Le droit à la santé au Salvador : un privilège aujourd’hui, un luxe demain

Paris, le 24 Mars 2004 - Médecins du Monde et la FIDH ont effectué conjointement en juillet 2003 une mission d’enquête sur le droit à la santé au Salvador. Cette mission faisait suite à une grève de neuf mois des médecins de la Sécurité sociale salvadorienne qui a paralysé tout le secteur de la santé. Le rapport présente un constat préoccupant sur l’accès aux soins au Salvador, situation qui risque d’être aggravée par le projet actuel de privatisation du secteur de la santé.

Situation actuelle du droit à la santé

Le rapport démontre que le gouvernement du Salvador ne respecte pas ses obligations internationales en matière de droit à la santé.

Par exemple, le Salvador souffre d’un grave déficit d’infrastructures de santé avec des disparités importantes entre zones urbaines et rurales, l’accès à l’eau potable est rare, les indices de malnutrition élevés.

De plus, les secteurs les plus vulnérables de la population éprouvent les plus grandes difficultés à accéder aux soins.

La mission a notamment constaté de nombreuses discriminations envers les personnes porteuses du VIH/sida, notamment en ce qui concerne la confidentialité du diagnostic, l’accès aux traitements et à l’emploi. Le gouvernement salvadorien ne prend pas les dispositions que la gravité de l’épidémie mériterait. La loi dite « Loi sur la Prévention et le Contrôle de l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine » du 24 octobre 2001 stipule par exemple que « l’abstinence et la fidélité mutuelle constituent les seuls moyens de prévention fiable... » (art. 24).

D’une manière générale, l’accès à l’information concernant la santé sexuelle est extrêmement limité et les femmes sont particulièrement concernées : il n’existe pas de planning familial, ni de campagnes d’information sur les IST (infections sexuellement transmissibles), la fourniture de contraceptifs est sporadique et hasardeuse.

Le rapport souligne également les discriminations envers les franges les plus pauvres de la population qui ne peuvent pas payer les soins les plus élémentaires et dont l’accès aux médicaments est limité : le Salvador ne mène aucune politique publique de production de médicaments génériques et n’envisage pas non plus l’ouverture de son marché interne aux génériques de marque ou à l’achat de génériques au niveau international.

Cette discrimination envers les plus pauvres est d’autant plus révoltante que la Constitution du Salvador, plutôt progressiste, affirme dans son article 66 que « l’Etat portera gratuitement assistance aux malades dépourvus de ressources ».

Inquiétudes causées par le projet de privatisation

La situation du secteur de la santé ne semble pas devoir s’améliorer face aux projets de réformes du gouvernement actuel. En effet, sous l’influence de la Banque mondiale et de la Banque interaméricaine du développement, le gouvernement a prévu des réformes dont l’application supposerait la perte de droits pour plus d’un million d’assurés à la Sécurité sociale (Instituto del Seguro Social Salvadoreno- ISSS) ainsi que l’exclusion de l’accès aux soins pour la majorité des Salvadoriens, qui n’ont pas les moyens de payer pour leur santé.

Le rapport conclut à un non respect du droit à la santé par l’Etat du Salvador, alors même que celui-ci dispose des ressources suffisantes pour en assurer l’exercice.

Face à ce constat, MDM et la FIDH émettent un certain nombre de recommandations tant aux autorités salvadoriennes qu’aux institutions financières internationales.

Médecins du Monde et la FIDH souhaitent ainsi rappeler l’importance de défendre un système de santé basé sur la solidarité et la non-discrimination et souligner l’importance de considérer la santé comme un véritable droit, dont tout citoyen est titulaire, et dont l’Etat est le principal garant.

Médecins du Monde et la FIDH appellent enfin le nouveau gouvernement du Salvador à suivre les recommandations contenues dans le rapport.

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