LES QUINZE DOIVENT EXIGER SANS DELAI DE KOSTUNICA LA LIBERATION DES PRISONNIERS ALBANAIS ET LA LIVRAISON AU TPIY DE MILOSEVIC ET DE SES CO-INCULPES

13/10/2000
Communiqué

Demain, samedi 14 octobre Vojislav Kostunica, Président de la République Fédérale de Yougoslavie, élu le 24 septembre 2000, sera l’hôte de marque du sommet des pays membres de l’UE, qui s’ouvre aujourd’hui, à Biarritz.

Mardi 10 octobre, Miroslav Filipovic, collaborateur du journal indépendant serbe Danas, de l’Agence France-Presse et de l’Institute for War and Peace Reporting (IWPR), condamné par la Cour Suprême Militaire le 26 juillet 2000, à sept ans de prison pour "espionnage" et "diffusion de fausses informations" est sorti, libre, de la prison de Nis après avoir été finalement relaxé par la même jurdiction. La décision, parce que rapide et nécessaire, après la " révolution " qu’a connue la RFY, la semaine dernière est aussi importante que symbolique d’une volonté de changement et il faut s’en féliciter.

Mais il serait regrettable de s’arrêter en si bonne voie. Reste en effet, ce millier de femmes et d’hommes albanais, capturés au Kosovo, par les forces serbes pendant le printemps 99, alors que les pays alliés au sein de l’Otan poursuivaient leur campagne de frappes sur la RFY, qui, après la capitulation de Belgrade en juin, ont été emmenés en Serbie, avant que le Kfor n’entre au Kosovo. Prisonniers de guerre, leur sort aurait dû être réglé dans les accords signés à Kumanovo entre les forces alliées et serbes. Ils ont été oubliés par la communauté internationale et les troupes de Milosevic les ont emportés comme on emporte un butin de guerre.

Parce que la situation a changé à Belgrade, le prétexte de l’impasse diplomatique, face à un dictateur, ne vaut plus. La FIDH demande aux pays membres de l’UE d’user de leur influence aujourd’hui retrouvée sur la RFY, pour contraindre ses nouveaux dirigeants à libérer, sans exception, ni sélection, ceux que le droit international de la guerre, s’il avait été respecté, obligeait Belgrade à libérer, ou à tout le moins, à laisser au Kosovo. Si Flora Brovina, par son courage et son charisme, est devenue la figure emblématique de ces prisonniers de l’ombre, il ne serait pas acceptable qu’elle seule soit libérée et que la communauté se satisfasse de cette seule libération, que le nouveau régime yougoslave serait susceptible de donner comme seul gage de sa volonté de changement . Tous, sans exception, devront être rendus à la Mission des Nations Unies pour le Kosovo, sans qu’il puisse être question d’accepter de lier leur sort au retour des serbes au Kosovo et à la clarification du sort des disparus serbes du Kosovo, questions tout aussi importantes et à la solution desquelles la communauté internationale devra continuer d’œuvrer, mais qui ne peuvent justifier pareil marchandage. Par ailleurs, il n’est pas acceptable que le sort de Milosevic soit jugé désormais " secondaire ". Celui-ci est, depuis le mois de mai 1999, mis en accusation pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité par le TPIY et a fait, avec les autres dirigeants politiques et militaires de RFY et de Serbie , également mis en accusation le même jour, l’objet d’un mandat d’arrêt international.

La " plus belle page de l’histoire de la démocratie en Europe ", pour reprendre l’expression du Ministre français des affaires Etrangères, ne sera écrite véritablement que lorsque Milosevic et ses alliés, auront été livrés à la Haye par les nouveaux dirigeants de la RFY. C’est faire bien peu de cas des centaines de milliers de victimes civiles des guerres sanolantes, ordonnées depuis plus de 10 ans, par l’ex maître de Belgrade, pour servir une cause ultranationaliste et le maintenir au pouvoir, que de renvoyer à plus tard, leur comparution devant les instances judiciaires, créées précisément pour que justice soit faite et que ces crimes là ne se répètent pas.

L’ère où les dictateurs et criminels de guerre, pouvaient, en toute impunité, espérer couler de vieux jours paisibles, sans craindre d’avoir à rendre compte de leurs crimes, est révolue et ne doit pas renaître. La résistance de ces derniers jours opposée par les pro Milosevic, constitue la preuve manifeste de ce que, différer la remise aux autorités judiciaires, de Milosevic et de ses alliés, expose à un risque sérieux et accru d’instabilité, la RFY - comme le reste des Balkans - à l’heure où elle tentait de relever la tête et de sortir de l’impasse dans laquelle elle était, depuis plus de dix ans, placée.

La FIDH invite les pays membres de l’UE à user de toute leur influence auprès de lui pour exiger, sans délai, du Président Kostunica, la remise immédiate au TPIY de la Haye de Slobodan Milosevic, Milan Milutinovic, Nikola Sainovic, Dragoljub Ojdanic, Vlajko Stojiljkovic.
Ne pas contraindre Kostunica à livrer Milosevic et ses alliés aujourd’hui, c’est enfermer le peuple serbe avec ses démons dans son passé meurtrier, c’est oblitérer son futur et rendre impossible la construction d’une démocratie dont la justice est la première pierre. C’est surtout oublier les victimes, et renier la volonté de justice dont la création du TPIY était la traduction.

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