FÉDÉRATION DE RUSSIE : Des centaines d’ONG inspectées dans tout le pays dans le but de paralyser les activités de défense des droits de l’Homme

25/03/2013
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Paris – Genève, le 25 mars 2013. Alors que le Conseil des droits de l’Homme des Nations unies a adopté la semaine dernière une résolution rappelant que « les lois et les dispositions administratives […] doivent faciliter le travail des défenseurs des droits de l’Homme, en évitant notamment toute criminalisation, stigmatisation, entrave, obstruction ou restriction contraires au droit international des droits de l’Homme », des centaines d’ONG sont soumises à des inspections par des agents de l’État dans toute la Fédération de Russie. Ces contrôles font suite à l’adoption en 2012 de plusieurs lois qui enfreignent le droit à la liberté d’association, de rassemblement pacifique et d’expression. L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de la Fédération Internationale des Ligues des droits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), dénonce cette répression, qui ne semble viser qu’à intimider les organisations russes de défense des droits de l’Homme critiques envers les autorités. Cette campagne cherche également à ternir l’image des ONG aux yeux du public.

Depuis fin février, des dizaines d’inspections d’organisations non-gouvernementales (ONG) ont été lancées dans au moins 13 régions de la Fédération de Russie, notamment dans les territoires de Krasnodar, Moscou, Orenbourg, Penza, Perm et Altaï, ainsi que dans les provinces de Saint-Pétersbourg, Primorsky, Saratov et Rostov. À Saint-Pétersbourg, le porte-parole du bureau du Procureur général a déclaré le 19 mars 2013 que dans le courant du mois, environ 5 000 inspections seraient effectuées pour contrôler le respect de la législation sur le terrorisme, sur l’extrémisme et sur d’autres délits. Dès cette annonce, des dizaines d’ONG ont été inspectées à Saint-Pétersbourg, y compris des ONG de protection des droits des LGBT, de défense des droits de l’Homme et de protection de l’environnement.

Ces opérations ont été conduites à travers tout le pays par des procureurs, parfois accompagnés de représentants du ministère de la Justice, des Affaires intérieures, du Service fédéral de sécurité (FSB), du ministère des Urgences, du Service fédéral de la protection des droits des consommateurs et du bien-être, de l’Inspection de impôts, du Centre E, unité spécialisée de lutte contre l’extrémisme, et même des Sapeurs pompiers.

Selon les informations reçues, les inspections ont tout particulièrement visé des organisations supposées recevoir des financements étrangers et qui mènent des activités de documentation ou de plaidoyer. Ces contrôles semblent concerner des domaines assez vastes, bien que les inspecteurs aient surtout insisté sur la question du financement. L’ampleur de l’opération et les méthodes utilisées enfreignent de façon disproportionnée le droit à la liberté d’association : les inspections sont très nombreuses et la plupart du temps effectuées à l’improviste, les ONG doivent dans un laps temps très court fournir une masse de documents répondant à des listes de critères à la fois vagues et non-exhaustifs. Lors de l‘inspection de l’importante ONG « Centre des droits de l’Homme " Memorial" », une équipe d’une chaîne de télévision pro-gouvernementale avait été prévenue et se trouvait sur les lieux. Le reportage, intitulé « Memorial cache ses revenus au bureau du Procureur » est passé à l’antenne le jour même, avant la fin de l’inspection, en violation flagrante de la présomption d’innocence.

« Les informations sur les sources de financement des ONG sont publiques. Elles figurent sur leurs sites internet et sont régulièrement communiquées aux services concernés, conformément à la législation nationale. Tous les programmes font également l’objet d’un audit régulier de la part des donateurs. Cette répression massive et cette campagne médiatique constituent un dénigrement à grande échelle et visent à entraver les activité légitimes et nécessaires des ONG », a déclaré Souhayr Belhassen, présidente de la FIDH.

« En Russie, nous assistons à une multiplication de lois et pratiques ciblant les ONG de défense des droits de l’Homme au motif de leurs liens internationaux, et notamment de leurs soutiens financiers internationaux. Le droit des ONG à accéder aux financements est un droit universel protégé par le droit à la liberté d’association. Cela n’a rien à voir avec la politique », a indiqué Gerald Staberock, secrétaire général de l’OMCT.

Si les États ont un droit légitime d’imposer des réglementations et d’assurer la sécurité et l’ordre public, ils ne doivent pas instrumentaliser ces préoccupations légitimes pour imposer des restrictions inutiles aux ONG. En droit international, les États ont l’obligation de soutenir, directement ou indirectement, le financement des activités de la société civile, notamment en créant un environnement propice, sans enfreindre leur indépendance. Les autorités russes doivent cesser de créer et d’entretenir l’amalgame entre défenseurs et criminels.

L’Observatoire demande par conséquent qu’il soit mis fin à cette campagne de harcèlement soutenue par le gouvernement, et que soient abrogées les législations récemment adoptées, qui contiennent des dispositions contraires aux engagements internationaux et constitutionnels de la Fédération de Russie en matière de droits de l’Homme.

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme a publié récemment une étude exhaustive sur les restrictions des défenseurs des droits de l’Homme à l’accès aux financements, qui illustre la manière dont laquelle les gouvernements entravent de plus en plus l’accès aux financements des ONG, notamment de source étrangère, dans le monde entier.

Ce rapport est disponible aux liens suivants :

http://www.fidh.org/IMG/pdf/obs_2013_human_rights_defenders_english.pdf

http://www.omct.org/files/2013/02/22162/obs_annual_report_2013_uk_web.pdf

Pour de plus amples informations, merci de contacter :
• FIDH : Arthur Manet / Audrey Couprie : 0033 1 43 55 25 18
• OMCT : Delphine Reculeau : 0041 22 809 49 39

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