Point 2 : Question de la violation des droits de l’Homme et des libertés fondamentales

26/07/2005
Communiqué

Sous-Commission des droits de l’Homme
57ème session,
25 juillet - 12août 2005

Point 2 de l’ordre du jour : Question de la violation des droits de l’homme et des libertés fondamentales, y compris la politique de discrimination raciale et de ségrégation dans tous les pays, en particulier dans les pays et territoires coloniaux et dépendants : rapport de la Sous-Commission établi en application de la résolution 8 (XXIII) de la Commission des droits de l"homme.

INTERVENTION ORALE

En Iran, la FIDH et ses organisations membres, la Ligue de défense des droits de l’Homme en Iran (LDDHI) et le Defenders of Human Rights Center (DHRC) s’inquiètent de la recrudescence des violations des droits de l’Homme, des atteintes à la minorité Bahaï et des élections présidentielles flouées.

Deux garçons ont été pendus publiquement le 19 juillet dernier à Mashhad, après avoir chacun reçu 228 coups de fouet. Ayaz Marhoni avait dix huit ans et Mahmoud Asgari, était mineur, de 16 ou 17 ans. Les deux étaient mineurs au moment des faits qui leur étaient reprochés. Ils ont été accusés de viol sur un autre mineur et atteinte à l’ordre public. Il est probable qu’ils ont été condamnés pour leur homosexualité, passible de la peine de mort.
Aujourd’hui, plus d’une trentaine de mineurs attendent leur exécution dans les couloirs de la mort, un pays où l’âge de la responsabilité pénale est à 9 ans pour les filles et 15 pour les garçons. Les exécutions de Mashhad sont les premières à intervenir après que le Comité des Nations unies sur les droits de l’enfant ait sommé, en janvier 2005, la République islamique d’Iran de suspendre toute exécution de personne mineure au moment des faits, une pratique contraire à la Convention. Le caractère public de l’exécution et les coups de fouet qui l’ont précédé ne fait qu’ajouter à l’ignominie de ce crime.
Nous sommes également gravement préoccupés par la détérioration de la santé de Akbar Ganji. Ce journaliste iranien a été condamné en 2001 à six ans de prison pour avoir écrit un article sur la responsabilité de hauts dignitaires du régime dans une série de meurtres d’intellectuels et d’écrivains. Incarcéré à la prison, d’Evin, il a entamé une grève de la faim le 10 juin 2005, pour protester contre le refus de son hospitalisation. Il est donc aujourd’hui (mardi 26 juillet) à son 45ème jour de grève. Après l’appel adressé par cinq rapporteurs spéciaux de la Commission des droits de l’Homme, il a été transféré à l’hôpital, d’où il continue sa grève de la faim. Plusieurs journaux conservateurs (parmi lesquels Kayhan, Resalat, Jamé-jam et Syasaté-Rouz) ont par ailleurs lancé une campagne de diffamation contre son avocate Shirin Ebadi, l’accusant de ne vouloir le rencontrer que pour l’assassiner, afin de faire de lui un martyr.
Hier, le 25 juillet, la Cour d’Appel de Téhéran lors d’une audience à huis clos, a entendu les plaidoiries des avocats de la mère de Zahra Kazemi, photographe -journaliste irano-canadienne décédée en juillet 2003, suite à la torture et mauvais traitements subis durant sa détention. Les avocats de la partie civile, dont Shirin Ebadi ont déclaré que les vrais coupables, parmi lesquels Saïd Mortazavi le procureur de Téhéran, n’ont pas été poursuivis.

En Israel, la FIDH est préoccupée par l’ignorance dans laquelle le gouvernement laisse l’avis consultatif de la Cour Internationale de Justice, en date du 9 juillet 2004, qui déclarait illégale la construction du mur de séparation en Cisjordanie ainsi que la résolution de l’Assemblée générale des Nations unies demandant aux Etats de la communauté internationale de se conformer à cet avis. Tenant compte de plusieurs décisions rendues par la Cour suprême israélienne ordonnant certaines modifications au tracé de cette construction, le gouvernement israélien a validé, le 10 juillet 2005 un nouveau tracé qui conduira à isoler un peu plus Jérusalem Est de la Cisjordanie et à entériner l’annexion de la totalité de cette ville.
La politique de colonisation de la Cisjordanie se poursuit de telle manière que plus de 45% de celle-ci se trouve occupée.
En outre, le désengagement israélien de la bande de Gaza, dont le début est annoncé pour le mois prochain, laissera perdurer une situation intenable pour la population palestinienne. En effet, les autorités israéliennes conserveront le contrôle des frontières terrestres, maritimes et aériennes ; rien n’est encore prévu quant à la possibilité de circuler entre la bande de Gaza et la Cisjordanie ; enfin, les colonies retirées de Gaza pourraient être réimplantées sur les territoires de Jérusalem-Est et de la Cisjordanie. Cette situation s’accompagne également d’entraves permanentes à la circulation au sein même de ces territoires et d’un étouffement économique qui favorise un accroissement constant de la paupérisation de la population palestinienne.

La FIDH et ses organisations membres en Israël sont également préoccupées par le dépôt devant la Knesset, d’un projet d’amendement à la loi sur la responsabilité civile, dans le but de refuser à tout ressortissant palestinien la possibilité de réclamer des réparations pour tout dommage causé par l’action des forces armées israéliennes, en violation flagrante du principe indérogeable de non-discrimination.
En Ouzbekistan, le 13 mai 2005, à Andijan - ville située dans la vallée du Ferghana - l’armée a ouvert le feu sur des milliers de manifestants qui s’étaient rassemblés dans le centre ville pour protester contre le procès de 23 personnes accusées d’appartenance au groupe islamiste radical « Akramia », et pour demander le respect des droits de l’Homme et l’amélioration des conditions de vie. Cette manifestation aurait causé la mort de, selon des chiffres très divergents, entre 200 (sources officielles) et 700 personnes selon d’autres sources. Dépêchée au Kirghizistan, une mission d’enquête du Haut Commissariat -qui n’a pu à ce jour se rendre en Ouzbekistan, faute d’autorisation- a reconnu que les autorités ouzbèkes étaient responsables de violations graves des droits de l’homme dont l’étendue pourrait les faire qualifier de « massacre », si les chiffres venaient à être vérifiés.
Depuis, plusieurs centaines de personnes ont fui et se sont réfugiées en Russie et au Kirghizistan voisins. Mais les autorités ouzbèkes ayant demandé leur extradition, plusieurs d’entre elles ont été rapatriées de force, arrêtées et risquent la torture. La FIDH craint pour le sort de plusieurs centaines de personnes dans cette situation, témoins directs ou indirects de la répression.

En Fédération de Russie, la FIDH déplore un sérieux recul de l’Etat de droit et des droits de l’Homme. La FIDH est particulièrement préoccupée par la persistance de violations graves de droits de l’Homme en Tchétchénie, dont sont victimes les populations civiles. Plus récemment, une proposition de loi vise à placer sous le contrôle de l’exécutif les nominations, renvois et procédures disciplinaires touchant les juges et l’administration judiciaire, mesure qui entacherait les perspectives de justice indépendante et impartiale en Fédération de Russie.

Au Togo, les élections présidentielles d’avril 2005 ont été conduites en violation du droit à des élections libres et équitables. Des fraudes massives ont été relevées par des observateurs indépendants avant et pendant le processus électoral. L’annonce de la victoire de Faure Gnassingbé a été suivie par des scènes de violence impliquant les forces de l’ordre et les mouvements d’opposition. Plusieurs centaines de civils ont été exécutés et des milliers ont fui vers les pays voisins, le Ghana et le Bénin. Des militants d’opposition, journalistes et membres des organisations de droits de l’Homme restent à ce jour, la cible des forces de l’ordre et de leurs milices.

En Côte d’Ivoire, la situation reste très critique. Depuis la rupture du cessez-le-feu en novembre 2004, des violences inter-communautaires ont éclatées à l’Ouest (dans la région du Duekoue) et au Sud du pays (région Becedi-Brignan), entre mars et juillet de cette année, causant la mort de plusieurs centaines de personnes.
L’impunité reste systématique pour les violations graves des droits de l’Homme. Trois personnes arrêtées au Commissariat de police d’Abidjan fin mars 2005 ont été retrouvées mortes leur corps mutilés. Entre juin et juillet dernier, la FESCI, une association d’étudiants proche du parti au pouvoir, aurait commis des actes de torture, viols et violences contre plusieurs étudiants appartenant à un autre syndicat étudiant (l’AGEECI). Le dirigeant de ce syndicat a été enlevé, en plein jour, par des personnes identifiées comme appartenant à la FESCI. Il a été torturé pendant plusieurs jours et retrouvé mort à côté du campus universitaire de Cocody.
Dans la zone contrôlée par les rebelles, l’absence d’administration, de banques, et la faible capacité des hôpitaux rend la vie très difficile.
La FIDH et le Mouvement Ivoirien des Droits de l’Homme appellent à ce que le rapport de la Commission internationale d’enquête sur les violations des droits de l’Homme commises en Côte d’Ivoire entre le 19 septembre 2002 et le 15 octobre 2004 soit rendu public et que ses recommandations soient mises en oeuvre.

En République démocratique du Congo, des violations massives des droits de l’Homme continuent d’être commises par les milices armées. Certaines d’entre elles sont soutenues par des pays frontaliers, notamment à l’Est du pays, en Ituri et au Kivu. La population civile continue de souffrir du conflit et est sujette aux meurtres, viols, saccage, la poussant à fuir des zones de conflits.
La mise en oeuvre de l’agenda de la période transitoire adopté dans les accords de Sun City a été repoussée pour mettre en place le cadre électoral. Cette situation a créé une tension entre les autorités et la société civile. Certains manifestants demandant la fin de la période de transition ont été tués pendant les manifestations pacifiques de juin 2005.
Les défenseurs des droits de l’Homme sont détenus de façon arbitraire, harcelés et menacés par les forces de l’ordre pour leur contestation de la non-mise en oeuvre du processus électoral.

La FIDH reste préoccupée par les conditions de détention et l’usage de la torture dans les prisons sous la juridiction des Etats-unis d’Amérique, à Guantanamo, en Irak et en Afghanistan.
En Avril 2005, les Etats-unis ont empêché l’adoption d’une résolution de la Commission des droits de l’Homme sur la situation à Guantanamo en faisant valoir qu’ils travaillaient à l’invitation des rapporteurs spéciaux des la Commission dans ces centres de détention. Depuis, les USA ont failli à leur engagement de coopérer. A ce jour, aucun rapporteur n’a obtenu de réponse à sa demande d’invitation. Pour ces raisons, quatre procédures spéciales de la Commission des droits de l’Homme ont annoncé leur intention de procéder à l’étude de la situation dans ce centre sur la base des informations crédibles disponibles et sans pouvoir se rendre sur place.
En juillet 2005, une Cour d’Appel a reconnu la compétence de tribunaux militaires ad-hoc mis en pace pour juger les prisonniers de Guantanamo, au lieu de les déférer devant une juridiction civile, en violation des règles et principes reconnus par cette Sous-commission.
Enfin, une proposition de loi vise à étendre de manière permanente 14 des 16 articles du Patriot Act, contenant de nombreuses dispositions violant les obligations internationales en matière de droits de l’Homme des Etats unies d’Amérique.

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