Inculpation d’Hissène Habré au Sénégal pour crimes contre l’humanité, crimes de guerre et torture

Le 2 juillet 2013, Hissène Habré, l’ancien dictateur tchadien au pouvoir de 1982 à 1990, a été inculpé pour crimes contre l’humanité, crimes de guerre et torture et placé sous mandat de dépôt par les juges d’instruction sénégalais en charge de l’affaire.

Habré est accusé de milliers d’assassinats politiques et de l’usage systématique de la torture alors qu’il était au pouvoir. Depuis lors, il vit en exil au Sénégal. En février 2013, les Chambres africaines extraordinaires au sein des tribunaux sénégalais ont été créées par le Sénégal et l’Union africaine pour juger les crimes commis par son régime. Le 30 juin 2013, Hissène Habré a été placé en garde à vue sur ordre du parquet des Chambres. Les juges d’instruction des Chambres l’ont inculpé lors de son entretien de première comparution le 2 juillet 2013 puis l’ont placé sous mandat de dépôt, donnant ainsi suite au réquisitoire introductif pris par M. Mbacké Fall, Procureur général près des Chambres extraordinaires africaines.

La FIDH et ses organisations membres au Tchad, l’Association tchadienne pour la promotion et la défense des droits de l’Homme (ATPDH) et la Ligue tchadienne des droits de l’Homme (LTDH), ainsi qu’au Sénégal, l’Organisation nationale des droits de l’Homme (ONDH) et la Rencontre africaine pour la défense des droits de l’Homme (RADDHO), se félicitent de l’inculpation d’Hissène Habré par les Chambres africaines extraordinaires. Il s’agit d’une avancée significative dans ce dossier que la FIDH et ses organisations membres soutiennent depuis plus de dix ans, tant au niveau établissement des faits qu’au niveau judiciaire. En mai 2001 notamment, après la découverte dans les locaux de l’ancienne Direction de la Documentation et de la Sécurité (DDS) à N’Djaména de milliers de documents d’archive de la sinistre police politique de Hissène Habré, le gouvernement tchadien a permis à l’Association des victimes des crimes et répressions politiques au Tchad (AVCRP), assistée de la FIDH et de Human Rights Watch (HRW), de consulter ces documents et de les exploiter librement, alimentant ainsi les procédures judiciaires successives.

Ce dossier a connu de nombreux rebondissements. Habré a en effet été inculpé une première fois au Sénégal en 2000, après qu’une plainte a été déposée par 7 victimes, avec le soutien de plusieurs ONG dont la FIDH, mais les tribunaux sénégalais ont statué qu’il ne pouvait pas y être jugé, et ses victimes ont alors déposé plainte en Belgique. En septembre 2005, après quatre années d’enquête, un juge belge a inculpé Habré et la Belgique a demandé son extradition. Après le refus du Sénégal d’extrader Habré vers la Belgique et trois années de négociations pointilleuses au sujet d’une demande de l’Union africaine, la Belgique a porté plainte contre le Sénégal devant la Cour internationale de Justice. Cette dernière a ordonné au Sénégal, le 20 juillet 2012, de poursuivre Habré « sans aucun autre délai » à défaut de l’extrader.

Après l’élection de Macky Sall à la présidence du Sénégal en avril 2012, l’Union africaine et le Sénégal se sont mis d’accord sur un projet pour créer les « Chambres africaines extraordinaires » en vue de mener le procès au sein du système juridique sénégalais. Ces Chambres mixtes sont compétentes pour poursuivre les crimes les plus graves commis sur le territoire tchadien entre 1982 et 1990.

La phase d’instruction ouverte par les Chambres devrait durer 15 mois. Elle pourra être suivie d’un procès à la fin de l’année 2014 ou en 2015.

Pour plus d’informations sur l’affaire, consultez :
 la rubrique "affaire Hissène Habré" du site de la FIDH ;
 le rapport FIDH sur l’affaire Hissène Habré, novembre 2008 ;
 le site des Chambres africaines extraordinaires : http://www.chambresafricaines.org/

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