Déclaration de la FIDH à l’ouverture de la septième session de l’Assemblée des Etats parties

Monsieur le Président,
Excellences,
Mesdames et Messieurs,

J’ai l’honneur de m’adresser à votre Assemblée au nom de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme et de ses 155 organisations membres dans plus de 100 pays.

Cette année, la Cour a célébré le 10ème anniversaire du Statut de Rome. L’année 2008 a connu également des événements qui ont marqué une étape significative dans l’évolution de la CPI.

Il s’agit notamment de l’arrestation de Jean-Pierre Bemba, ancien vice-président et sénateur de la RDC, président et commandant en chef du Mouvement de Libération du Congo. Le mouvement associatif des droits de l’Homme dans son ensemble a apprécié à juste titre cette arrestation et espère que d’autres auteurs de violations graves commises en République Centrafricaine seront déférés devant la CPI.

L’affaire Bemba, ainsi que la décision récente de confirmer des charges dans l’affaire Katanga et Ngudjolo, font preuve de la capacité de la Cour de mettre en œuvre les dispositions avancées du Statut sur la poursuite des crimes sexuels.

De même, au mois de juillet, le Procureur a demandé à ce que soit délivré un mandat d’arrêt contre un chef d’État en exercice, le Président du Soudan Omar el-Béchir, ce qui constitue une étape cruciale dans la mise en œuvre du Statut de Rome, et apparait comme une promesse de justice pour les victimes du conflit dévastateur au Darfour.

La FIDH a également constaté avec une grande satisfaction la mise en œuvre d’une nouvelle politique du Bureau du Procureur, concernant la communication publique sur les situations sous analyse (en particulier, pour la Colombie et la Géorgie), ce qui pourrait contribuer à maximiser l’impact dissuasif de l’action de la Cour, et motiver les États à engager des poursuites au niveau national.

Par ailleurs, la FIDH souhaite attirer votre attention sur certains aspects qui continuent de préoccuper notre organisation, en ce qu’ils limitent l’efficacité entière de la Cour.

En premier lieu, la FIDH appelle tous les États parties à réaffirmer leur ferme engagement de coopérer pleinement avec la CPI, y compris par le biais de l’appui politique et diplomatique. Nous saluons en particulier la coopération efficace de la Belgique dans une affaire récente. En effet, la FIDH attire votre attention sur le fait qu’il est nécessaire de s’engager dans des efforts concrets pour exécuter les mandats d’arrêt ainsi que de condamner fermement l’absence de coopération de certains États, notamment le Soudan. A cet égard, nous pensons que l’exécution de mandats d’arrêt contribuerait certainement à prévenir la commission de nouvelles exactions. Notamment, comme vous le savez, l’est de la RDC vit depuis quelques semaines dans une situation dramatique. L’exécution des mandats d’arrêts émis à l’encontre Joseph Kony et Bosco Ntganda auraient pu contribuer à éviter la montée récente de violence.

En second lieu, la FIDH a suivi de près cette année les processus d’élaboration d’une stratégie sur les victimes. Nous sommes certainement déçus du fait que la Cour ne soit pas en mesure de soumettre un document final à cette session de l’Assemblée. Les dispositions novatrices du Statut de Rome resteront lettre morte si la CPI ne se donne pas de stratégie efficace pour atteindre ses objectifs dans ce domaine. Nous appelons votre Assemblée à demander à la Cour de finaliser la stratégie pour les victimes et de la soumettre à la prochaine session.

Par ailleurs, la FIDH est préoccupée du manque d’un système adéquat d’aide judiciaire pour les victimes. En effet, cela porte atteinte à la capacité des victimes d’exercer leurs droits de manière efficace. Nous appelons votre Assemblée à demander à la Cour de réviser le système d’aide judiciaire pour les victimes au cours de l’année 2009, en consultation notamment avec la société civile.

En outre, la FIDH souhaite saluer les avancées que le Fonds au profit des victimes a connu en 2008. Le mandat de ce Fonds est intimement lié au mandat de la Cour et, son succès contribuera donc en grande mesure au succès de la CPI. Il est indispensable que dans l’année à venir le Fonds prenne des mesures visant à accroître sa visibilité, par rapport aux activités déjà entreprises, mais également par rapport aux futurs projets d’assistance. En outre, il est nécessaire que le Fonds veille à la préparation de la mise en œuvre des ordonnances de réparation. Par ailleurs, nous appelons les Etats parties à verser des contributions volontaires régulières pour permettre au Fonds de continuer d’assister les victimes des conflits dévastateurs que connaît la Cour.

Enfin, si nous avons constaté certaines avancées dans le domaine de la sensibilisation et de l’information publique, la FIDH soutient que ces efforts doivent continuer à s’intensifier en 2009. A ce propos, au cours d’une mission récente, la FIDH a remarqué que la Cour n’a engagé que très peu d’activités de sensibilisation en République Centrafricaine, alors qu’une enquête a été ouverte en 2007 et que la première confirmation de charges doit se tenir dans quelques semaines. De même, nous constatons que la Cour doit intensifier ses activités de sensibilisation et d’information publique par rapport à la situation au Darfour ; elle doit être en mesure de répondre aux attaques proférées à son encontre : une justice occidentale, une Cour anti-africaine.

L’ensemble de ces questions, et bien d’autres, feront l’objet de discussions au cours des jours qui viennent. Nous suivrons ces débats avec beaucoup d’attention.

Je vous remercie de votre attention.

par Paul Nsapu, Secrétaire général de la FIDH

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