Russie : l’affaire Bolotnaïa entachée d’un bout à l’autre par les mensonges institutionnels

21/02/2014
Communiqué
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Paris, 21 février 2014 – Un tribunal de Moscou rendra aujourd’hui son verdict dans l’affaire dite de Bolotnaïa. Huit participants à la « Marche des millions » tenue le 6 mai 2012 sur la place Bolotnaïa encourent jusqu’à six ans d’emprisonnement pour avoir pris part à des « émeutes de masse » et à des « violences contre les forces de l’ordre ». Ces personnes se trouvent déjà en détention arbitraire depuis un an et demi. La FIDH demande la libération immédiate des prisonniers de la place Bolotnaïa.

« L’affaire Bolotnaïa a été entachée d’un bout à l’autre par des mensonges institutionnels proférés par des témoins qui se contredisaient à chaque mot, par les médias contrôlés par l’État et par les plus hauts responsables du pays. Cette affaire vise à étouffer les voix dissidentes en Russie et à faire passer le message qu’aucune protestation ne sera tolérée » , a déclaré Karim Lahidji, le président de la FIDH. « Au lieu de juger des manifestants pacifiques, les autorités russes devraient autoriser la tenue d’une enquête judiciaire indépendante sur le recours à la force par la police le 6 mai 2012 », a-t-il ajouté.

La « Marche » a été organisée par l’opposition à la veille de l’investiture de Vladimir Poutine pour son troisième mandat en tant que président de la Fédération de Russie. La FIDH, ainsi que d’autres organisations internationales de défense des droits humains, a chargé un groupe d’experts d’examiner des centaines d’éléments de preuve et témoignages oraux, écrits et enregistrés. Les experts ont conclu que des épisodes violents isolés se sont produits, mais que cela ne suffisait pas à qualifier l’événement dans sa globalité de « non pacifique » et encore moins à le qualifier d’« émeutes de masse ».

De plus, le rapport (disponible en russe et en anglais) souligne que les protestations sur la place Bolotnaïa se sont déroulées dans des conditions qui étaient de nature à provoquer une éruption de violence : de nombreux manifestants avaient été longuement confinés par la police dans un espace très étroit. Des enregistrements vidéo suggèrent que la police s’est livrée à de multiples reprises à un usage disproportionné de la force et a arrêté un nombre élevé de personnes qui n’avaient pas commis d’actes violents mais se trouvaient simplement à proximité des forces de l’ordre au moment où celles-ci ont chargé la foule. À la suite de ces événements, plusieurs centaines de protestataires ont été interpellés, y compris un certain nombre d’activistes interpellés dans d’autres quartiers de la ville.

Jusqu’à la fin de l’année 2013, l’affaire de la Bolotnaïa s’est traduite par l’emprisonnement d’une trentaine d’activistes dont la composition semblait correspondre à une sélection délibérée de représentants de toutes les organisations et mouvances d’opposition. La couverture médiatique sur les chaînes de télévision détenues par l’État et le comportement des juges ont illustré une approche hautement politique et biaisée d’une justice qui se contente d’obéir à des ordres venus d’en haut. L’affaire a largement dépassé le cadre de Moscou : de nombreux activistes de diverses villes ont fait l’objet de fouilles et de perquisitions. Certains d’entre eux n’ont eu d’autre choix que de demander l’asile politique à l’étranger. Dix ont été amnistiés entre fin décembre 2013 et février 2014. Les autres attendront encore leur procès pendant de longs mois.

Dans un rapport récent intitulé « Russie 2012-2013 : l’offensive contre les libertés », la FIDH et son organisation membre ADC Mémorial présentent le tableau alarmant d’une législation et d’une pratique toujours plus répressives en vigueur en Russie. Le rapport conclut que les répressions constantes et le harcèlement visant toute forme de protestation sont sans précédent depuis la fin de l’Union soviétique.

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