Détentions arbitraires / Poursuites judiciaires / Mauvais traitements -

23/06/2006
Appel urgent

L’Observatoire a été informé de sources fiables de la détention arbitraire de M. Brahim Sabbar, ancien disparu et secrétaire général de l’Association sahraouie des victimes des violations graves des droits de l’Homme commises par l’Etat du Maroc au Sahara occidental (ASVDH), et de M. Ahmed Sbai, membre du Conseil de coordination de l’ASVDH et du Comité pour la protection des détenus de la Prison Noire.

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de l’Organisation mondiale contre la Torture (OMCT) et de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), vous prie d’intervenir de toute urgence à propos de la situation suivante au Maroc.

Description des faits :

Selon les informations reçues, le 17 juin 2006 vers 15h30, M. Brahim Sabbar et M. Ahmed Sbai, ainsi que deux sympathisants de l’association, M. Sidi Mohamed Mahmoud Kainnan Haddi - surnommé Elkainan, ancien détenu politique, et son frère, M. Saleh Haddi, et M. Yadhih Laaroussi[1] ont été arrêtés et agressés à l’entrée de la ville de Laâyoune, à un barrage de police. Plusieurs membres des Groupes urbains de sécurité (GUS) les ont alors forcés à sortir de leur véhicule, en les frappant et en les insultant. Tous les cinq revenaient de la ville de Boujdour où ils avaient supervisé la création d’une section de l’ASVDH, que les autorités marocaines refusent d’enregistrer légalement.

M. Brahim Sabbar et M. Ahmed Sbai ont ensuite été conduits brièvement au commissariat Hay Almatar où ils auraient fait l’objet de mauvais traitements, puis à la wilaya de sécurité de Laâyoune, où ils ont passé la nuit. Le lendemain, ils ont été interrogés par la police judiciaire, puis emmenés de force à la Prison noire de Laâyoune, où ils auraient été une nouvelle fois victimes de mauvais traitements. Pendant ces deux jours, M. Ahmed Sbai a dû être hospitalisé à plusieurs reprises à l’hôpital Hassan Bel Mehdi de Laâyoune pour des pertes de connaissance, suite à une crise due à une maladie cardiaque chronique et à des blessures graves infligées lors de sa détention.

Le 19 juin 2006, M. Brahim Sabbar et M. Ahmed Sbai ont été inculpés d’« association de malfaiteurs » (articles 293 et 294 du code pénal), « incitation à la violence » (article 304), « destruction de biens publics et mise d’obstacles sur la voie publique » (articles 587 et 591), « atteinte au fonctionnaire d’Etat » (article 267), « participation à des groupements armés » et « adhésion à une association non autorisée ». Leur procès aura lieu le 26 juin 2006.

M. Brahim Sabbar et M. Ahmed Sbai ont mené une grève de la faim durant les deux jours qui ont suivi leur arrestation, afin de demander l’« ouverture d’une enquête sur les actes de torture qu’ils ont subis au cours de leurs interrogatoires..

M. Sabbar avait déjà été arrêté le 4 juin 2006 et détenu pendant plusieurs heures, avant d’être libéré sans qu’aucune charge ne soit prononcée à son encontre. Cette arrestation faisait suite à la publication, le même jour, d’un entretien accordé à l’hebdomadaire Albidaoui, dans lequel M. Sabbar appelait à juger les responsables d’exactions commises par l’Etat marocain au Sahara occidental, et à l’organisation d’un référendum d’autodétermination pour cette région.

L’Observatoire rappelle par ailleurs que dans la nuit du 30 au 31 octobre 2005, M. Brahim Sabbar avait été sévèrement battu par des agents des GUS, à l’extérieur du commissariat central de Laâyoune, où il s’était rendu pour s’informer du sort de M. Mohamed Salem, membre de la même association, qui venait d’être arrêté (cf. Rapport annuel 2005 de l’Observatoire).

L’Observatoire exprime sa plus vive préoccupation à l’égard de ces faits, qui constituent une violation flagrante de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998, en particulier son article son article 1 qui dispose que "chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation des droits de l’Homme et des libertés fondamentales aux niveaux national et international".

Actions requises :

Merci d’écrire aux autorités marocaines afin de leur demander de :

i. Garantir, en toutes circonstances, l’intégrité physique et psychologique de M. Brahim Sabbar et de M. Ahmed Sbai, ainsi que celle de tous les défenseurs des droits de l’Homme au Maroc ;

ii. Procéder à leur libération immédiate en raison du caractère arbitraire de leur détention et garantir leur droit à un procès juste et équitable ;

iii. Mener une enquête complète et impartiale sur les mauvais traitements subis par MM. Sabbar et Sbai, afin d’en identifier les auteurs, de les traduire en justice et de les sanctionner selon les dispositions de la loi en vigueur ;

iv. Mettre un terme à toute forme de harcèlement à l’encontre de tous les défenseurs des droits de l’Homme au Maroc, afin qu’ils puissent exercer leur profession et mener leur activité de défense des droits de l’Homme librement et sans entrave ;

v. Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 9 décembre 1998 et plus particulièrement à son article 1 mentionné ci-dessus, et son article 12.2, qui dispose que "l’Etat prend toutes les mesures nécessaires pour assurer que les autorités compétentes protègent toute personne, individuellement ou en association avec d’autres, de toute violence, menace, représailles, discrimination de facto ou de jure, pression ou autre action arbitraire dans le cadre de l’exercice légitime des droits visés dans la présente Déclaration" ;

vi. Se conformer en toutes circonstances aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et des instruments internationaux relatifs aux droits de l’Homme liant le Royaume du Maroc.


Adresses :

§ Sa Majesté le Roi Mohammed VI, Ibn Al Hassan, Roi du Maroc, Palais Royal, Rabat, Maroc, Fax : + 212 37 73 07 72

§ M. Driss Jettou, Premier Ministre, Bureau du Premier Ministre et Ministre des Affaires Etrangères et de la Coopération, Palais Royal, Rabat, Maroc, + Fax : 212 37 76 99 95 / 91 95 / 77 68 37

§ M. Mohamed Bouzoubaa, Ministre de Justice, Ministère de la Justice, Place Mamounia, Rabat, Maroc, Fax : + 212 37 72 37 10 / 73 07 72 / 73 89 40

§ M. Mostafa Sahel, Ministre de l’Intérieur, Quartier Administratif, Rabat, Maroc, Fax : 212 37 76 20 56

§ M. Mohamed Benaïssa, Ministre des Affaires Etrangères et de la Coopération, Avenue F. Roosevelt, Rabat, Maroc. Fax : +212 37 76 55 08/ 46 79. E-mail : mail@maec.gov.ma

§ Conseil Consultatif des Droits de l’Homme (CCDH), Place des Chouhada, B.P. 1341, Rabat, Maroc. Fax : + 212 37.72.68.56. E-mail : ccdh@ccdh.org.ma

§ Mission permanente du Royaume du Maroc auprès des Nations unies à Genève, Chemin François-Lehmann 18a, Case postale 244, 1218 Grand-Saconnex, Suisse, E-mail : mission.maroc@ties.itu.int, fax : +41 22 791 81 80

§ Mission diplomatique du Royaume du Maroc à Bruxelles, 2 avenue F.D. Roosevelt, 1050 Bruxelles, Belgique, Fax : + 32 2 626 34 34.

Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques du Maroc dans vos pays respectifs.

***

Genève - Paris, le 23 juin 2006

Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel.

L’Observatoire, programme de la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible.

L’Observatoire a été lauréat 1998 du Prix des Droits de l’Homme de la République Française.

Pour contacter l’Observatoire, appeler La Ligne d’Urgence :
E-mail : Appeals@fidh-omct.org
Tel et fax FIDH : + 33 1 43 55 20 11 / 33 1 43 55 18 80
Tel et fax OMCT : +41 22 809 49 39 / 41 22 809 49 29

[1] Cf. Appel urgent de l’OMCT, Cas MAR 230606, diffusé le 23 juin 2006.

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