Avortement au Chili : les femmes face à d’innombrables obstacles

(Paris, Santiago, le 20 août 2018) - Dans un rapport publié aujourd’hui, la FIDH et l’Observatoire Citoyen analysent les obstacles auxquels font face les femmes et les filles pour accéder à des services d’avortement légal et sûr au Chili, un an après l’adoption de la Loi 21.030.

Il y a un an, le 21 août 2017, le Tribunal Constitutionnel du Chili validait l’adoption de la Loi 21.030, qui autorise l’avortement dans trois cas précis : risque pour la vie de la mère, non-viabilité du fœtus et viol. La Loi 21.030 a réformé l’un des cadres légaux les plus rétrogrades au monde, qui criminalisait et interdisait totalement la pratique de l’avortement. Bien que cette loi constitue une avancée importante, au Chili, l’extrême majorité des femmes – plus de 97 % selon certaines estimations1 – est toujours privée du droit à un avortement légal et sûr. En outre, la minorité pouvant recourir à un avortement dans le cadre de la Loi 21.030 doit faire face à de nombreuses restrictions, ainsi qu’aux tentatives des autorités de limiter la mise en œuvre de la loi.

« Les dernières mesures prises par les autorités chiliennes concernant l’objection de conscience semblent davantage conçues pour ne pas appliquer la loi plutôt que pour garantir l’accès à l’avortement légal et sûr dans les trois situations prévues »

Elsie Monge, Vice-présidente de la FIDH.

En effet, si le champ d’application de la loi est très limité, il court le risque de l’être encore davantage si le gouvernement parvient à obtenir l’approbation d’un nouveau décret d’application sur l’objection de conscience. Ce décret, s’il était adopté, contribuerait à faciliter l’exercice de l’objection de conscience2. La clause de conscience autorise des professionnels de la santé à refuser de pratiquer des avortements s’ils ou elles jugent que cela est contraire à leurs croyances religieuses ou convictions morales. La loi chilienne prévoit également que des institutions puissent invoquer la clause de conscience, alors que ce principe n’est nullement reconnu en droit international des droits humains. De nombreux médecins obstétriciens ainsi que plusieurs établissements privés ont déjà manifesté leur objection de conscience à pratiquer des avortements, créant ainsi de nouvelles restrictions d’accès à l’avortement légal et sûr.

Hormis les tentatives de déréglementation de l’exercice de l’objection de conscience, les obstacles à l’accès à l’avortement légal et sûr dans le cadre de la Loi 21.030 sont multiples et de différents ordres. Ils sont non seulement liés aux trois causes qui justifient le droit à l’avortement, mais aussi aux délais limités dans lesquels celui-ci doit être pratiqué, à la possibilité d’intervention de tiers, qui peuvent interférer dans la prise de décision des femmes et surtout des filles, ainsi qu’à l’interdiction de mener des campagnes de publicité au sujet des services d’avortement.

« Les autorités chiliennes doivent prendre les mesures légales et administratives nécessaires pour garantir l’accès effectif, opportun et sans discrimination à des services d’avortement légal et sûr de qualité, sur l’ensemble du territoire, dans les trois circonstances prévues par la loi. Elles doivent également s’acheminer à mettre fin aux obstacles qui continuent de porter atteinte au respect plein et entier de la liberté de décision des femmes en matière sexuelle et reproductive, en garantissant l’accès à l’avortement pour toutes et dans toutes les circonstances »

José Aylwin, Directeur de l’Observatoire Citoyen.

Nos organisations adressent également un ensemble de recommandations visant à protéger les droits sexuels et reproductifs des femmes et des filles chiliennes. Les autorités devraient notamment supprimer l’invocation de la clause de conscience pour les institutions et réglementer strictement le recours à l’objection de conscience individuelle.

Lire la suite