Les 33 de Gafsa : Un verdict sans procès

15/12/2008
Communiqué

Paris-Genève, le 13 décembre 2008. L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, un programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), condamne fermement le simulacre de procès dans l’affaire dite « des 38 de Gafsa ».

Le 11 décembre 2008, la Chambre criminelle du Tribunal de première instance de Gafsa a prononcé son verdict contre 38 prévenus, dirigeants d’un mouvement de protestation sociale qui secoue le bassin minier depuis janvier 2008. Ce mouvement a été violemment réprimé par les autorités tunisiennes, donnant lieu à trois morts, plus de 200 personnes ont été poursuivies dans le cadre de procès qui se sont affranchis du respect des droits élémentaires de la défense, et des dizaines de personnes ont été victimes de violences de la part des forces de police. Ce dernier procès vise les dirigeants du mouvement qui étaient poursuivis pour « participation à une entente criminelle en vue de commettre des attentats contre les personnes et les biens, rébellion armée commise par plus de dix personnes et troubles à l’ordre public ».

33 des prévenus ont été condamnés à des peines allant de deux ans d’emprisonnement avec sursis à douze ans de prison. Cinq personnes ont été relaxées. Ce procès, qui avait commencé le 4 décembre 2008, puis reporté au 11 décembre 2008, a fait l’économie du respect des droits de la défense. Le verdict a été rendu en l’absence de plaidoirie de la défense et d’interrogatoire des prévenus.

Le président de la Chambre criminelle a refusé de convoquer les témoins de la défense, de présenter aux accusés les pièces à charge « saisies » par la police et utilisées pour étayer l’accusation, et d’ordonner une expertise médicale qui pourrait prouver la torture à l’encontre des accusés. Les avocats de la défense ont alors contesté cette décision et les prévenus ont refusé d’être auditionnés tant que ces questions préalables n’avaient pas été débattues en audience. L’audience a été suspendue vers 11h30. Vers 19h15, une foule de policiers a encerclé et envahi le Palais de justice.

Enfin, à 22h30, au terme de près de 12 heures de suspension, trois juges sur les cinq ont repris leur place dans la salle d’audience. Interrompu lors de la lecture du délibéré, le Président du tribunal a alors invité les avocats à en prendre connaissance auprès du greffier.

Me Antoine Aussedat, observateur mandaté par l’Observatoire, le Réseau euro-méditerranéen des droits de l’Homme et le Barreau de Paris, a assisté au procès. A l’issue de celui-ci, il a déclaré qu’ « il serait ridicule et indécent d’utiliser le mot « justice » même accolé à celui de « parodie » pour qualifier l’audience du 11 décembre 2008 ».

L’Observatoire exprime sa préoccupation suite à ces condamnations et considère qu’elles visent uniquement à sanctionner la liberté de réunion pacifique et les activités de défense des droits de l’Homme des dirigeants du mouvement de Gafsa.

Préoccupé par la répression quasi-systématique par les autorités tunisiennes de toute personne qui promeut et défend les droits de l’Homme, l’Observatoire prie celles-ci de cesser tout acte de répression envers l’ensemble des défenseurs des droits de l’Homme, de se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998, et, plus généralement, se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par la Tunisie.

Lire la suite