Stratégie de la terre brûlée, volonté d’élimination généralisée et systématique

Le Conseil de sécurité doit saisir d’urgence la Cour pénale internationale, la panoplie des sanctions individuelles doit être déployée

Les craintes exprimées par la FIDH ces derniers jours se confirment : Kadhafi met en œuvre une stratégie de la terre brûlée. On peut craindre qu’il ait effectivement décidé d’éliminer massivement, là où il le peut encore, les citoyens libyens qui se sont levés contre son régime et, au-delà, de réprimer systématiquement et indistinctement les civils. Ces actes peuvent être qualifiés de crimes contre l’humanité, au sens de l’article 7 du Statut de Rome sur la Cour pénale internationale.

La FIDH appelle le Conseil de sécurité des Nations unies à saisir d’urgence la Cour pénale internationale ainsi que tous les Etats et les instances intergouvernementales compétentes à adopter d’urgence les sanctions personnelles ciblées contre Kadhafi et les membres de sa garde personnelle rapprochée. De même tous les moyens susceptibles de couper leur approvisionnement en hommes et en armes et de réduire leur capacité de bombarder les villes libérées, doivent être mis en œuvre par le Conseil. Il est impératif d’activer sans délai tous les moyens légaux susceptibles de les dissuader de leur entreprise criminelle massive et d’en empêcher la réalisation.

Le bilan de 640 morts publié par la FIDH le 23 février au soir est à l’évidence en-deçà d’une réalité qui risque de s’aggraver très rapidement davantage.

De nouvelles informations crédibles, concernant les meurtres de soldats refusant d’exécuter des ordres, l’achèvement de blessés dans les hôpitaux (au moins 163 à l’Hôpital central et à l’Hôpital Sbiaa de Tripoli), la nature des armes utilisées au regard de l’état dramatique des blessés arrivant dans les hôpitaux, les ordres de bombardement intimés aux pilotes de chasse, semblent indiquer que Kadhafi a effectivement décidé l’élimination massive des participants aux mouvements de protestation et au-delà, la répression systématique des civils. L’intention proclamée par Kadhafi dans son discours du 22 février, d’éradiquer les "rats" devait être prise au sérieux.

La FIDH craint particulièrement la capacité meurtrière des mercenaires dont Kadhafi s’est attaché les services, et dont le nombre est estimé à 6000, dont 3000 à Tripoli selon la Ligue libyenne des droits de l’Homme, membre de la FIDH. Ils semblent avoir reçu carte blanche pour piller et tuer, indistinctement, tous civils. La FIDH vient d’appeler avec force les présidents des Etats dont des nationaux figureraient parmi ces mercenaires, à prendre toutes mesures nécessaires pour tenter de les neutraliser conformément à leurs obligations internationales.

La FIDH est particulièrement préoccupée par le sort des migrants qui représentent environ 20% de la population (1,3 millions de personnes) et se trouvent en situation de vulnérabilité extrême. Outre plusieurs centaines de milliers de ressortissants d’Afrique sub-saharienne, il s’agit aussi d’environ 30000 ressortissants tunisiens, 50000 égyptiens, 30000 chinois, 50000 bangladeshis, soit des communautés très importantes. Certaines ne peuvent compter sur l’appui adéquat de leur Etat d’origine pour être évacuées ou soutenues, faute de moyen ou de capacité à agir en pareille situation.

La FIDH prend note des condamnations enfin exprimées par un nombre important d’Etats et par les organisations internationales, y compris la Ligue des Etats arabes, l’Union africaine et l’Organisation de la conférence islamique. Mais il ne s’agit plus seulement de condamner un régime et son principal dirigeant décidant de massacrer son peuple.

Le Conseil de sécurité des Nations unies a la responsabilité principale de protéger une population civile victime de crimes internationaux et de garantir la paix et la sécurité internationales. Avec la même unanimité qu’il a condamné la politique meurtrière de Kadhafi le 22 février, il doit d’urgence saisir la Cour pénale internationale et déployer la panoplie des sanctions individuelles ciblées à sa disposition, réduire la capacité matérielle des forces armées de Kadhafi et favoriser l’évacuation des civils, y compris les migrants, par l’ouverture de corridors humanitaires et tous autres moyens appropriés.

La FIDH réitère enfin son appel au Conseil des droits de l’Homme des Nations unies à créer une commission d’enquête internationale et à suspendre la Libye de ses membres. Le Conseil tiendra le 25 février une session d’urgence sur la situation en Libye.

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