L’Organisation de Coopération de Shanghai : un vecteur des violations des droits de l’Homme

Paris, 3 septembre 2012 - La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) publie aujourd’hui un rapport qui recense les violations des droits de l’Homme illustrant la dangereuse tendance qui résulte du cadre d’action de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS). Ce rapport de 42 pages intitulé « L’Organisation de coopération de Shanghai : un vecteur des violations des droits de l’Homme » (« Shanghai Cooperation Organisation : a vehicle for human rights violations »), est le fruit d’une collaboration entre la FIDH et plusieurs de ses organisations membres et partenaires originaires d’États membres de l’OCS. Le rapport revient sur certains aspects du fonctionnement de l’OCS qui vont à l’encontre du droit international et du droit des réfugiés.

L’OCS a été créée le 15 juin 2001 par la Chine, la Russie, le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Tadjikistan et l’Ouzbékistan. La tragédie du 11 septembre 2001 a servi de prétexte à l’OCS pour renforcer ses politiques sécuritaires et autoritaires, entraînant la mise en place de plusieurs mesures répressives à l’encontre la société civile et de graves violations des droits de l’Homme. Pendant plus de dix ans, les défenseurs des États membres de l’OCS ont recensé de nombreuses et graves violations des droits de l’Homme résultant de la coopération inter-étatique et de la mise en œuvre à l’échelon national des accords conclus dans le cadre de l’OCS en matière de sécurité et de la lutte contre les « trois maux » que sont le terrorisme, l’extrémisme et le séparatisme. Les droits fondamentaux tels que le droit à la vie privée, à la liberté d’expression, de réunion pacifique et d’association, le droit de ne pas être soumis à la torture et l’obligation de non-refoulement, sont sans cesse bafoués. Quant aux victimes, elles manquent de moyens adéquats leur permettant d’accéder à des voies de recours efficaces à l’échelon national. Dans ce contexte d’impunité, il est d’autant plus important que les victimes puissent accéder à des voies de recours et à des mécanismes de protection des droits de l’Homme à l’échelon régional et international.

Parmi les violations des droits de l’Homme et du droit des réfugiés commises dans le cadre de la coopération entre les États membres de l’OCS en matière de politique et de sécurité, l’on peut notamment citer le cas des 29 réfugiés et demandeurs d’asile ouzbèkes au Kazakhstan qui, en juin 2011, ont été contraints de retourner dans leur pays, alors qu’ils risquaient pourtant d’y être soumis à la torture ou à de mauvais traitements. Les autorités kazakhes ont par conséquent contrevenu à l’obligation fondamentale de non-refoulement. Or, cette obligation de non-retour de personnes vers des lieux où elles risquent d’être torturées est inscrite dans la Convention contre la torture et dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, instruments auxquels le Kazakhstan est un État partie. Les autorités du pays n’ont de surcroît pas respecté les mesures provisoires imposées par le Comité des Nations Unies contre la torture visant à n’extrader aucune des personnes dont il devait examiner le dossier. Dans sa décision publiée en juin 2012, le Comité a constaté que le gouvernement du Kazakhstan avait enfreint la Convention contre la torture. Il n’en reste pas moins que ce pays et l’Ouzbékistan ne s’acquittent toujours pas de leurs obligations.
Le rapport expose dans le détail quatre autres affaires de violations des droits de l’Homme, mais il inclut aussi un manuel sur les divers mécanismes internationaux de protection des droits de l’Homme dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.

Les États membres de l’OCS sont, pour la plupart, dirigés par des régimes autoritaires. C’est au nom de la sécurité et de la stabilité nationales qu’ils tentent de justifier la répression exercée sur les militants religieux et politiques, les défenseurs des droits de l’Homme ainsi que sur les membres de l’opposition et les représentants de certaines minorités. Les gouvernements des pays membres de l’OCS accusent souvent ces personnes ou ces groupes d’« extrémisme » et intentent des poursuites à caractère politique à leur encontre. Mal défini, ce concept d’« extrémisme » ne constitue pas une infraction pénale à l’échelon international. En effet, le cadre de l’OCS en matière de sécurité est mis en œuvre via les législations nationales, en l’absence de toute définition précise de la notion de terrorisme. Il en résulte des textes de lois et des règlements excessivement généraux que les représentants de l’État peuvent aisément détourner.

L’intégration des doctrines de l’OCS dans le droit interne de chaque État membre permet à la Chine et à la Russie d’étendre leur contrôle sur les politiques et pratiques régionales de lutte contre le terrorisme bien au-delà de leurs frontières respectives, en vertu de leur statut de membres dominants au sein de l’Organisation de coopération de Shanghai. Cet état de fait a de graves répercussions sur la protection des droits de l’Homme en Asie centrale. Lors du Sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai qui s’est tenu le 6 et 7 juin 2012 à Pékin, les États membres ont amendé un accord sur les mécanismes afin de répondre de manière collective à « des événements susceptibles de mettre en péril la paix, la sécurité et la stabilité dans la région ».

Mme Souhayr Belhassen, présidente de la FIDH a déclaré à ce propos : «  L’accord récemment conclu à Pékin reflète la crainte des gouvernements des États membres de l’OCS d’être confrontés à des soulèvements populaires semblables à ceux qui ne cessent de prendre de l’ampleur au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. ». Et d’ajouter que : « Les doctrines sécuritaires de l’OCS renforcent le pouvoir déjà étendu des États, souvent exercé sans le moindre contrôle et de manière abusive pour criminaliser aussi bien les dissidents que les défenseurs des droits de l’Homme. »

La FIDH et ses organisations membres et partenaires des pays de l’OCS ont formulé à l’intention des États concernés plusieurs recommandations, à savoir :

 S’acquitter de leurs obligations internationales en vertu des droits de l’Homme et du droit des réfugiés ; respecter les décisions des organes internationaux chargés des droits de l’Homme.

 Concevoir et mettre en œuvre un mécanisme au sein de l’OCS traitant exclusivement de la protection des droits de l’Homme.

 Adopter des principes de protection des droits de l’Homme transparents et évaluer, de manière périodique, les effets de la mise en œuvre tant des principes de l’OCS que des accords conclus par ses États membres.

 Abolir la peine de mort.

 Engager les représentants de la société civile, y compris des ONG de défense des droits de l’Homme, dans des débats de réflexion sur la coopération des États membres de l’OCS.

 Inviter le rapporteur spécial des Nations Unies sur la promotion et la protection des droits de l’Homme et des libertés fondamentales dans la lutte contre le terrorisme à se rendre sur place ; collaborer avec lui en mettant en œuvre ses recommandations, y compris celles figurant dans son rapport de 2009.

Le rapport est téléchargeable en version anglaise ( http://www.fidh.org/spip.php?action=telecharger&arg=6123 ) et en version russe ( http://www.fidh.org/spip.php?action=telecharger&arg=6154 ).

Contact presse : Arthur Manet : +33 1 43 55 90 1

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