Le septième anniversaire de la déclaration UE-Turquie marqué par un recul du droit des migrant·es après les tremblements de terre qui ont frappé le pays

22/03/2023
Déclaration
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Gerd Altmann via Pixabay

22 mars 2023. Le 18 mars 2023 marque le septième anniversaire de l’accord signé entre l’Union européenne et la Turquie. Depuis 2016, la Turquie a endossé le rôle de garde-frontière de l’Union européenne, recevant des milliards d’euros de fonds. En contrepartie, elle s’est engagée à garder sur son sol les migrant·es voulant rejoindre l’Union européenne et à accueillir ceux et celles ayant été renvoyé·es. Le pays n’a cependant pas hésité à abuser de cette position en brandissant la menace migratoire afin de faire pression sur l’Union européenne en cas de besoin.

Après les tremblements de terre ayant frappé la Turquie le 6 février 2023, les migrant·es vivant dans le pays ont vu leurs conditions de vie se détériorer. La montée du racisme a engendré de violentes attaques à leur encontre. Ainsi, les zones touchées par les tremblements de terre ne peuvent plus être considérées comme sûres pour ces personnes. Elles sont par ailleurs exclues des programmes d’aide et ont du mal à accéder aux produits et aux services de première nécessité, comme de l’eau potable ou un abri. Elles ont été accusées de « piller », et des attaques en bande à caractère raciste ont été signalées à l’encontre de membres de communautés arabophones dans la région. Des représentant·es du gouvernement utilisent une rhétorique anti-migrante et alimentent les sentiments racistes. Par ailleurs, des organisations de défense des droits humains actives dans la région ont rapporté que les migrant·es qui avaient réchappé aux attaques risquaient d’être torturé·es par des agents de police.

Les séismes du 6 février ont touché au moins dix villes en Turquie. Or, c’est précisément dans ces villes que le taux de population migrante par rapport à la population locale est le plus élevé. Les personnes migrantes, qui font déjà partie des populations les plus vulnérables en raison de leur statut socioéconomique, sont aussi celles qui ont été le plus directement ciblées après les tremblements de terre. Dès le 8 février, alors que des milliers de personnes coincées sous les décombres tentaient de survivre, de fausses informations racistes et anti-migrantes ont été propagées par des organismes gouvernementaux et des représentant·es des partis politiques, constituant une véritable menace pour les personnes migrantes ayant survécu aux séismes. L’État n’a mis en place aucune mesure permettant d’assurer leur sécurité sur place et n’a pas non plus facilité leur transfert vers d’autres villes. En effet, les personnes migrantes doivent demander une autorisation pour quitter la ville où elles sont inscrites. Privées de cette autorisation, des milliers de personnes se retrouvaient encore début mars dans les zones sinistrées sans avoir accès à une tente, alors que les températures étaient négatives la nuit. Cette situation est caractéristique de l’incapacité systématique de l’État turc à remplir ses obligations en matière de protection des populations migrantes sur son sol.

Du côté européen, les agences de garde-côtes grecques et Frontex (l’agence européenne de garde-frontières) s’emploient à ériger les murs de la « Forteresse Europe » à grand renfort de budgets pharaoniques et toujours plus élevés, au mépris des droits des personnes migrantes forcées de retourner en Turquie où elles risquent leur vie. En Grèce, les îles situées près de la péninsule anatolienne sont devenues des « hotspots » où des règles de procédure exceptionnelles s’appliquent. Là-bas, les personnes migrantes sont présentées comme une menace à l’existence même de la Grèce. Celles qui arrivent à rejoindre ces îles après avoir survécu aux tentatives de renvoi par les garde-côtes, sont parquées dans des camps faisant office de prisons à ciel ouvert, loin des centres-villes, rendant difficile l’accès à des soins médicaux et aux procédures de demandes d’asile. Par ailleurs, de nombreuses demandes de protection internationale sont rejetées au prétexte que la Turquie est un pays tiers sûr, en vertu de la déclaration UE-Turquie. De nombreuses personnes migrantes qui se sont retrouvées de fait piégées sur ces îles ont fini par y laisser la vie, sans que les autorités grecques aient à rendre de comptes et sans que la politique migratoire soit remise en question. Bien au contraire, la Grèce, grâce au soutien politique et financier de l’Union européenne continue à ouvrir de nouveaux camps. De plus, comme en Turquie, les médias et certains réseaux politiques encouragent la discrimination contre les personnes migrantes. Celles-ci, ainsi que les personnes les soutenant, bénévolement ou dans le cadre de leur travail, sont passibles de poursuites. Des enquêtes pénales sans fondements sont ouvertes à leur encontre et certaines ont été condamnées à l’issue de procès ne faisant état d’aucune preuve. Grâce à un arsenal législatif « antiterroriste » permettant de prononcer des condamnations pour espionnage, contrebande ou trafic d’êtres humains, les autorités grecques ont réussi à établir un climat de peur, à l’image de ce qu’a fait la Turquie.

Nous, les organisations signataires, demandons à ce que soit mis immédiatement un terme aux politiques d’externalisation des frontières. Par ailleurs, nous appelons à ne plus considérer les populations migrantes comme de la main-d’œuvre bon marché ou comme un moyen de pression politique au niveau national et international.

Nous rappelons que les accords d’externalisation signés entre l’Union européenne et la Turquie ou les pays d’Afrique du Nord nient la responsabilité des parties à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et sont donc contraires au droit international. Nous appelons ainsi à leur abrogation immédiate.

Nous, les organisations signataires, exigeons :

 La suppression immédiate des mesures instaurées par la déclaration UE-Turquie, telles que retranscrites dans les lois et règlements grecs et dans les accords internationaux avec la Turquie, ainsi que l’abrogation de tout autre accord d’externalisation signé avec d’autres pays et dont le seul but est d’empêcher les migrant·es d’entrer dans l’Union européenne ;
 L’arrêt des renvois forcés illégaux entre la Grèce et la Turquie, qui violent le droit à la vie et représentent une forme de torture comme définis dans la Convention européenne des droits de l’homme, et la mise en place immédiate de mécanisme de secours aux rescapé·es ;
 Le respect des droits des migrant·es et la garantie de conditions de vie décentes et de liberté de mouvement.

Lire la déclaration commune en turc et en grec.

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  • Co-signataires

    Academics for Peace / Germany (Barış İçin Akademisyenler Almanya)
    Adalet İçin Hukukçular / Lawyers for Justice
    Agora Association Izmir (Turkey)
    ASGI - Association for Juridical Studies on Immigration
    Asociación Americana de Juristas
    Association for Mutual Support and Solidarity with Migrants (Göçmen Yardımlaşma ve Dayanışma Derneği) (Turkey)
    Avukat Dayanışması / Lawyer solidarity
    Campaign Against Criminalising Communities (CAMPACC)
    Center for Research and Elaboration on Democracy/Group of International Legal Intervention (CRED/GIGI)
    Civic Space Studies Association (Sivil Alan Araştırma Derneği - Türkiye)
    Community Peacemakers Teams (CPT) (Greece)
    Confederation of European Alevi Unions (Avrupa Alevi Birlikleri Konfederasyonu)
    Confederation of Lawyers of Asia & Pacific (COLAP)
    Confederation of Public Employees’ Trade Unions (Kamu Emekçileri Sendikaları Konfederasyonu - KESK) (Turkey)
    de:border | migration justice collective (Netherlands)
    Democratic Alevi Associations (Demokratik Alevi Dernekleri - DAD) (Turkey)
    Democratic Lawyers Association of Bangladesh (DLAB)
    Demokrasi İçin Hukukçular / Lawyers for democracy
    Demokratische Jurist*innen Schweiz
    Diotima - Centre for Gender Rights & Equality (Greece)
    Doug Nicholls, General Secretary, General Federation of Trade Unions
    European Democratic Lawyers (AED)
    European Lawyers for Democracy and Human Rights (ELDH)
    Feminist Autonomous Centre for research (FAC)
    Foundation for Society and Legal Studies (Toplum ve Hukuk Araştırmaları Vakfı - TOHAV) (Turkey)
    Giuristi Democratici (Italy)
    Göç Araştırmaları Derneği (Association for Migration Resarch - Turkey)
    Haldane Society of Socialist Lawyers
    Hubyar Sultan Alevi Cultural Association (Hubyar Sultan Alevi Kültür Derneği) (Turkey)
    I Have Rights, Samos (Greece)
    International Association of Democratic Lawyers (IADL)
    International Federation for Human Rights (FIDH)
    Iran of the World
    Iuventa-Crew
    İnsan Hakları Derneği - İHD (Human Rights Association) (Turkey)
    Kadın Zamanı Derneği (Women’s Time Association / Turkey)
    Kadınlar Birlikte Güçlü Platformu - KBG (Women Are Stronger Together Platform - Istanbul) (Turkey)
    Kartal hukukçular derneği
    La Garriga Societat Civil (Catalunya)
    Lawyers Association for Freedom (Özgürlük İçin Hukukçular Derneği - ÖHD) (Turkey)
    Legal Center Lesvos (Greece)
    Lesvos LGBTQI+ Refugee Collective
    MAYA Eğitim Kültür Araştırma Yardımlaşma ve Dayanışma Derneği (Maya Association for Education, Culture, Research, Solidarity and Cooperation)
    Media and Law Studies (Medya ve Hukuk Çalışmaları Derneği) (Turkey)
    Medya ve Göç Derneği (The Media and Migration Association (MMA) - Turkey
    Migrant Solidarity Network / Ankara (GDA / Ankara)
    Mültecilerle Dayanışma Derneği (Association for Solidarity with Refugees) (Turkey)
    National Union of People’s Lawyers of the Philippines (NULP)
    Observatori DESC, Cátedra UNESCO de desarrollo humanos sostenible (Universidad de Girona)(Catalunya)
    ÖDAV / Libertarian democrat lawyers
    Pembe Hayat LGBTİ+ Dayanışma Derneği (Pink Life LGBTİ+ Solidarity Association-Turkey)
    People’s Bridges (Halkların Köprüsü) (Turkey)
    Pir Sultan Abdal Cultural Association (Pir Sultan Abdal Kültür Derneği) (Turkey)
    Progressive Lawyers Association (Çağdaş Hukukçular Derneği - ÇHD) (Turkey)
    Progrssive Lawyers Group (Çağdaş Avukatlar Grubu) (Turkey)
    Refugee Legal Support Athens
    Refugees in Libya (refugeesinlibya.org)
    Republikanischer Anwältinnen- und Anwälteverein e. V (RAV)
    Research Institute onTurkey (RIT)
    Schweizerischer Friedensrat, Zürich
    Sınırsız Kadın Dayanışması (Woman’s Solidarity Without Borders - Istanbul)
    Sol Hukuk (Turkey)
    Solidarité sans frontières
    Sosyal Hukuk
    Syndicat des avocats de France (SAF)
    Tadamun Antimili (Colombia)
    The Catalan association ACDDH
    the Socialist Lawyers Association of Ireland
    Toplumsal Hukuk (Turkey)
    Transnational Migrants Coordination
    Turkey Human Rights Litigation Support Project (TLSP)
    Vereinigung demokratischer Juristinnen und Juristen
    We Want to Live Together Initiative (Birlikte Yaşamak İstiyoruz İnsiyatifi) (Turkey)
    Yoga and Sports with Refugees

  • Documents joints
  • Organisations membres - Turquie
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