Enquête internationale sur le Kasaï : accord a minima au Conseil des droits de l’homme de l’ONU

23/06/2017
Communiqué

(Genève) Par un compromis arraché à la dernière minute, le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a décidé aujourd’hui d’envoyer une équipe d’experts internationaux et régionaux en République Démocratique du Congo. Cette équipe devra établir les faits et circonstances des violations des droits humains perpétrées dans la région des Kasaï depuis août 2016, où les affrontements entre les milices Kamuina Nsapu et les forces gouvernementales auraient déjà fait plus de 3 000 morts. Résultat d’âpres négociations entre deux projets aux antipodes, cette résolution est loin de répondre aux attentes des organisations de la société civile. Celles-ci avaient appelé à l’établissement d’une commission internationale d’enquête. Indépendante, elle aurait en outre disposé de davantage de moyens d’enquête. Incriminante, elle aurait permis d’engager la responsabilité individuelle des auteurs de violences.

Le 20 juin, le Haut-Commissaire aux droits de l’Homme de l’ONU, Zeid Ra’ad Al Hussein, appelait encore à la création d’une telle commission internationale d’enquête. [1] Il affirmait notamment que « les institutions nationales n’ont ni l’expertise ni les moyens de faire la lumière sur les événements dans les Kasaï ». Toutefois, les autorités congolaises se sont obstinées à garder la direction de l’enquête, menaçant notamment de refuser des visas aux enquêteurs de l’ONU ou de leur interdire l’accès aux Kasaï.

« Cette résolution risque de ne pas suffire à empêcher les massacres. Seule une enquête vraiment indépendante permettra d’enrayer le cycle de violences dans les Kasaï, en identifiant ses auteurs et responsables. La bonne foi du président Kabila sera toutefois mesurée à l’aune de sa coopération avec la mission d’experts envoyée. »

Paul Nsapu, Secrétaire Général Adjoint à la FIDH

L’Union Européenne a retiré un texte plus fort, 24 heures avant que la résolution du groupe africain ne soit adoptée par consensus. Son projet de résolution proposait d’envoyer une mission internationale indépendante, qui aurait permis d’établir les responsabilités individuelles des graves crimes commis. Une telle commission aurait eu une portée plus forte et un mandat permettant aux responsables de rendre des comptes devant la justice.

Alors que l’ONU a dénombré au moins 42 fosses communes, et que l’Eglise catholique au Congo annonce au moins 3300 morts aux Kasaï depuis le début des affrontements, la réponse du Conseil des droits de l’homme est loin d’être à la hauteur de la gravité de la situation. Elle ne lui permet pas de remplir son mandat de prévention des violations des droits humains. [2]

« La société civile et l’ONU n’ont eu de cesse d’alerter sur les violences commises en RDC ces derniers mois. Combien de personnes devront encore être massacrées avant que la communauté internationale ne prenne ses responsabilités pour enrayer un cycle de violence très politique, alors que la légitimité du pouvoir en place est contestée et contestable ? »

Dimitris Christopoulos, Président de la FIDH

Les enquêteurs doivent être nommés par le Haut Commissaire aux droits de l’homme et dépêchés sur place dans les plus brefs délais. La balle sera alors dans le camp du gouvernement congolais. Après avoir réaffirmé le 20 juin, par la voix de son ministre des droits de l’Homme, sa volonté de coopérer avec le Conseil, il devra respecter son engagement à coopérer pleinement avec les experts missionnés, en leur garantissant notamment un accès sans restrictions au territoire. Il devra également se garder de toutes représailles contre les personnes qui coopéreront avec les experts, crainte mentionnée explicitement dans la résolution.

Contexte


A la suite de l’assassinat de leur chef traditionnel Jean Pierre Pandi, dit Kamuina Nsapu, les milices tribales de la région des Kasaï sont entrées août 2016 en rébellion contre le pouvoir central de Kinshasa. En retour, celui-ci s’est engagé dans de vastes opérations de répression, caractérisées par la perpétration de crimes graves et massifs selon les dernières investigations de nos organisations, de journalistes et de l’ONU. La collecte d’informations et l’envoi d’observateurs internationaux sur place reste néanmoins extrêmement difficile. Ainsi, deux experts du Conseil de sécurité des Nations unies ont été assassinés aux Kasaï en mars 2016, dans des circonstances non élucidées.

La mission d’experts internationaux apparaît d’autant plus pressante que l’élection présidentielle censée se tenir à la fin de l’année 2017 approche à grands pas. Depuis le 19 décembre 2016 et la fin officielle du mandat du président Kabila, les violences se multiplient dans l’Est, le Centre et l’Ouest du pays, provoquant des milliers de morts et plus de 1.3 millions de déplacés et réfugiés.

L’accord négocié le 31 décembre 2016 entre le gouvernement et les partis d’opposition via la médiation des évêques de la Conférence épiscopale congolaise (CENCO) n’est toujours pas mis en œuvre. Il visait notamment à garantir le partage du pouvoir le temps d’organiser l’élection présidentielle. Chaque jour, le pays semble sombrer un peu plus dans le chaos et les violences de masse.

Lire la dernière note de position FIDH sur la situation au Congo RDC : https://www.fidh.org/fr/regions/afrique/rdc/face-a-la-generalisation-des-violences-il-est-indispensable-de
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