Après l’interdiction de trois hebdomadaires au Maroc, RSF et la FIDH dénoncent une décision inique et inacceptable

03/12/2000
Communiqué

Reporters sans frontières (RSF) et la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) protestent vigoureusement contre la décision du Gouvernement marocain d’interdire les trois hebdomadaires Le Journal, Assahifa et Demain.

Dans un communiqué du 2 décembre dernier, le Premier Ministre a justifié sa décision en accusant les trois journaux d’avoir "porté atteinte à la stabilité de l’Etat".

Les deux organisations demandent au Premier Ministre, Monsieur Abderrahmane Youssoufi, de revenir sur sa décision, qui contredit ses affirmations selon lesquelles il agirait " avec conviction pour la protection et l’élargissement de l’espace des libertés ". Pour les deux organisations, cette mesure marque un net recul de la liberté d’expression au Maroc. Elle est en totale contradiction avec les engagements pris par l’actuel Gouvernement en matière de protection des libertés fondamentales.

RSF et la FIDH rappellent par ailleurs que l’Union Socialiste des Forces Populaires (USFP), dirigée par l’actuel Premier Ministre, avait demandé, lorsqu’elle était dans l’opposition, la suppression de l’article 77 du Code de la Presse, sur lequel l’actuel Gouvernement s’appuie aujourd’hui pour interdire les trois journaux. L’article 77 précise notamment qu’en cas " d’atteinte aux fondements institutionnels politiques ou religieux du Royaume (...) le journal ou écrit périodique pourra (...) être interdit par arrêté du Premier Ministre ".
Les deux organisations constatent que le seul reproche adressé aux hebdomadaires Le Journal et Assahifa est d’avoir publié une lettre attribuée à l’ancien opposant Monsieur Mohamed Basri affirmant que la gauche marocaine était mêlée à la tentative de coup d’Etat de 1972 contre le Roi Hassan II, et mettant en cause directement l’actuel Premier Ministre. Or, c’est le Gouvernement de ce dernier qui décide aujourd’hui d’interdire ces hebdomadaires.

Par ailleurs, RSF et la FIDH font remarquer que l’hebdomadaire Demain, interdit, n’a fait que reprendre, comme de nombreux autres titres de la presse marocaine, les révélations du Journal.
Les deux organisations rappellent également que déjà, le 4 octobre 2000, lors d’un briefing sur la position du Maroc concernant le Sahara occidental, le ministre de l’Intérieur, Monsieur Ahmed Midaoui, avait menacé publiquement Monsieur Aboubakr Jamaï, directeur de publication du Journal, à la suite de la publication dans cet hebdomadaire d’un entretien avec le président du Front Polisario. Le ministre avait alors lancé au journaliste : "Si vous refaites ce genre d’interview avec un membre du Front Polisario, je vous interdirai une nouvelle fois (...) Heureusement que vous n’êtes pas mon fils, sinon je vous aurais cassé la gueule !"
RSF et la FIDH avaient déjà dénoncé, avec l’organisation américaine Human Rights Watch, dans une tribune parue dans le quotidien français Le Monde daté du 28 novembre, le fait que, depuis le 1er janvier 2000, sept journaux ont été ponctuellement interdits de diffusion par les autorités marocaines. Trois journalistes de France 3 ont été assignés à résidence, du 8 au 10 octobre, à Errachidia (est du Maroc) pour avoir filmé des sites militaires. Enfin, le 4 novembre, le ministère de la Culture et de la Communication avait retiré son accréditation à Monsieur Claude Juvénal, chef du bureau de l’agence française AFP, à Rabat. Les autorités marocaines reprochaient au journaliste de s’être "écarté de l’éthique et de la déontologie de la profession en prenant des initiatives à caractère hostile au Maroc et à ses institutions".

Les deux organisations appellent enfin les responsables de publication, au Maroc et dans le reste du monde, à témoigner de leur solidarité à l’égard des journaux aujourd’hui interdits et à intervenir auprès du Gouvernement marocain afin que ce dernier revienne sur cette décision inique et inacceptable.

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