Aktham Naisse Finalement Acquitté !

28/06/2005
Communiqué
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Le Réseau euro-méditerranéen des droits de l’Homme (REMDH), la Commission internationale de juristes (CIJ), l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), et la Fondation Martin Ennals (MEF) se félicitent de la décision de la Cour suprême syrienne de sûreté de l’Etat à Damas (SSSC), le 26 juin 2005, d’abandonner l’ensemble des charges à l’encontre du défenseur syrien des droits de l’Homme, Aktham Naisse.

M. Aktham Naisse est un éminent avocat syrien et est président du Comité pour la défense des libertés démocratiques et des droits de l’Homme en Syrie (CDF), organisation membre du REMDH, de la FIDH et de l’OMCT. Il a par ailleurs reçu cette année le prix Martin Ennals pour les Défenseurs des Droits de l’Homme (MEA) pour son travail en faveur des droits de l’Homme. La cérémonie de remise du Prix Martin Ennals aura lieu à Genève le 12 octobre 2005, et le prix sera remis par Mme Louise Arbour, Haut Commissaire des Nations unies aux droits de l’Homme.

M. Naisse a été arrêté le 13 avril 2004 et libéré sous caution le 17 août 2004, suite à une décision de la SSSC. M. Naisse était inculpé des chefs d’"opposition aux objectifs de la révolution" et de "dissémination de fausses informations dans le but d’affaiblir l’Etat", et risquait une peine d’emprisonnement de 15 ans.

Le 25 juin 2005, le CDF a publié un communiqué de presse dans lequel M. Naisse déclarait qu’il n’assisterait pas à l’audience de dimanche. Sa décision se fondait sur le fait que la SSSC est une "cour d’exception inconstitutionnelle" et qu’elle ne satisfait pas aux "standards reconnus en matière de droit à un procès équitable".

Le 26 juin 2005, en l’absence de M. Naisse, la Cour a finalement annoncé que M. Naisse était déclaré non coupable des "activités" dont il était accusé. Il est frappant que la Cour n’ait plus fait référence à des "crimes" mais à des "activités".

La Cour est censée publier sa décision écrite dans les prochains jours. Il semblerait que la Cour doive rembourser à M. Naisse le montant versé pour sa caution (10.000 livres syriennes) en août 2004.

La décision de la Cour est un signe positif dans un contexte autrement plus sombre au regard de la situation des droits de l’Homme. En effet, le cas de M. Aktham Naisse est emblématique du harcèlement à l’encontre des défenseurs des droits de l’Homme, notamment par l’intermédiaire de procès politiquement motivés et du refus d’enregistrer les ONG de défense des droits de l’Homme.

Ainsi, le REMDH, la CIJ, l’Observatoire et le MEF rappellent que l’état d’urgence en vigueur en Syrie depuis 1963 n’est pas conforme aux standards internationaux en matière d’état d’urgence, en particulier à l’article 4 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

La Cour suprême syrienne de sûreté de l’Etat (SSSC) établie comme une cour d’exception par le décret 47 de 1968 sur la base de l’état d’urgence ne satisfait pas aux standards internationaux minimaux en matière d’indépendance et d’impartialité des tribunaux et ses règles de procédure ne sont pas conformes aux standards internationalement reconnus en matière de droit à un procès équitable. En conséquent, nos organisations craignent que la Cour continue d’être utilisée dans le cadre d’autres procès politiquements motivés.

La situation des organisations de défense des droits de l’Homme en Syrie est extrêmement difficile. Elles travaillent sans être enregistrées, les autorités refusant de leur accorder une autorisation leur permettant de mener leurs activités en toute légalité. La Loi syrienne sur les associations est considérée comme étant particulièrement restrictive, et la Syrie a dès lors grand besoin d’adopter une législation moderne sur les associations qui permettrait aux ONG d’obtenir les autorisations nécessaires et de travailler à l’abri de toute interférence ou de tout harcèlement de la part du gouvernement.

L’un des défis particulièrement difficiles auquel les organisations de la société civile oeuvrant en Syrie sont confrontées est de s’assurer des financements. La Loi d’exception numéro 6 de 1965 punit de la peine de mort toute personne recevant une quelconque forme de soutien de "l’extérieur", quelqu’en soit le motif. Les autorités maintiennent cette loi comme un instrument pour intimider les ONG, et les organisations de défense des droits de l’Homme en particulier.

Par conséquent, le REMDH, la CIJ, l’Observatoire et le MEF demeurent vivement préoccupés par le harcèlement continu des défenseurs des droits de l’Homme syriens, et ce particulièrement dans le contexte de l’Accord d’Association entre l’Union européenne et la Syrie initié fin 2004, dont l’article 2 énonce clairement l’engagement des Parties de respecter les droits de l’Homme.

Le REMDH, la CIJ, l’Observatoire et le MEF invitent :

les autorités syriennes :
 à procéder à l’enregistrement de l’ensemble des organisations de la société civile et de défense des droits de l’Homme ;
 à mettre un terme aux harcèlements, intimidations, menaces et attaques délibérées à l’encontre des défenseurs des droits de l’Homme, et à respecter leurs engagements en matière de droits de l’Homme conformément aux standards internationaux et comme énoncé dans la Déclaration de Barcelone acceptée par la Syrie ainsi que dans la Déclaration des Nations Unies sur les Défenseurs des Droits de l’Homme.

l’Union européenne et ses Etats membres :
 à demander que la Syrie respecte le droit international des droits de l’Homme et le droit international, en particulier à la lumière de l’Accord d’Association que la Syrie signera prochainement avec l’Union européenne ;
 avant la signature de l’Accord d’Association avec la Syrie, à demander à la Syrie qu’elle traduise ses promesses de réforme en action concrète, en particulier en reconnaissant les droits des ONG de défense des droits de l’Homme en les enregistrant et en leur permettant de travailler librement. Le Parlement européen devrait avoir les mêmes exigences avant d’approuver l’Accord.

la communauté internationale :
 à continuer d’exprimer ses inquiétudes sur la situation des défenseurs des droits de l’Homme et des associations de droits de l’Homme en Syrie, et à continuer de les soutenir.

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