Lettre ouverte à l’Union européenne

20/11/2001
Communiqué
en fr

Demande de suspension de l’accord d’association entre UE et Israël

20 Novembre 2001
Monsieur le ministre des Affaires Etrangères,
Monsieur le Commissaire des Affaires Extérieures,
Monsieur le Haut Représentant de la PESC,

Depuis le 1er juin 2000, l’UE et Israël sont liés par un Accord euro-méditerranéen sur le commerce, l’économie et la coopération. Cet Accord établit un dialogue politique à travers des rencontres régulières entre les parties, dont le but est d’examiner l’exécution effective du dit accord.

L’article 2 de cet Accord établit que les relations entre l’UE et Israël sont fondées sur le respect des droits de l’Homme et des principes démocratiques qui doivent guider leurs politiques nationales et internationales.

Depuis un an, la situation dans les Territoires occupés palestiniens a connu une détérioration sans précédent. L’usage disproportionné, excessif et sans distinction de la force par Israël est une violation du droit humanitaire international et notamment de la Quatrième Convention de Genève. Les bombardements massifs et la politique des tirs ciblés volontairement meurtriers ont fait de nombreuses victimes parmi la population civile palestinienne ; le fait de prendre délibérément pour cible des civils palestiniens équivaut à des " meurtres intentionnels " et des " blessures mortelles intentionnelles " qui sont définis par l’article 147 de la Quatrième Convention de Genève comme étant de graves infractions à cette Convention.

Le rapport de la commission d’enquête mandatée par la commission des Droits de l’Homme des Nations Unies lors de sa session spéciale, publié en mars 2001, conclut qu’Israël viole de nombreuses dispositions de la Quatrième Convention de Genève, et rappèle qu’en vertu de son article 146, les Hautes Parties Contractantes doivent appliquer la Convention à l’encontre des responsables de ces violations. (Le rapport de la Commission d’enquête sur les Droits de l’Homme a été établit à la suite de la résolution S-5/1 du 19 Octobre 2000, E/CN.4/2001/121, 16 Mars 2001, paragraphe 64).
Par la résolution de la PESC du 25 octobre 2001, le Parlement européen " soutient la " feuille de route " proposée par la commission Mitchell pour la reprise du processus de paix au Proche-Orient, et réitère sa demande d’un gel des colonies en cours de peuplement, ainsi que l’envoi d’observateurs internationaux dans les territoires occupés ".Elle " recommande que l’application de l’Accord d’association avec Israël et que l’octroi de l’aide financière en faveur de l’Autorité Palestinienne soient étroitement liés aux recommandations de la commission Mitchell (paragraphes 19 et 20, caractères gras ajoutés).

En outre, malgré la position claire, constamment réaffirmée, de l’UE au sujet de la portée territoriale de l’Accord d’association entre l’UE et Israël, les autorités israéliennes continuent de considérer que l’Accord couvre l’ensemble des territoires sous administration israélienne, assertion qui contredit de manière flagrante de nombreuses résolutions de l’ONU. L’occupation par Israël des Territoires occupés palestiniens de 1967, y compris Jérusalem Est, est selon le droit international totalement illégale.
Israël asphyxie l’économie palestinienne, notamment à travers sa politique de bouclage des territoires, d’implantation des colonies, de destruction des bâtiments et des terres agricoles. En conséquence, l’accord provisoire entre l’UE et l’Autorité palestinienne, n’a apporté aucun bénéfice au peuple palestinien. L’UE apporte un soutien financier décisif à l’Autorité palestinienne et à la population palestinienne, notamment à travers l’UNRWA. Cette assistance est certes vitale, mais les Palestiniens doivent aussi avoir la possibilité de développer leur propre économie.
La FIDH considère qu’Israël bénéficie actuellement d’avantages commerciaux en totale violation du droit international.

Etant donné les violations à grande échelle du droit humanitaire et des droits de l’Homme commises par Israël et étant donné que, dans la pratique, l’Accord continue à prendre en compte des biens produits dans les Territoires occupés (dans les colonies), la FIDH demande à l’UE de prendre des mesures restrictives prévues par l’accord en question, tel que la suppression des bénéfices commerciaux.

Si dans le contexte actuel de telles sanctions ne sont pas adoptées en référence à la clause des droits de l’Homme, l’on peut se demander quel est le degré de violations qui doit être atteint pour que des mesures restrictives soient enfin mises en place.
L’approche proposée par la FIDH est conforme à la communication sur les droits de l’Homme, adopté le 8 mai 2001 par la Commission européenne : " Dans l’ensemble de ses dialogues avec les pays tiers (...) la Commission fera en sorte, à l’avenir, que la discussion porte sur des questions préoccupantes en matière de droits de l’homme et de démocratie. "
(...) "Toutefois, le succès d’une telle initiative est tributaire de la volonté réelle des États de coopérer. L’Union Européenne devrait poursuivre cette approche dans la mesure du possible, tout en admettant que, parfois le pays tiers n’est pas véritablement disposé à rechercher le changement au moyen du dialogue et de la consultation, auquel cas des mesures négatives peuvent s’avérer plus adéquates. "

La FIDH espère sincèrement que vous examinerez cette lettre avec la plus grande attention.

Veuillez agréer, Monsieur le ministre des Affaires Etrangères, Monsieur le Commissaire des Affaires Extérieures, Monsieur le Haut Représentant de la PESC, l’expression de notre très haute considération.

Sidiki Kaba
Président

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