Les droits de l’Homme en Tunisie

Examen Périodique Universel (EPU)
Première Session 7-18 Avril 2008
Les droits de l’Homme en Tunisie

Fédération Internationale des ligues des Droits de l’Homme (FIDH) - Conseil national pour les libertés en Tunisie (CNLT) - Ligue tunisienne des droits de l’Homme (LTDH)

Les organisations signataires constatent la persistance de violations massives des principales libertés fondamentales et notent le manque flagrant de coopération des autorités tunisiennes avec les mécanismes de droits de l’Homme onusiens depuis plusieurs années. L’unique visite acceptée par la Tunisie est celle du Rapporteur spécial sur la liberté d’expression et d’opinion qui a pu effectuer une visite en 1999. Depuis cette date, les demandes réitérées par le Rapporteur spécial contre la torture1, le Rapporteur spécial sur les exécutions sommaires2, Rapporteur spécial sur l’indépendance des juges et des avocats, la Représentante spéciale du Secrétaire-général sur les défenseurs des droits de l’Homme3 le Rapporteur spécial sur le respect des droits de l’Homme dans la lutte contre le terrorisme4, et le rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’expression, demeurent sans réponse depuis de nombreuses années. Les principales tendances de ces violations sont présentées ci-dessous.

Atteintes au principe de l’indépendance des juges et des avocats
En 1994, le Comité des droits de l’Homme5 recommandait aux autorités tunisiennes « que des dispositions soient prises pour renforcer l’indépendance de l’appareil judiciaire, en particulier vis-à-vis du pouvoir exécutif ». Or, presque quinze après, l’instrumentalisation de l’appareil judiciaire par les autorités tunisiennes demeure la règle et révèle l’absence totale d’indépendance du judiciaire en Tunisie. En effet, les autorités sont fréquemment à l’origine de plaintes contre les organisations de défense des droits de l’Homme et contre tout mouvement critique à l’encontre de la politique du régime. L’implication des autorités dans les procès contre les ONG indépendantes de droits de l’Homme était déjà dénoncée en 2002 par Mme Hina Jilani, Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations unies sur les défenseurs des droits de l’Homme, dans une affaire concernant des poursuites contre des organisations de la société civile6. Le feuilleton judiciaire empêchant la Ligue tunisienne des droits de l’Homme et ses sections d’organiser leur congrès depuis plusieurs années, les nombreux procès contre les journalistes, les avocats et les magistrats, ont pour corollaire le déni d’accès à la justice auquel fait face la société civile. De même, les dizaines de plaintes déposées par les défenseurs des droits de Homme restent sans suite sont autant d’indices de cette instrumentalisation7.
Par ailleurs, le statut du Conseil Supérieur de la Magistrature est loin d’être approprié à l’objectif qui lui est assigné, à savoir la garantie de l’indépendance des magistrats. Il procède davantage de la nomination par le pouvoir exécutif que de la représentation élective des magistrats.
La promulgation d’une nouvelle loi relative au système judiciaire, au Conseil supérieur de la Magistrature (CSM) et au statut des magistrats, le 4 août 2005 a « restreint l’indépendance des magistrats », comme le Rapporteur spécial des Nations unies sur l’indépendance des juges et des avocats l’a rappelé en mars 2006. Le principe d’inamovibilité n’est toujours pas garanti et les magistrats peuvent faire l’objet d’une mutation à tout moment et en toute légalité, sans possibilité de contestation devant une instance judiciaire. Ainsi, au lendemain de la promulgation de la loi, pas moins d’une trentaine de membres de l’Association des Magistrats Tunisiens (AMT) ont été mutés, leur faisant par la même perdre leur qualité représentative au sein de l’association. , Depuis l’élection de son nouveau bureau exécutif lors du congrès de décembre 2004, l’AMT a dû faire face à diverses autres entraves à ses activités et plusieurs de ses membres ont été victimes d’actes d’intimidation : empêchement de la tenue de réunions, confiscation du local de l’association et ou encore interdiction à ses membres de voyager, etc. Ces mesures ont pour objet de sanctionner les magistrats qui ont décidé de s’engager dans la défense de l’autonomie de l’AMT et ont fait suite au vote d’une motion générale lors du 10ème congrès de l’association, en décembre 2004, présentant des revendications institutionnelles visant à garantir l’indépendance de la justice. En outre, le 31 mai 2005, l’AMT a publié un mémorandum dans lequel il soulignait l’urgence de réformer profondément le CSM, notamment en établissant le principe du choix de la majorité de ses membres par voie d’élections. Aujourd’hui, il existe deux formations de l’AMT : l’AMT légitime élue suite au congrès de 2004 et l’AMT nouvellement élue.

Suite à ces événements, le président de l’AMT et d’autres membres ont décidé de porter l’affaire devant la justice. L’affaire a été systématiquement rejetée jusqu’à ce jour. En mai 2007 un débat relatif au corps judiciaire a eu lieu à la Chambre des Députés, entre le Ministre de la Justice et des Droits de l’homme et les parlementaires. À cette occasion le sort du AMT a été soulevé et le gouvernement a nié toute ingérence8. L’interdiction de fonctionnement de l’AMT, comme les actes de harcèlement à l’encontre de ses membres, témoignent de la volonté délibérée des autorités de maintenir leur influence sur les juges et magistrats tunisiens.
Les avocats sont également la cible d’une répression policière et judiciaire violente et quotidienne. Ainsi, tous les avocats engagés dans la défense des droits humains subissent agressions physiques et verbales systématiques, cambriolages et actes d’intimidation : Abdelfettah Ben Moussa, alors Bâtonnier du Conseil National des Avocats Tunisiens, s’est fait agressé à plusieurs reprises ; le cabinet de Me Ayachi Hammami a été victime d’un incendie ; Me Raouf Ayadi s’est fait agressé par la police politique au sein du Palais de Justice. La pression psychologique pesant sur les avocats est quotidienne. Les autorités ont rédigé une liste noire d’avocats interdits de travailler pour les entreprises publiques et des policiers sont postés devant les cabinets de ces avocats pour intimider leur éventuelle clientèle. .
Enfin, les organisations signataires souhaitent rappeler que le Rapporteur spécial des Nations unies sur l’indépendance des juges et des avocats demande depuis plusieurs années à pouvoir se rendre en Tunisie afin d’enquêter sur le fonctionnement du système judiciaire tunisien. La Tunisie n’a toujours pas autorisé cette visite.

Atteintes à la liberté d’association9
La FIDH, le CNLT et la LTDH regrettent que les recommandations du Rapporteur Spécial des Nations Unies sur la liberté d’expression et d’opinion formulées à la suite d’une visite réalisée en 1999 n’aient toujours pas été mises en oeuvre par les autorités tunisiennes. En particulier, le Rapporteur Spécial recommandait au Gouvernement tunisien de rendre la loi sur les associations plus flexible en vue de faciliter la création d’ONGs indépendantes ; d’octroyer un statut légal aux ONGs opérant clandestinement ; de garantir l’indépendance et le bon fonctionnement des associations et des corps professionnels existants, en particulier les associations de droits de l’Homme et les associations de médias.
La FIDH, le CNLT et la LTDH regrettent également que la recommandation du Comité des droits de l’Homme invitant les autorités tunisiennes à prendre « des mesures (...) pour mieux soutenir les organisations non gouvernementales de défense des droits de l’homme en Tunisie » soit restée lettre morte.
En effet, la liberté d’association en Tunisie demeure profondément entravée par la non-reconnaissance persistante de nombreuses organisations indépendantes (Conseil national pour les libertés en Tunisie (CNLT), organisation membre de la FIDH, le Rassemblement pour une alternative internationale de développement (RAID-Attac Tunisie) l’Observatoire pour la défense des libertés de la presse, de l’édition et de la création (OLPEC), le Centre tunisien pour l’indépendance de la justice et des avocats (CIJA), l’Association internationale de soutien aux prisonniers politiques (AISSP), l’Association de lutte contre la torture (ALTT), ou encore, le Syndicat des journalistes tunisiens (SJT), etc.).
Nous regrettons que depuis 1989, aucune organisation non-gouvernementale indépendante n’ait été enregistrée. Parmi les 9000 ONGs que compterait la Tunisie, seulement 10 seraient indépendantes. Les autorités n’entendent donc pas relâcher la pression sur la société civile, malgré plusieurs signes extérieurs de "bonne conduite", comme le projet de création d’une "Journée nationale des associations" ou le financement d’organisations dites indépendantes – mais toujours très liées au pouvoir.
Par ailleurs, la reconnaissance dont bénéficie certaines organisations ne les protège pas des actes de harcèlement judiciaire et policier mis en place par les autorités afin d’entraver leur action. Ces ONG n’ont pratiquement pas le droit aux espaces publics, ni aux espaces privés autres que leurs locaux, comme c’est le cas pour l’ATFD et la Ligue tunisienne des droits de l’Homme (LTDH). L’exemple de la situation de la LTDH et de ses sections, systématiquement empêchées de tenir leur congrès et de mener correctement leurs activités depuis 2005, illustre parfaitement le refus des autorités de permettre aux ONG indépendantes d’exercer normalement leurs activités.

Atteintes à la liberté de réunion10
La FIDH, le CNLT et la LTDH regrettent que les recommandations du Rapporteur Spécial des Nations Unies sur la liberté d’expression et d’opinion n’aient toujours pas été mises en oeuvre par les autorités tunisiennes, en particulier la recommandation de garantir l’indépendance et le bon fonctionnement des associations et des corps professionnels existants, en particulier les associations de droits de l’Homme et les associations de médias.
La société civile indépendante tunisienne continue de subir des atteintes diverses à sa liberté de réunion. De nombreuses organisations incluant la LTDH, le CNLT, l’ATFD peuvent témoigner des pressions continues exercées par les autorités sur les établissements privés afin de les inciter à ne pas louer leurs salles à des organisations indépendantes et du blocage quasi-systématique de l’accès aux locaux des associations et aux lieux de réunion ad hoc par les forces de police, et de la multiplication des procédures judiciaires pour vice de bail introduites contre les organisations de la société civile, etc.
Par ailleurs, depuis le 8 juin 2007, date à laquelle la police tunisienne a saccagé les bureaux du CNLT, détruisant d’importants documents ainsi qu’une grande partie de son matériel informatique, les intimidations de la police politique envers les membres du CNLT et d’autres organisations de défense des droits de l’Homme ne cessent de s’intensifier.

Atteintes à la liberté d’expression et à la liberté de la presse1112
La FIDH, le CNLT et la LTDH regrettent que les recommandations du Rapporteur Spécial des Nations Unies sur la liberté d’expression et d’opinion n’aient toujours pas été mises en oeuvre par les autorités tunisiennes. En effet, le Rapporteur Spécial demandait au Gouvernement de mettre un terme aux actes intimidation et de harcèlement des personnes qui cherchent à exercer leur droit à la liberté d’expression et d’opinion, en particulier les défenseurs des droits de l’Homme, les syndicalistes, les avocats et les journalistes qui seraient commis par les autorités.
En 1994, le Comité des droits de l’Homme regrettait que la dissidence et la critique envers le gouvernement ne soient pas pleinement tolérées en Tunisie et qu’en conséquence un certain nombre de libertés fondamentales garanties par le Pacte ne soient pas pleinement exercées dans la pratique. En 2006 et 2007, la liberté d’expression et la liberté de la presse demeurent théoriques.
La presse et les journalistes indépendants sont la cible de mesures répressives, et le droit à la liberté d’expression est quasi systématiquement bafoué sur le territoire tunisien. Plusieurs personnalités et rédactions ont été particulièrement ciblées par les autorités ces derniers mois.
Ainsi, , M. Lotfi Hajji, président du Syndicat des journalistes tunisiens (SJT) et correspondant d’Al-Jazeera, Slim Boukhdhir, Lotfi Hidouri, etc. ont été agressés de nombreuses fois.
Les forces de police ont plusieurs fois empêché avec violence des journalistes de participer à des conférences de presse. Par exemple, le 8 mars 2007 des policiers ont entouré le siège du CNLT afin d’y bloquer les accès et ils ont agressé et brutalisé le journaliste du journal Al Mawkif, M. Mohammed Hamrouni ainsi que M. Sahabi Smara, journaliste pour l’hebdomadaire Muwatinun.
La comparution le 2 août 2007 de M. Omar Mestiri, directeur de rédaction du journal en ligne « Kalima », représente un autre cas de violation de la liberté d’expression. Le procès en diffamation contre Omar Mestiri, s’est finalement achevé par l’arrêt des poursuites après le retrait de la plainte par le plaignant, prononcé le 31 août13 . Pourtant, les harcèlements contre Omar Mestiri ne se sont pas arrêtés14.

Cas individuels de répression des défenseurs des droits de l’Homme15En 2006 et 2007, plusieurs incidents ont pu être relevés par les organisations signataires.
Le harcèlement subi à titre individuel par les défenseurs des droits de l’Homme en Tunisie se manifeste sous diverses formes : dépôt de plaintes iniques devant les tribunaux tunisiens, surveillance continue des moyens de communication, restrictions de voyage, refus de renouveler les documents de voyage, agressions physiques et verbales des défenseurs et de leur famille, menaces, campagnes de diffamation, privation de ressources par divers moyens, etc. Ces actes de harcèlement visent à mettre fin aux activités de dénonciation des violations menées par différents acteurs de la société civile.
La liste, non exhaustive, des défenseurs ayant été victimes de la répression ou du harcèlement des autorités en 2006 et/ou 2007 illustre ce phénomène : Mme Souhayr Belhassen, M. Ali Ben Salem, Me Mokhtar Trifi et Me Salaheddine Jourchi, Me Ayachi Hammami, M. Tawfiq Mezni, Maître Mohammad Abbou, Mme Samia Abbou, M. Slim Boukhdir, M. Taoufik Al-Ayachi, Mme Radhia Nassraoui, M. Abderrahman Hedhili, M. Mongi Ben Salah, Me Raouf Ayadi, Lotfi Hidouri, Lassad Jouhri, Zouhayr Makhlouf, etc. Et récemment, du 1er novembre au 14 novembre 2007, Maître Mohamed Ennouri, Président de l’Association Liberté et Equité et M. Slim Boukdhir, journaliste engagé pour la cause de l’indépendance de la presse et du droit à la liberté d’expression, ont été en grève de la faim pour protester contre le refus des autorités de leur délivrer un passeport.

Violations des droits de l’Homme dans le cadre de la lutte contre le terrorisme16
En 2003, le gouvernement tunisien a promulgué une loi spéciale sur le terrorisme intitulée « Loi relative au soutien des efforts internationaux de lutte contre le terrorisme et à la répression du blanchiment d’argent ». Ce nouveau code élargit encore plus la définition du terrorisme et restreint davantage les garanties des accusés.
La FIDH, le CNLT et la LTDH regrettent que le Gouvernement tunisien n’ ait pas répondu à la demande de visite du Rapporteur Spécial sur la Torture et du Rapporteur spécial sur le respect des droits de l’Homme dans la lutte contre le terrorisme. En Tunisie, la lutte contre le terrorisme est caractérisée par deux traits principaux : son instrumentalisation comme arme de répression contre tout mouvement de protestation indépendant du gouvernement et le recours à la torture.
Tous les acteurs de la société civile sont visés : défenseurs des droits de l’Homme, journalistes, militants étudiants, cadres des partis politiques d’opposition, avocats, etc. En outre, la menace de poursuites conduit trop souvent à l’autocensure de nombres d’acteurs de la société civile tunisienne.
Comme l’observe le CNLT dans son rapport d’avril 2007 sur l’instrumentalisation politique de la loi anti-terroriste, dans la majorité des cas relevant de la loi anti-terroriste, aucune preuve d’acte ou de projet violent n’a pu être établie au cours des procès , tandis que le cours de l’instruction s’est d’avantage fondé sur les présumées opinions et convictions religieuses des prévenus que sur la recherche d’ éléments de preuves établissant des actes illicites . Ainsi, la loi anti-terroriste de 2003 est utilisée comme une arme de répression des militants engagés dans les milieux politique, social et associatif. Depuis plusieurs semaines les arrestations et poursuites ne cessent de se multiplier. Comme illustration, nous pouvons citer les cas très récents de Mohamed Yacine Jelassi, Abdeslam Laarayedh,Wahid Brahmi, Chahine Essafi, Yacine Bellil et Lassaâd Mermech.
Cette « lutte contre terrorisme » a également conduit à une recrudescence des actes de torture. En effet, la quasi-totalité de ceux qui ont été arrêtés en vertu de la loi anti-terroriste se sont plaints d’avoir été torturés lors d’interrogatoires.
Le Comité des droits de l’Homme en 1994 et le Comité contre la torture en 1998 s’inquiétaient déjà des nombreuses « informations faisant état de tortures et de mauvais traitements infligés aux détenus ». Les Comités recommandaient vivement « un contrôle plus strict du processus d’arrestation et de détention et des enquêtes systématiques, rapides et transparentes sur les allégations ; les auteurs de violations doivent être poursuivis et châtiés et des moyens de recours doivent être offerts aux victimes ». Il recommandait de « veiller à respecter scrupuleusement les procédures d’enregistrement, y compris la notification rapide des familles des personnes placées en détention, et le délai de 10 jours imparti à la détention préventive ». Il ajoutait également « prendre des mesures pour qu’il soit procédé automatiquement à un examen médical dès qu’il y a allégation de mauvais traitements ainsi qu’à une autopsie complète lorsqu’un décès se produit en cours de détention. Chaque fois qu’une enquête est menée, les conclusions devraient en être rendues publiques ». La FIDH regrette que, plus de dix ans plus tard, ces recommandations soient toujours d’actualité.
Depuis la promulgation de la loi de 2003, de nombreuses violations des droits humains ont été enregistrées : arrestations sans mandat et en dehors des horaires prescrits par la loi, faux procès-verbaux visant à prolonger les délais de garde à vue17, détentions au secret18, refus d’informer les familles sur le sort des personnes arrêtées. Plusieurs fois les familles des accusés, parfois des mineurs, ont été pris comme otages dans les cas où la personne recherchée était hors de son domicile19.
Par ailleurs, comme le note le CNLT, « la recrudescence de l’usage de la torture sur des prisonniers a été l’un des effets les plus notables de l’application de la nouvelle loi sur le terrorisme ». En effet, entre 2005 et 2007, la quasi-totalité de ceux qui ont été arrêtés en vertu de la loi anti-terroriste se sont plaints d’avoir été torturés lors d’interrogatoires menés par des fonctionnaires du Ministère de l’Intérieur20. Très récemment, le 16 octobre 2007, à la prison civile de Mornaguia, une trentaine de prisonniers, arrêtés suite aux affrontements armés de fin décembre 2006 – début janvier 2007 et détenus dans le cadre de la loi anti-terroriste de 2003, auraient été torturés par des agents pénitentiaires afin de les contraindre à mettre fin à une grève de la faim illimitée.
Maître Ayadi, qui a déposé des plaintes pour tortures au parquet de la Manouba les 17 et 19 octobre 2007, après avoir constaté le 15 octobre à la prison de Mornaguia, des traces de tortures sur ses clients, détenus dans des affaires de « terrorisme , s’est vu interdire, depuis le 12 novembre 2007, l’accès à la prison de Mornaguia à la suite de ses plaintes. Le Ministre de la justice et des droits de l’Homme, Béchir Tekkari, a également accusé Maître Ayadi de « diffuser des alertes contenant des informations mensongères sur les violations de droits humains ». Nous regrettons que ces plaintes n’aient toujours pas été enrôlées par le greffe à ce jour, malgré les requêtes réitérées de l’avocat auprès du Procureur.
La FIDH, le CNLT et la LTDH soulignent que l’absence de contrôle par les procureurs de la République des conditions de garde à vue et de l’authenticité des informations inscrites sur les registres de détention et le refus des juges d’instruction d’enquêter sur les allégations de torture21 ou d’accéder aux demandes d’examen médical vient consacrer l’impunité des auteurs d’actes de torture.

La FIDH, la CNLT et la LTDH recommandent aux autorités tunisiennes de :

Mettre pleinement en oeuvre les recommandations du Comité des droits de l’Homme et du Comité contre la torture ainsi que celles des rapporteurs spéciaux.
Cesser toute ingérence du gouvernement dans l’administration de la justice en assurant l’indépendance effective des magistrats ainsi qu’en garantissant la liberté d’exercice de la profession d’avocat conformément à la Résolution de la Commission des droits de l’homme 2000/42 sur l’Indépendance et impartialité du pouvoir judiciaire, des jurés et des assesseurs et indépendance des avocats
Permettre aux associations et aux ONG de défense des Droits de l’Homme d’assurer pleinement leurs activités conformément notamment aux articles 5 et 6 de la Déclaration sur le droit et la responsabilité des individus, groupes et organes de la société de promouvoir et protéger les droits de l’homme et les libertés fondamentales universellement reconnus
Mettre fin à tous les actes d’intimidation et de harcèlement envers les personnes exercant leur droit à la liberté d’expression et d’opinion ;
veiller dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi anti-terroriste à respecter ses obligations internationales en matière de protection internationale des droits de l’Homme, et notamment les dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants qui prévoit dans son article 2 la prohibition de la torture en toute circonstance.

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