Intervention orale Examen périodique universel ITEM 6

Monsieur le Président, mesdames, messieurs,

La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme a soumis 13 rapports et accompagné 7 de ses organisations membres pour observer les débats, et a fait d’une de ses priorités la mise en place d’un mécansime efficace, disposant d’une véritable valeur ajoutée par rapport aux mécanismes existants, et permettant de renforcer la mise en oeuvre des droits de l’Homme au niveau local.

Les deux premières sessions de l’examen périodique universel ont fourni une succession d’exemples d’avantages et de limites que représente ce nouveau mécanisme. Alors qu’il est amené à ce peaufiner et ce préciser avec l’expérience, des tendances se dégagent qui permettent d’ores et déjà de tirer quelques leçons.

Tou d’abord, soulignons quelques unes des avancées :
Premièrement, l’état s’engage. Nous avons vu a de nombreuses reprises des Etats, disposant de problèmes sérieux dans certains domaines, s’engager publiquement à les résoudre, en adoptant telle ou telle mesure. Ces engagements sont fondamentaux, car chaque pas, chaque engagement, est une avancée dans la réalisation des droits de l’Homme.
Deuxièmement, l’universalité des droits de l’Homme est renforcée. C’est la première fois que l’organe intergouvernemental des Nations unies en charge des droits de l’Homme s’arrête sur les défis de réalisation des droits de l’Homme en Finlande ou en Inde, pour ne citer que deux des pays passés à l’examen. L’universalité est aussi renforcée car on écarte une fois pour toute l’argument selon lequel les droits de l’Homme sont une affaire purement interne. Ici, chaque état sera amené à exposer sa situation nationale sous l’oeil de la critique internationale.

Néanmoins malgré les avancées, l’EPU n’est pas un exercice sans risque, et il incombe de les souligner afin de répondre aux nouveaux besoins :
Tout d’abord, cet exercice demande un travail phénoménal à chaque délégation participant au groupe de travail. Nous n’en sommes qu’aux prémices des examens mais déjà, plusieurs délégations ont pris la mesure de la tâche, avec trois rapports à lire et analyser pour chaque demi-journée d’un groupe de travail. C’est un exercice extrêmement ambitieux auquel les délégations ne sont pas nécessairement en capacité de répondre.
Ensuite, l’exercice a démontré que l’évaluation entreprise par certains états de la situation d’autres états pouvait être partiale. Certains états n’ont souligné que des avancées sans souligner les défis. Dans d’autres cas, les constats dressés étaient singulièrement éronés, en contradiction avec ce que disent les organes des traités ou les rapporteurs spéciaux sur ce même pays. Il y a là un risque que la situation des droits de l’Homme dans un pays face l’objet d’une nouvelle évaluation, plus politique ou plutôt politisée, voire éminemment politisée, qui se substitue à celle formulée par des experts.
Troisièmement, les deux premières sessions ont démontré que certaines catégories de droits prenaient le risque de n’être pas mentionnés. Ainsi, les droits économiques, sociaux et culturels ont été sous-traités par rapport aux droits civils et politiques. Si les droits de la femme ont fait l’objet d’une attention soutenue, les droits des minorités ont été souvent écartés. On pourrait multiplier les exemples.
Enfin, certains droits ont été publiquement remis en cause. Ainsi, le droit de ne pas être discriminé en raison de son orientation sexuelle a été dénoncé comme ne faisant pas partie du corpus de référence découlant de la déclaration universelle des droits de l’Homme, en contradiction avec toute la jurisprudence sur ce sujet développée par les rapporteurs spéciaux et organes des traités, autant d’organes indépendants en matière de droits de l’Homme.

Face à ces risques, la FIDH tient à adresser aux Etats participant au groupe de travail de l’EPU des recommandations spécifiques :
1. pour éviter la politisation des débats, exercice délicat en ce que l’on demande à un Etat – par définition politique- de dresser une évaluation indépendante, chaque intervention sur un pays devrait comporter à la fois des remarques sur les avancées comme sur les défis. Cette approche est d’ailleurs celle retenue par les organes des traités lorsqu’ils évaluent la mise en oeuvre d’une convention dans un Etat membre.
Deuxièment, pour éviter de se substituer ou de remplacer l’évaluation des organes des traités et des rapporteurs spéciaux, chaque intervention devrait se baser sur les conclusions et les recommandations des experts existants, afin de demander quel suivi leur a été apporté. En appuyant ainsi leurs conclusions, l’EPU serait alors pleinement orienté vers le renforcement des mécanismes existants.
Troisièment, afin de « dépolitiser » les évaluations, nous renouvelons notre appel que chaque délégation d’un état membre au Groupe de travail de l’EPU se dote d’un expert indépendant, pour procéder en leur nom à l’évaluation. Un fonds d’aide aux délégations pourrait être envisagé pour répondre aux besoins des délégations sous-équipées, dans la mesure et seulement si un expert indépendant était nommé.
Enfin, afin d’assister le groupe de travail dans les questions juridiques posées par certaines délégations sur les frontières des droits de l’Homme, nous proposons qu’un pool d’experts, composé de représentants des organes des traités et des rapporteurs spéciaux, soit désigné par leurs pairs, une manière de tirer vers le haut les discussions d’interprétation qui opposent certains Etats membres du Conseil.

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