Le Sénat doit retirer au Parquet le monopole de poursuite des crimes de guerre et contre l’humanité

Le 26 février prochain, le Sénat débattra d’une proposition de loi visant à retirer les quatre « verrous » qui bloquent les poursuites d’auteurs de crimes contre l’humanité, crimes de guerre et crimes de génocide devant les tribunaux français. Cette proposition du Sénateur Jean-­‐Pierre Sueur qui tente de lever les freins mis par le Parlement en août 2010, est sous pression. Le 13 février, la Commission des lois du Sénat a rétabli le plus puissant de ces verrous : le monopole des poursuites par le Parquet, privant ainsi d’accès aux juges les victimes des crimes les plus atroces.

Réserver la poursuite des crimes contre l’humanité, crimes de guerre et génocide à la compétence seule et exclusive du Parquet, et empêcher ainsi aux victimes de ces crimes de déclencher l’action publique en se constituant parties civiles, est totalement dérogatoire au droit commun et à la tradition pénale française.

Le rétablissement du monopole du Parquet constituerait une atteinte grave au droit des victimes à l’accès au juge, à un recours effectif et enfin une anomalie au regard de l’engagement de la France pour la reconnaissance des droits des victimes lors des négociations pour l’établissement de la Cour pénale internationale (CPI).

La France a déjà été rappelée à ses obligations, à plusieurs reprises, par divers organes des Nations unies qui ont estimé que le monopole du parquet constituait dans le cas présent une entrave au droit des victimes à un recours effectif. Ce fut notamment le cas, en 2005 et 2010, par le Comité contre la torture des Nations Unies, puis par le Conseil des droits de l’homme lors de l’examen périodique universel de 2008.

En août 2010, la Coalition française pour la Cour pénale internationale (CFCPI) avait vivement regretté l’adoption de la loi du 9 août 2010 « portant adaptation du droit pénal à l’institution de la CPI », qui rendait pratiquement impossible la poursuite en France des auteurs de tels crimes internationaux [1].

Pendant sa campagne pour l’élection présidentielle, François Hollande s’était engagé à revenir sur ce texte, déclarant : « Je n’accepte pas le mécanisme juridique existant qui défend (protège) des bourreaux en France. La Loi du 9/08/2010 ne permet pas aux victimes des crimes internationaux les plus graves d’obtenir justice dans notre pays. Les possibilités de poursuites à l’encontre des auteurs présumés de ces crimes sont restreintes (…) Je veux, bien entendu, revenir sur ces restrictions ». [2]

Il faisait ainsi écho à une délibération du Secrétariat national du Parti socialiste qui avait dès 2010 réclamé la suppression de ce monopole du Parquet et des autres verrous alors proposés par la ministre de la justice Michèle Alliot-Marie. [3]

La CFCPI rappelle que la loi adaptant le droit français au Statut de la CPI doit combler le « vide juridique » dans lequel se trouvent les victimes de génocide, crime contre l’humanité ou crime de guerre, qui n’ont pas accès à la justice dans leur propre pays, en leur permettant de saisir la justice du lieu où sont trouvés les auteurs suspectés de ces crimes. La Cour pénale internationale ne peut en effet juger qu’un très petit nombre de personnes et son Statut appelle les Etats, conformément au principe de complémentarité, à poursuivre eux-mêmes les auteurs de crimes internationaux devant leurs propres juridictions pénales.

La CFCPI ne peut se résoudre à ce que le Parlement continue de refuser l’accès des victimes des crimes les plus graves à un juge. La pratique a en effet démontré, s’agissant du crime de torture pour lequel la compétence extraterritoriale existe depuis plus de 10 ans dans la législation française, que le parquet n’ouvrait jamais d’information judiciaire de sa propre initiative.

La CFCPI appelle par conséquent les sénatrices et les sénateurs à revenir au texte initial de la proposition Sueur et à retirer au Parquet le monopole des poursuites pour les crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide.

Lire la suite

  • Co-signataires

    Les organisations composant la CFCPI sont  : Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture - Action Contre la Faim - Agir Ensemble pour les Droits de l’Homme - Amnesty International France - Avocats sans Frontières (France) - Barreau de Paris - Barreau des Hauts de Seine - Centre Nord Sud du Conseil de l’Europe – CIMADE - Comité d’aide aux Réfugiés - Compagnons de la Fraternité Edmond Michelet - Confédération Nationale des Avocats - DIH Mouvement de Protestation Civique - ELENA Réseau d’avocats sur le droit d’asile - Ensemble contre la Peine de Mort - Fédération Internationale de l’ACAT - Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme - Fédération nationale des déportés et internés, résistants et patriotes - Fédération Nationale des Unions de Jeunes Avocats - Fondation Terre des Homme Lausanne - France Libertés - France Terre d’Asile - Handicap International - Juristes sans Frontières - Justice et Paix France - Ligue des Droits de l’Homme et du Citoyen - Magistrats Européens pour la Démocratie et les Libertés - Médecins du Monde – MRAP - O.I.D.B.B. - Organisation Française de la Communauté Baha’ie - Reporters sans frontières – Ruptures – Sherpa - Solidarité avec les mères de la place de Mai – Survie - Syndicat des Avocats de France - Syndicat de la Magistrature - Union Chrétienne des Déportés et Internés - Union pour l’Europe Fédérale - UNSA-Education

  • Organisations membres - France
    vignette contact
    France
    17 Passage de la Main d'Or 75011 Paris
    0033 1 43 55 25 18
    vignette contact
    France

Agir