérieur avec celui de la Commission africaine). La Cour est donc en capacité de recevoir des plaintes qui dénoncent la violation des droits de l’Homme par un Etat partie à son Protocole.
Du fait de sa récente fonctionnalité, l’examen de la Cour africaine se fonde donc avant tout sur ses textes fondamentaux : son Protocole et son Règlement intérieur intérimaire – véritables documents de base qui permettent de répondre aux questions essentielles concernant le rôle, le fonctionnement et l’utilisation de la Cour. La démarche est ainsi analytique.
La démarche est ensuite comparative. Non seulement la Cour s’inspirera pour son activité contentieuse du travail de la Commission africaine - premier organe de protection des droits de l’Homme sur le continent - mais aussi de celui de ses homologues régionaux, la Cour européenne des droits de l’Homme créée en 1950 et la Cour interaméricaine des droits de l’Homme, établie en 1978. C’est en comparant ces mécanismes et en présentant leur transformation et adaptation pour affirmer leur rôle de protection des droits humains qu’on peut entrevoir le travail de la Cour africaine et ses éventuelles évolutions.

Quelle méthodologie ?

L’analyse de la Cour africaine a nécessité une étude approfondie des dispositions du Protocole à la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples portant création de la Cour et de son Règlement intérieur intérimaire et un examen des activités quasi-contentieuses de la Commission africaine. La comparaison du système africain avec les deux autres ensembles juridiques régionaux, la Cour européenne des droits de l’Homme et la Cour interaméricaine des droits de l’Homme, a été effectuée grâce à une recherche bibliographique et des entretiens avec des juristes, avocats et magistrats.

Comment utiliser ce guide ?

La première partie de ce guide se présente sous la forme de dix chapitres – dix clés
pour comprendre et utiliser la Cour africaine - s’articulant de manière cohérente et pouvant se lire de manière indépendante. Chaque chapitre répond à une question que l’on pourrait se poser sur la Cour africaine :
– Pourquoi et comment la Cour africaine a-t-elle été créée ?
– Qui la compose ?
– Quelles sont ses compétences ?
– Quels droits protège-t-elle ?
– Qui peut saisir la Cour ?
– Quelles conditions pour saisir la Cour ?
– Comment saisir la Cour ?
– Comment un procès se déroule-t-il ?
– Quelle place pour les victimes dans la procédure ?
– Quelle est la portée des décisions de la Cour ?

La seconde partie de ce guide est consacrée aux différences et similitudes entre la Cour africaine et les autres cours régionales des droits de l’Homme et aux enseignements qui peuvent en être tirés.
Une troisième partie s’attache à éclairer le mode de passage de la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples à la Cour africaine de justice et des droits de l’Homme tout en comparant le fonctionnement des deux Cours.

Droits protégés par la Cour

La Cour peut être saisie pour examiner des affaires liées aux violations des dispositions de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples de 1981, des protocoles à cette Charte, et de tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l’Homme ratifié par l’Etat en cause.

Compétence

La Cour a une triple compétence :
1. La compétence consultative de la Cour (art. 4 du Protocole) : la Cour peut donner un avis à la demande d’un Etat membre de l’UA ou d’une organisation reconnue par l’UA, sur les droits garanties par la Charte ou sur toute autre disposition d’un instrument juridique relatif aux droits de l’Homme.
2. Le règlement à l’amiable des conflits (art. 9 du Protocole) : La Cour « peut tenter » de régler à l’amiable les conflits avant d’engager une procédure contentieuse de règlement des différends.
3. La compétence contentieuse de la Cour (art. 3, 5, 6, 7 du Protocole).

 La Cour peut recevoir et traiter les requêtes émanant de la Commission africaine, d’un Etat partie au Protocole et de toute organisation internationale africaine, tendant à dénoncer la violation des droits de l’Homme par un Etat partie. Les ONG ayant le statut d’observateur auprès de la Commission africaine et les individus peuvent également saisir la Cour, si et seulement si l’Etat mis en cause dans la violation des droits de l’Homme a accepté une telle compétence, conformément à l’article 34.6 du Protocole. (Chapitre 4)
 La Cour est également compétente (art. 3 du Protocole) pour statuer sur tout différend porté à sa connaissance concernant l’interprétation des dispositions de la Charte et de tout autre instrument pertinent relatif aux droits de l’Homme ratifiés par les Etats concernés.

Procédure

Une des différences fondamentales de la Cour africaine par rapport à la Commission, qui examine les mêmes types de violations des droits de l’Homme, est la judiciarisation de la procédure d’examen des requêtes. Celle-ci permet la transparence dans le traitement des affaires, l’égalité des parties et leur représentation, selon les principes généraux du droit à un procès équitable reconnus par les traités régionaux et internationaux de protection des droits humains

Victimes

Le Protocole portant création de la Cour africaine réserve une place importante aux victimes en leur octroyant participation, représentation, protection et réparation. Ces dispositions complétées par le Règlement intérieur doivent être suivies par une pratique respectueuse des droits des victimes pour assurer l’efficacité de la Cour.

Décisions

Les décisions de la Cour africaine ont force obligatoire, contrairement aux communications de la Commission. En revanche, leur exécution dépend de la volonté des Etats.

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