Lettre aux Nations Unies pour défendre la CEDAW en Tunisie

07/03/2014
Communiqué

Lettre à l’Attention de Son Excellence Monsieur Dimiter Chalev, Représentant du Haut Commissariat des Nations unies aux Droits de l’Homme en Tunisie

Tunis, le 7 mars 2014

Objet : Alerte sur les dangers courus par la ratification de la CEDAW par la Tunisie

La Tunisie a ratifié la CEDAW en 1985 en vertu de la loi n°68-85 du 12 juillet 1985. Elle a formulé une réserve générale selon laquelle, " le gouvernement tunisien ne prendra aucune mesure législative ou administrative contraire à l’article premier de la constitution" selon lequel " la Tunisie est un État libre, indépendant et souverain, sa religion est l’islam, sa langue l’arabe et son régime la république". Elle a aussi émis des réserves spécifiques aux articles 9 (paragraphe 2, 15( paragraphe 4), 16 et 29. La société civile tunisienne a, depuis l’émission de ces réserves, mené des campagnes continues à l’échelle nationale, régionale (arabe) et internationale notamment avec la FIDH, pour la levée de toutes les réserves y compris la déclaration générale.

Après la chute du dictateur, la société civile a continué ses campagnes pour la levée des réserves. Sous sa pression, le 24 octobre 2011, le gouvernement lève l’ensemble des réserves particulières, mais maintient la déclaration générale par voie du Décret loi n°103-2011. Aucune notification de la levée de ces réserves n’a pourtant été communiquée au Secrétaire Général des Nations Unies par le gouvernement tunisien.

La constitution adoptée le 27 janvier 2014 consacre la supériorité des traités internationaux sur les lois (article 20), garantit l’égalité en droits et en devoirs des citoyens et des citoyennes ainsi que leur égalité devant la loi sans discrimination (article 21).

Au courant du mois de Février 2014, un groupe de députés de l’ANC appartenant au parti majoritaire Ennahdha a déposé un projet de loi dont l’objectif est de soumettre à l’ANC l’approbation, la révision ou l’annulation du Décret loi levant les réserves particulières à la CEDAW. L’exposé de motifs de ce projet se base sur la nécessité de soumettre les décrets lois pris pendant la période transitoire à l’approbation de l’assemblée. Rappelons que tous les décrets lois n’ont pas suivi cette procédure, y compris le décret loi qui a organisé les élections de l’assemblée nationale constituante à l’origine de la mise en place de celle-ci. Par ailleurs, les dispositions transitoires énoncées dans l’article 148 de la constitution ont limité le pouvoir de propositions de lois de la part des députés aux seuls domaines relatifs au processus électoral, à la justice transitionnelle et à la mise en place des instances créées par l’ANC. La proposition relative au décret loi de levée des réserves est de ce fait inconstitutionnelle.

Il est clair que la volonté du parti majoritaire qui n’a évoqué la nécessité d’approbation des décrets lois par l’assemblée que pour le seul décret loi de levée des réserves est de remettre en cause , non seulement la levée des réserves, mais vise la ratification même de la CEDAW. Cette volonté est d’autant plus claire que le parti majoritaire Ennahdha a mené une campagne contre la CEDAW depuis le mois de Mars 2013, qualifiant celle-ci de crime contre l’identité arabe et musulmane de la Tunisie.

Nous tenions à vous alerter sur les dangers que court la ratification même de la CEDAW par la Tunisie et nous vous sollicitons afin que vous interveniez auprès des autorités tunisiennes afin de :

  • Bloquer ce processus d’atteinte aux droits des femmes ;
  • Notifier la levée des réserves particulières au Secrétaire Général des Nations Unies ;
  • Lever la déclaration générale pour que les tunisiennes puissent jouir de l’universalité de leurs droits humains.

Organisations signataires
Association Egalité et Parité,
Association Mouwatana et Tawassol,
Association Beity,
Ligue Tunisienne de Défense des Droits de l’Homme,
Association des Femmes Tunisiennes pour la Recherche et le Développement,
Association Tunisienne des Femmes Démocrates,
Section Tunisienne d’Amnesty International,
Association Ebsar,
Association Chemin de la Dignité,
Fédération Internationale des ligues des droits de l’Homme,
Réseau Euro-méditerranéen des Droits de l’Homme,
Association Tunisienne de la Citoyenneté,
Réseau Doustourna,
Union Générale des Travailleurs Tunisiens.
Alliance Civile Contre la violence

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