Lettre ouverte aux Président et Premier Ministre turcs au sujet de l’usage disproportionné de la force par la police

Cette lettre est co-signée par les organisations membres de la FIDH suivantes :

Human Rights Commission of Pakistan Ligue des Droits de l’Homme - France Philippine Alliance for Human Rights Advocates Zimrights - Zimbabwe Asamblea Permanente de Derechos Humanos de Bolivia
Comision Ecuménica de Derechos Humanos - Ecuador Fundacion Regional de Asesoria en Derechos Humanos - Ecuador Internationale Liga fur Menschenrechte - Allemagne Observatoire Congolais des Droits de l’Homme Association Marocaine des Droits de l’Homme
Ligue Hellenique des Droits de l’Homme Asociacion Pro Derechos Humanos - Pérou Bahrain Center for Human Rights Gulf Center for Human Rights Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme
KontraS - Indonésie Human Rights Center - Géorgie Kenya Human Rights Commission Comite Permanente por a defensa de los Derechos Humanos - Colombie Foundation for Human Rights Initiative - Ouganda
Ligue Djiboutienne des Droits Humains Ligue Rwandaise pour la Promotion International League for Human Rights - USA Civil Liberties Organization - Rwanda Ligue Algérienne de Défense des Droits de l’Homme

Monsieur le Président, Monsieur le Premier Ministre,

la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme et ses organisations membres en Turquie la Fondation des droits de l’Homme (TIHV - Türkiye İnsan Hakları Vakfı) et l’Association des droits de l’Homme (IHD - İnsan Hakları Derneği) tiennent à vous exprimer leur plus profonde inquiétude et indignation quant à la violence policière manifestement disproportionnée qui entoure les manifestations qui ont débuté le 27 mai 2013.

Ces manifestations initialement rassemblées contre un projet d’urbanisme autour du Park Gezi se sont rapidement transformées en mouvement de contestation contre l’oppression, notamment en réaction à la violence policière dont les manifestants de la place Taksim ont été l’objet.

A ce jour, et selon les informations du syndicat des docteurs de Turquie (Turkish Medical Association), 2800 personnes ont été blessées à l’occasion des manifestations à Ankara, Izmir et Istanbul uniquement. Lundi 3 juin, un premier décès était annoncé, un second l’était mardi. Plus de trois mille de personnes ont été arrêtées et des actes de torture et/ou traitements inhumains et dégradants ont été rapportées selon la TIHV, membre de la FIDH.

Nos organisations membres, TIHV et IHD ont pu documenter l’utilisation excessive et disproportionnée des gaz lacrymogènes pour disperser les manifestations, en violation du droit international, notamment des Principes des Nations unies sur l’usage de la force et des armes à feu par des agents de maintien de la paix.
Ainsi, des cartouches de gaz lacrymogène ont été très largement tirées pour contraindre des manifestations initialement pacifiques. Beaucoup ont également été dispersées à partir d’hélicoptères au dessus des zones résidentielles sans manifestants. A plusieurs occasions, des cartouches ont été tirées à l’intérieur de domiciles, en violation notamment des principes de nécessité et de proportionnalité.
En outre et à plusieurs reprises, des cartouches de gaz lacrymogène ont été tirées à courte distance, et dirigées vers la tête des manifestants. Ceci a eu pour conséquence de nombreuses blessures dans les yeux ou causés de nombreux traumatismes crâniens.

En outre, l’utilisation de gaz de nature indéterminée et plusieurs attaques contre des ambulances ont empêché à plusieurs reprises l’assistance médicale aux personnes blessées dans les manifestations.

Dans ce contexte, nous vous appelons à
− garantir le droit à la manifestation pacifique et la liberté d’expression,
− relâcher tous les manifestants pacifiques maintenus en détention,
− garantir l’accès aux soins des personnes dans le besoin,
− mettre un terme immédiat à tout acte de violence policière contre les manifestants,
− mettre en place une commission d’enquête indépendante et impartiale sur les allégations de torture et de traitements inhumains, ainsi que sur l’utilisation disproportionnée de la force par les organes de maintien de l’ordre.

Comme nous l’avons dit récemment, à l’occasion du 38ème Congrès de la FIDH, au Président de la République et au Vice Premier Ministre, la FIDH est particulièrement préoccupée par les violations systématiques et récurrentes de la liberté d’expression en Turquie. Les événements récents ne peuvent que conforter notre crainte que le gouvernement ne privilégie l’autoritarisme et la répression en réponse aux préoccupations légitimes exprimées par les manifestants, plutôt que le dialogue et la concertation.

Nous vous appelons une nouvelle fois à approfondir les réformes indispensables à la réussite de la transition en Turquie, telles que nous vous les avons exprimées dans notre appel à mettre en œuvre Huit Mesures Essentielles. La garantie de la liberté d’expression et son corollaire, la liberté de manifestation pacifique, en constituent une pierre angulaire.

En vous remerciant de l’attention que vous porterez à notre lettre, nous vous prions d’agréer nos sentiments les plus respectueux,

Karim Lahidji, Président de la FIDH

̈Öztürk Türkdoğan, President de l’IHD

Metin Bakkalcı, Secrétaire Général de la HRFT

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