La FIDH et ses partenaires se félicitent de l’annonce tant attendue d’une possible enquête de la CPI sur les atrocités commises en Ukraine

14/12/2020
Communiqué
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Paris, La Haye, Kijv, Kharkiv, 15 décembre 2020 – Le 11 décembre, la Procureure de la Cour pénale internationale (CPI) a annoncé que son bureau procédait à la clôture de l’examen préliminaire entamé en 2014 sur les crimes internationaux commis sur le territoire ukrainien. Elle s’est dit prête à demander l’autorisation de la Chambre préliminaire de la CPI pour ouvrir une enquête. Nos organisations saluent cette perspective d’un recours effectif pour les victimes de ces crimes et appellent au soutien des États parties afin que le Bureau de la Procureure de la CPI dispose de moyens suffisants pour remplir son mandat.

Dans sa déclaration, Fatou Bensouda a indiqué que son bureau a conclu “qu’il existe une base raisonnable pour croire ... qu’un large éventail de comportements constituant des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité … ont été commis dans le contexte de la situation en Ukraine.” Ces crimes ont été perpétrés par différentes parties au conflit dans le cadre des hostilités, en Crimée, et lors de détentions. "La prochaine étape consiste à demander aux juges de la chambre préliminaire de la Cour l’autorisation d’ouvrir des enquêtes", a précisé la Procureure.

“Les organisations de la société civile ont activement documenté ces crimes commis dans l’est de l’Ukraine et en Crimée, et ont soumis de nombreux rapports circonstanciés au Bureau de la Procureure de la CPI, tout en suivant les procédures nationales. Nous saluons la reconnaissance par la Procureure de l’existence de crimes internationaux en Ukraine et de l’absence de réelles enquêtes et poursuites au niveau national. Nous espérons qu’une enquête approfondie sera bientôt autorisée dans ce dossier”

Yevgeniy Zakharov, Directeur du Kharkiv Human Rights Protection Group (KHPG).

Nos organisations ont soumis plusieurs communications au titre de l’article 15 au Bureau du Procureur de la CPI (BdP) au cours des six dernières années, demandant à la Cour d’ouvrir une enquête, les deux dernières se concentrant sur les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité commis contre des prisonniers [1] et sur les crimes sexuels liés au conflit commis dans des lieux de détention illégaux [2] dans l’est de l’Ukraine.

Bien que l’Ukraine ait accepté la compétence de la CPI sur des crimes internationaux commis sur son territoire depuis février 2014 par le biais de deux déclarations ad hoc, Kijv n’a pas ratifié le Statut de Rome malgré le travail actif de plaidoyer mené auprès des autorités nationales par des ONG nationales et internationales.

"Maintenant que la Procureure de la CPI a annoncé être prête à demander aux juges d’ouvrir une enquête officielle, c’est le moment de rappeler que l’Ukraine doit encore ratifier le Statut de Rome. Alors qu’une véritable enquête se profile à l’horizon, les autorités ukrainiennes se retrouvent à devoir respecter des obligations découlant de leurs déclarations ad hoc, sans pouvoir bénéficier des mêmes droits que les Etats qui ont ratifié le Statut de la CPI. Cette situation étrange devra être corrigée à la première occasion”

Oleksandra Matvichuk, Présidente du Center for Civil Liberties (CCL) basé à Kijv.

La Procureure de la CPI n’a pas manqué de souligner les limites opérationnelles du BdP de la CPI, notamment "en raison de l’insuffisance et de la surexploitation des ressources", ainsi que le besoin de priorisation dans la charge de travail dudit bureau, deux questions qui feront partie de sa discussion avec le ou la prochain.e Procureur.e élu.e.

"Pour enquêter correctement sur les crimes internationaux commis en Ukraine – et dans d’autres situations de la compétence de la Cour – la CPI a besoin de ressources et de moyens adéquats. Plutôt que de voter un budget qui stagne, voire qui décroît année après année, les États parties devraient accorder à la Cour les moyens financiers suffisants pour mener à bien sa mission, passant ainsi d’une approche axée sur les ressources à une approche fondée sur les besoins.”

Delphine Carlens, responsable du Bureau justice internationale de la FIDH
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