Les travailleurs chinois à la conquête de leurs droits : quel rôle pour les marques ?

Dans un rapport publié le 17 mai, Les travailleurs chinois à la conquête de leurs droits. Quel rôle pour les marques ?, la FIDH fait état des évolutions encourageantes intervenues ces dernières années concernant la protection des droits des travailleurs en Chine, mais souligne un certain nombre de préoccupations quant aux conditions qui prévalent dans les usines. Ce rapport fait suite à une mission d’enquête dans le Guangdong, au sud-est de la Chine, menée en novembre 2012 afin d’évaluer les conditions de travail dans plusieurs usines fournissant de grands groupes internationaux.

Le cadre législatif s’est progressivement amélioré depuis les années 1990, venant réglementer la durée du travail, les contrats de travail ou encore la sécurité sociale à laquelle ont désormais droit les travailleurs. Les bas salaires, qui ont contribué à faire de la Chine « l’usine du monde » à la fin du 20ème siècle, ont substantiellement augmenté.

Malgré ces avancées notables, les salaires restent largement insuffisants au regard de l’augmentation du coût de la vie. Les travailleurs pour la plupart issus des zones rurales de la Chine sont ainsi obligés d’accepter des horaires de travail bien au-delà des règles fixées par la loi nationale qui limite à 8 heures le temps de travail quotidien et à 36 heures le nombre d’heures supplémentaires par mois. Dans les usines visitées par la FIDH, les ouvriers travaillaient entre 60 et 80 heures par semaine. Pour ces travailleurs migrants, qui vivent dans des dortoirs situés au sein des usines ou à proximité, il s’agit en effet de gagner le plus d’argent possible afin de subvenir aux besoins de leurs parents et enfants restés dans leur village d’origine. Certains espèrent pouvoir rentrer chez eux après quelques années de travail intensif dans les usines du Guangdong.

Face à cette situation, les ouvriers ne disposent que de peu de marge de manœuvre afin de faire valoir leurs droits. Le syndicat unique chinois (ACFTU), inféodé au Parti communiste, s’attache bien plus à maintenir la stabilité sociale qu’à défendre les travailleurs. Quant aux audits sociaux commandités par les acheteurs internationaux, leur portée reste limitée : s’ils restent utiles pour mesurer certains aspects des conditions de travail (horaires, contrats, sécurité sociale, conditions de logement) et peuvent aboutir à des améliorations lorsqu’ils font l’objet d’un suivi étroit pas les acheteurs, la sous-traitance - notamment des activités les plus dangereuses - échappe aux audits. En outre, pour satisfaire aux critères des audits sociaux, les fournisseurs n’hésitent pas à nommer eux-mêmes des soi-disant représentants des travailleurs. Ces audits ne permettent pas de faire progresser la liberté syndicale et le droit à des négociations collectives. Des modalités d’actions complémentaires doivent être mises en place par les acheteurs internationaux à cet effet, concernant en particulier l’adaptation de leurs pratiques d’achat.

Depuis une dizaine d’années, les conflits sociaux se multiplient considérablement en Chine. Dans certains cas, la mobilisation notamment à travers les grèves a permis aux ouvriers d’obtenir des améliorations tangibles en termes de salaires et d’avantages sociaux, et parfois même de représentation des travailleurs.

Aujourd’hui, les ouvriers communiquent de manière croissante via les réseaux sociaux et les téléphones portables, multipliant leur capacité d’action. Les jeunes générations refusent de plus en plus de se plier aux conditions de travail qu’ont connu leurs parents.

« La nouvelle génération de travailleurs en Chine est en train d’agir pour défendre ses droits. Les entreprises multinationales doivent respecter et exiger de leurs fournisseurs le respect du droit du travail chinois, le droit des travailleurs d’élire librement leurs représentants, et le droit à la négociation collective », a déclaré Han Dongfang, Directeur Exécutif de China Labour Bulletin (CLB), partenaire de la FIDH.

L’augmentation des salaires incite aujourd’hui les acheteurs internationaux à réduire leur production en Chine pour s’approvisionner dans d’autres pays, où les coûts de production sont moins élevés. Cela illustre combien les pratiques d’achat de ces marques restent guidées par les coûts les plus bas. De nombreuses entreprises transfèrent ou envisagent de transférer leur production vers des pays où la main-d’œuvre est meilleur marché qu’en Chine. Cela ne laisse aucune place à la dimension sociale. Un tel nivellement par le bas est regrettable. Les entreprises devraient plutôt adopter des politiques volontaristes en faveur des droits des travailleurs en Chine, a conclu Souhayr Belhassen, Présidente de la FIDH.

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