Le Burundi au bord du gouffre, retour sur deux années de terreur

04/07/2017
Rapport
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Dans un nouveau rapport, la FIDH et ses organisations partenaires au Burundi dressent un tableau alarmant de la situation dans le pays, un peu plus de deux ans après le déclenchement de la crise en avril 2015. Ce rapport fait état des violations des droits humains en cours et de la fuite en avant répressive et dictatoriale dans laquelle se sont engagées les autorités burundaises. Il revient également sur les moyens utilisés par le régime pour mettre en œuvre sa politique autoritaire, y compris sur le rôle et la radicalisation accrus de la milice Imbonerakure. Face à cette dérive continue, la communauté internationale doit agir sans délai.

Le 26 avril 2015, les premières manifestations populaires pour s’opposer à l’annonce du président burundais de briguer un troisième mandat étaient réprimées dans le sang. Cette répression marquait le début d’un cycle de violences conduisant progressivement à une campagne d’élimination systématique des opposants, supposés et réels . En deux ans, plus de 1 200 personnes auraient été tuées, entre 400 et 900 auraient été victimes de disparitions forcées, plusieurs centaines voire des milliers auraient été torturées, plus de 10 000 seraient encore détenues arbitrairement. On compte aujourd’hui plus de 400 000 personnes réfugiées dans les pays voisins. Ces violations, dont certaines pourraient relever de crimes internationaux, demeurent largement impunies.

En novembre 2016, la FIDH et la Ligue ITEKA publiaient un rapport, fruit d’une enquête de terrain, alertant sur « les dynamiques génocidaires » de la répression en cours [1]. Alors qu’il est désormais quasi-impossible aux observateurs indépendants – ONG et journalistes notamment – d’accéder au pays, le rapport publié aujourd’hui dresse un constat alarmant des évolutions des derniers mois.

Toutes les composantes de l’appareil d’État et de la société civile sont soumises aux mêmes dynamiques répressives, orchestrées par un régime obsédé par la conservation du pouvoir à tout prix. Le paysage politique s’est resserré autour d’un parti unique, le CNDD-FDD, devenu un parti exaltant un discours de plus en plus guerrier et paranoïaque. Les médias indépendants sont censurés ou bloqués. Les opposants politiques sont systématiquement traqués, persécutés, fréquemment assassinés. Les défenseurs des droits humains et les journalistes indépendants muselés. L’armée est l’objet d’une campagne de purge et d’élimination exacerbant les tensions politico-ethniques au sein de ce corps profondément divisé.

La milice Imbonerakure, dont le rôle dans la répression s’est considérablement accru, demeure le fer de lance du régime. La récente divulgation de vidéos en avril et mai 2017 montrant des dizaines de ses membres entonnant des chants appelant au viol des opposantes a, pour une fois, été médiatisée. Toutefois, le rapport démontre qu’il ne s’agissait pas d’appels isolés, mais d’exemples parmi d’autres de la radicalisation idéologique de cette milice. Ce conditionnement est de plus couplé à un entraînement, une militarisation et une structuration qui semblent s’accroître. Une loi votée par l’Assemblée nationale en décembre 2016 pourrait leur conférer le statut de forces de réserve alors même que cette milice serait aujourd’hui responsable de graves violations (meurtres, viols, disparitions forcées, torture notamment) qui pourraient relever de crimes internationaux.

Dans ce contexte, nos organisations appellent la communauté internationale à prendre la mesure de la gravité de la situation prévalant au Burundi. Nos organisations appellent la Cour pénale internationale à ouvrir, dans les plus brefs délais, une enquête sur les crimes de sa compétence commis au Burundi depuis avril 2015, afin d’identifier et poursuivre leurs principaux auteurs, de prévenir ainsi de nouveaux crimes et de donner aux victimes justice et réparation. Nos organisations demandent également à l’Union africaine et aux Nations unies de coordonner leurs efforts pour :
• mettre en œuvre un mécanisme de protection des populations civiles, conformément aux recommandations du présent rapport ;
• relancer le processus de dialogue politique – au point mort depuis deux ans – ;
• imposer un embargo sur les armes ;
• adopter de nouvelles sanctions individuelles à l’encontre des responsables burundais et de tout individu contribuant aux violences et/ou entravant la reprise du processus de dialogue politique.

Contexte


En avril 2015, le président Nkurunziza s’est représenté à un troisième mandat considéré par la communauté internationale et de nombreux burundais comme illégal et contraire à l’esprit et la lettre de l’Accord d’Arusha qui avait mis fin à la guerre civile des années 90 (1993-2005) ayant fait près de 300 000 victimes.

Dès le 25 avril 2015, les grandes manifestations populaires ont été sévèrement réprimées faisant au moins quatre vingt morts. Mi-mai 2015, une tentative de putsch contre le pouvoir en place a fait basculer le régime dans une répression tous azimuts contre les manifestants, les opposants politiques, les médias et les organisations de la société civile. En septembre et novembre 2016, les Nations unies et plusieurs organisations de la société civile dont la FIDH et la Ligue ITEKA alertent sur la détérioration de la situation, les risques de perpétration de crimes de masse, voire de génocide et appellent à une réaction de la communauté internationale, notamment le déploiement de forces des Nations unies et de l’Union africaine pour protéger les civils ou encore l’ouverture d’une enquête par la CPI. Depuis fin 2016, les autorités burundaises ont suspendu leur coopération avec les Nations unies.

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